La sonde Hayabusa 2 poursuit son retour vers la Terre, où elle doit larguer à la fin de l'année une capsule contenant des échantillons de l'astéroïde Ryugu. Pour arriver à bon port, la sonde japonaise vient de démarrer mardi dernier une nouvelle série de poussées à l'aide de ses moteurs ioniques. En attendant l'arrivée de ces échantillons, les équipes de la mission ont analysé les cratères de l'astéroïde et ont pu découvrir que celui-ci a subi un coup de chaud il y a relativement peu longtemps à l'échelle de l'âge du système solaire.


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    HayabusaHayabusa 2, lancée le 3 décembre 2014, a rejoint l'astéroïde (162173) Ryugu(162173) Ryugu en juin 2018. Lors de son séjour autour de Ryugu, la sonde japonaise a effectué deux prélèvements d'échantillons de roches et de poussières, en février et en juillet 2019. En novembre dernier, Hayabusa 2 a quitté l'astéroïde avec pour objectif de larguer sur la planète bleue une capsule contenant ces échantillons.

    Ce retour a plusieurs étapes et, mardi dernier, le 12 mai 2020 à 7 heures du matin, heure de Tokyo, alors qu'elle était à plus de 163 millions de kilomètres de nous, la sonde a initié sa seconde phase d'opération de ses moteurs ioniques, laquelle durera jusqu'en septembre. La sonde, qui file à 22,62 kilomètres par seconde (plus de 81.000 kilomètres par heure), avait déjà eu une première phase d'opération de ces moteurs juste après son départ de l'astéroïde, du 3 décembre 2019 au 20 février 2020. Le guidage final de la sonde aura lieu en octobre 2020, pour une arrivée des échantillons en novembre-décembre 2020.

    Les différentes étapes du retour de Hayabusa 2 vers la Terre. © Jaxa
    Les différentes étapes du retour de Hayabusa 2 vers la Terre. © Jaxa

    Des cratères bleus et rouges signalent un coup de chaud sur l'astéroïde

    En attendant l'arrivée de ces échantillons et donc de pouvoir les analyser en laboratoire, les scientifiques de la mission continuent d'étudier l'astéroïde à distance. Dans une nouvelle étude parue le 8 mai dans Science, Tomokatsu Morota, professeur agrégéprofesseur agrégé du Département des Sciences de la Terre et des planètes de l'Université de Tokyo, et ses collègues expliquent qu'ils ont utilisé les instruments de Hayabusa 2 pour regarder la poussière délogée par les moteurs de la sonde durant sa descente.

    En effet, lorsque la sonde a frôlé la surface de l'astéroïde, un nuagenuage de particules a été soulevé du sol, ce qui a permis d'y découvrir une grande quantité de grains minérauxminéraux très fins rouge sombre. Selon les chercheurs, ils ont été produits par la chaleur solaire, ce qui suggère que Ryugu a dû passer près du Soleil par le passé.

    En observant les cratères de Ryugu, les chercheurs ont pu constater que certains sont plus bleus alors que d'autres sont plus rouges. Il faut bien noter que ces différences de couleurs sont très subtiles, mais suffisamment nettes pour être exploitées. Pour déterminer précisément quand l'excursion de l'astéroïde près du Soleil a eu lieu, l'équipe de Hayabusa 2 a examiné ces cratères. Il est en effet possible d'estimer l'âge des cratères à la surface d'un astreastre grâce à leur nombre et leur taille, à partir de notre connaissance de la fréquencefréquence des impacts au cours de l'histoire du système solaire.

    Cartes de Ryugu. L'image A est une carte globale de l'astéroïde superposant image en lumière visible et pente spectrale. La pente spectrale (représentée par le dégradé rouge-bleu) indique les zones légèrement plus rouges ou plus bleues. Les images B et D sont en lumière visible. Les images C et E montrent la pente spectrale des mêmes zones. © Morota et al. 2020
    Cartes de Ryugu. L'image A est une carte globale de l'astéroïde superposant image en lumière visible et pente spectrale. La pente spectrale (représentée par le dégradé rouge-bleu) indique les zones légèrement plus rouges ou plus bleues. Les images B et D sont en lumière visible. Les images C et E montrent la pente spectrale des mêmes zones. © Morota et al. 2020

    D'après l'étude, les cratères dont l'intérieur est plus rouge ont été formés avant le rougissement de la surface, tandis que les cratères plus bleus ont été formés après. En effet, les impacts de météoritesmétéorites postérieurs au « coup de chaud » de l'astéroïde ont exposé à la surface des matériaux plus bleus qui se trouvaient jusqu'alors dissimulés sous la surface plus rouge.

    En comparant l'âge des cratères, les chercheurs estiment que l'événement s'est produit il y a entre 300.000 ans et 8 millions d'années, ce qui est récent en comparaison des 4,6 milliards d'années du système solairesystème solaire. Les chercheurs ont également estimé que ce rougissement s'est produit 8,5 millions d'années après la formation de Ryugu. Cela signifie que Ryugu est un astéroïde jeune -- probablement le résultat de plusieurs générations de fracturation de son corps parent -- ou qu'il a subi des processus de resurfaçage.

    Pour les chercheurs, Ryugu provient de la ceinture principale d'astéroïdes, entre Mars et JupiterJupiter, puis a fait une relativement brève excursion près du Soleil, avant de se stabiliser sur son orbiteorbite actuelle, entre la Terre et Mars.

    Pôles et équateur bleus, latitudes moyennes rouges

    Les chercheurs ont également pu constater que, à l'échelle de l'astéroïde, les grains plus rouges sont situés aux latitudeslatitudes moyennes, alors que les pôles et l'équateuréquateur sont recouverts de matériaux plus bleus. L'explication proposée est la suivante : après l'événement de rougissement, les matériaux rouges ont été délogés et redistribués par les impacts de météorites et l'instabilité gravitaire qui fait « glisser » les roches vers le bas sous l'effet de la gravitégravité. La poussière des zones plus élevées de Ryugu, ses pôles et son équateur, a donc progressivement migré vers les zones basses des latitudes moyennes.

    Illustration schématique de l'évolution de Ryugu telle que proposée par Tomokatsu Morota et ses collègues. Crédit : Morota et al. 2020.
    Illustration schématique de l'évolution de Ryugu telle que proposée par Tomokatsu Morota et ses collègues. Crédit : Morota et al. 2020.