L'extraordinaire moisson de données récoltée par New Horizons lors de son survol du 14 juillet dernier continue, au rythme lent d'un téléchargement à très bas débit, de parvenir sur Terre. Du cœur de Pluton, découvert sur les premières images, à son ciel bleu, présenté cette semaine, la planète naine et ses satellites se dévoilent au compte-goutte. Retrouvez les images les plus importantes dans notre diaporama régulièrement mis à jour et revivez quelques épisodes épiques.
Le cœur de Pluton ou la région Tombaugh Le « cœur de Pluton » est une région glacée en forme de cœur et d'environ 2.000 km de large. Elle a été baptisée « région Tombaugh », du nom de Clyde Tombaugh, découvreur de Pluton en 1930 (et décédé en 1997). Le lobe ouest (à gauche de l'image) est formé de glace de monoxyde de carbone (CO) et comprend la plaine Spoutnik. © Nasa/Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory/Southwest Research Institute
La plaine Spoutnik, une des plus jeunes du Système solaire La plaine Spoutnik (du nom du premier satellite artificiel de la Terre, Spoutnik 1, lancé en 1957 par l'URSS), dépourvue de cratères, est une des plus jeunes du Système solaire : elle ne peut avoir plus de cent millions d'années. Des structures de 20 km environ sont entourées par des sortes de sillons, comportant par endroits de la matière sombre. On ne sait pas comment elles ont été formées. Peut-être par sublimation de glace, comme un sol de boue se craquelle après l'évaporation de l'eau. L'image a été acquise le 14 juillet par le télescope Lorri à 77.000 km de distance. © Nasa/Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory/Southwest Research Institute
Le vent de Pluton Sur la plaine Spoutnik, le télescope Lorri a repéré des formes noires sur la glace blanche, flanquées de sortes d'ombres allongées. Il s'agirait en fait de poussières emportées par le vent de l'atmosphère ténue de Pluton (un millionième de la pression terrestre). De ces taches (wind streaks sur l'image), on peut déduire la possible direction du vent (Inferred wind direction). La barre d'échelle représente 20 miles, soit 32 km. © Nasa/Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory/Southwest Research Institute
Les deux lobes du cœur de Pluton Les deux lobes de la plaine Spoutnik vus à 450.000 km. La partie ouest (à gauche) est recouverte par une couche de glace plus épaisse qu'à l'est. Il est vraisemblable que le lobe ouest soit une sorte de réservoir et que la glace se déplace vers l'est (par l'action du vent, peut-être). Résolution : 2,2 km/pixel. © Nasa/JHUAPL/SwRI
Des glaces en mouvement Au nord de la plaine Spoutnik, la glace d'azote (Nitrogen ice flow) glisse vers la région rocailleuse et cratérisée (Rugged cratered terrain). En amont, la couverture de glace est craquelée, formant des structures polygonales (Polygonal cells). La barre d'échelle indique 32 km. © Nasa/JHUAPL/SwRI
Les montagnes de glace de Pluton À 77.000 km de distance, le télescope Lorri a observé d'étonnantes montagnes d'environ 3.500 m de hauteur. Elles sont faites... d'eau glacée. Les glaces d'azote et de méthane, communes sur Pluton, sont trop fragiles pour former de telles structures. Les planétologues s'interrogent sur la source d'énergie qui peut maintenir une telle activité géologique. © Nasa/Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory/Southwest Research Institute
Les montagnes de la plaine Spoutnik Au sud de la plaine glacée Spoutnik, avec ses structures polygonales (Polygons), et au nord de la région Cthulhu, se dressent de hautes montagnes, nommées en l'honneur des deux vainqueurs de l'Everest : les monts Norgay et les monts Hillary. La couche de glace y est plus fine (thin ice sheet) et emplit un cratère (infilled crater). La barre d'échelle indique 64 km. © Nasa/JHUAPL/SwRI
De curieuses montagnes au bord d'une plaine de glace Des montagnes de glaces vues par Lorri à 77.000 km de distance, en bordure ouest de la plaine Spoutnik, de formes très variées et d'une hauteur de 1 à 1,5 km. Sans doute sont-elles faites de glace d'eau, tandis que la neige blanche est de la glace de monoxyde de carbone. Les surfaces sombres sont peut-être des dépôts de tholines. © Nasa/Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory/Southwest Research Institute
Le ciel bleu de Pluton L'atmosphère de Pluton vue en contre-jour par la caméra multispectrale MVIC de l'instrument Ralph. Les couleurs ont été reconstituées pour donner à peu près ce qu'aurait vu un œil humain. La couleur bleue viendrait de poussières faites de tholines, molécules très réactives contenant du carbone et de l'azote. © Nasa/JHUAPL/SwRI
La drôle d'atmosphère de Pluton Le vent solaire (Solar wind) heurte l'atmosphère de Pluton, qui s'étend loin du sol, produisant une onde de choc (Shock). Ce vent solaire est ralenti et dévié (Slowed and deflected solar wind). Derrière, une partie de l'atmosphère, essentiellement faite d'azote, s'échappe dans l'espace (Pluto's escaping nitrogen atmosphere). Ce schéma a été réalisé grâce aux données recueillies par l'instrument Swap (Solar Wind Around Pluto). © Nasa/Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory/Southwest Research Institute
Le Soleil révèle l'atmosphère de Pluton L'atmosphère de Pluton paraît structurée en deux couches, visualisées ici par la coloration (fausse) : la première au-dessus de la surface (en rouge-orange) jusqu'à 50 km et la seconde à 83 km (en vert), avec une zone de transition entre les deux. © Nasa/JHUAPL/SwRI
Le pôle noir du satellite Charon Vu le 13 juillet 2015 à 466.000 km, le satellite Charon (1.207 km de diamètre) montre un visage diversifié... et jeune. Sur cette image (compressée), on voit en effet peu de cratères. Des reliefs importants apparaissent, comme cet immense canyon d'environ un millier de kilomètres, visible en haut à droite de l'image, et profond, sans doute, de 7 à 9 km. Au pôle nord, une région sombre, aux bords flous (provisoirement baptisée Mordor par l'équipe de New Horizons, du nom d'une région fictive décrite dans le Seigneur des anneaux), est probablement un dépôt de matière carbonée. © Nasa/Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory/Southwest Research Institute
Le couple Pluton-Charon Deux images montrant Charon (à gauche) et Pluton (à droite) observés le 11 juillet à 4 millions de kilomètres. La sonde New Horizons ayant survolé, le 14 juillet, la partie claire de Pluton, ici à gauche sur la planète, cette face ne sera jamais vue en meilleure résolution. De même pour Charon. © Nasa/Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory/Southwest Research Institute
Pluton et Charon en – fausses – couleurs Des couleurs artificielles ajoutées en fonction des informations de spectrométrie montrent les compositions des surfaces de Pluton (à gauche) et de Charon (à droite) sur deux images du 13 juillet (la distance entre les deux est en réalité bien plus grande). Le cœur de Pluton apparaît en deux lobes de teintes différentes. Sur Charon, la région sombre apparaît ici rougeâtre. © Nasa/Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory/Southwest Research Institute
Charon n'a pas d'atmosphère Quand New Horizons est passée dans l'ombre de Charon, l'instrument Alice a analysé l'occultation de la lumière solaire. La chute et la réapparition de cette lumière (courbe rouge) sont brutales. Première conclusion : Charon n'a pas d'atmosphère détectable. © Nasa/JHUAPL/SwRI
Hydre, le plus grand des petits satellites de Pluton Hydre (Hydra en anglais), repéré par le télescope spatial Hubble en 2005, n'est pas sphérique. Cette image prise par l'instrument Lorri de New Horizons à 640.000 km a permis de préciser ses dimensions : 43 x 33 km. Un pixel de l'image représente 6 km. © Nasa/Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory/Southwest Research Institute
Nix, troisième satellite de Pluton Le télescope Lorri, à 590.000 km de distance, a pris le 13 juillet cette image de Nix, le troisième satellite de Pluton en taille, après Charon (1.200 km de diamètre) et Hydre (43 x 33 km), découvert en 2005 par le télescope spatial Hubble. Chaque pixel représente 6 km. © Nasa/Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory/Southwest Research Institute
Les images de Pluton avant New Horizons... Des images du passé. À gauche, une cartographie réalisée en 2000 à partir de nombreuses données, dont celles de Hubble et celles venues des occultations de Pluton par Charon dans les années 1980. À droite, la meilleure représentation existant avant le survol, une cartographie réalisée grâce à l'instrument ACS installé par des astronautes sur Hubble 2002. La petite image en haut et au milieu est la photographie brute que Hubble donne de Pluton. New Horizons a complètement changé notre image de Pluton et de son monde ! © Nasa / Eliot Young, Richard Binzel, Keenan Crane, 2000 / SwRi / Montage Futura-Sciences
Pluton et le méthane gazeux En 2008, soit avant le passage de la sonde New Horizons en 2015, le spectre de Pluton avait été réalisé grâce au VLT (Very Large Telescope). Il a révélé 17 raies individuelles du méthane gazeux, permettant d'évaluer son abondance (de 0,5 % par rapport à l'azote) et sa température, environ 90 K. Cette vue d'artiste représente l'atmosphère de Pluton. À gauche se trouve Charon, principal satellite de la planète naine. © L. Calçada, ESO
Vue de la surface de Pluton avant New Horizons Les deux grandes images principales donnent un premier aperçu de la surface de Pluton. Elles ont été obtenues après traitement informatique des deux petites images du haut, réalisées en 1996 par le télescope Hubble. © Alan Stern (Southwest Research Institute), Marc Buie (Lowell Observatory), Nasa, ESA
Partie en janvier 2006, la sonde News Horizons s'est retrouvée en approche de Pluton 9 ans plus tard, en février 2015. Réveillée de sa 18e hibernation et après avoir vérifié que tout en elle fonctionnait bien, elle a pu commencer les observations, principalement grâce à son télescope Lorri et son capteur monochrome. Notre dossier, dont la première publication remonte à janvier 2006, mis à jour depuis, vous explique tout :
Mi-mai, New Horizons a atteint la « zone BTH », pour Better Than Hubble : à partir de ce moment, le télescope Lorri envoyait des images dont la résolution était meilleure que celle du télescope spatial. Pourtant, durant plusieurs jours, la sonde n'a rien envoyé, occupée qu'elle était à saisir des images et à faire des relevés de position pour assurer un survol précis le 14 juillet au terme de son voyage de 6,4 milliards de kilomètres. Avec un débit variant de 1.000 à 4.000 bits par seconde selon les options choisies (et ce à cause de la distance), la sonde ne pouvait en effet expédier que de rares images, qui de plus sont compressées en JPeg. Déjà, le contraste de Pluton commençait à intriguer, même s'il avait déjà été mis en évidence depuis la Terre.
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Un survol court mais fécond
Le 13 juillet, c'est le branle-bas de combat. Jour de pont en France, entre un dimanche et un mardi 14 juillet, mais jour sur le pont pour les amateurs d'astronomie (et les équipes de New Horizons au JPL et au Southwest Research Institute). La sonde a déjà ému les Terriens en découvrant un « cœur », vaste région glacée. C'est elle que visaient les responsables de la mission. Elle est bien là et manifestement plus complexe que prévu avec deux lobes distincts.
Le 14 juillet, il ne se passe rien de ce côté-ci du Système solaire. Près de Pluton et Charon, en revanche, la sonde mitraille et exécute durant 24 heures une série de mesures précisément minutées. L'instrument Ralph, avec ses deux spectromètres, MVIC (bleu, rouge et infrarouge) et Leisa (infrarouge), capte des données qui deviendront des images en couleurs mais qui cartographieront aussi le méthane, l'eau, l'azote et les températures, ainsi que les pressions de la fine atmosphère. Lorri pointe des cibles et saisit les images avec la meilleure résolution.
Juste après le passage, Alice, un spectromètre (encore un), s'active quand la sonde passe dans l'ombre de Pluton, puis de Charon, et observe l'atmosphère éclairée par la lumière solaire. De quoi l'analyser.
Pluton surprend
Dans les jours qui suivent, les images commencent à arriver et les résultats s'accumulent. Les conférences de presse aussi, où les responsables de la mission et les planétologues tentent de répondre aux déluges de questions. Les couleurs de Pluton surprennent. Ses montagnes étonnent. Les stupéfiantes glaces mouvantes restent sans explication certaine. Le canyon de Charon intrigue. L'atmosphère de Pluton, avec sa fuite de 500 tonnes par heure vers l'espace, déroute. L'image du contre-jour émerveille. Pluton semble active, bien plus que ce que l'on attendait...
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Des surprises sont encore à venir
Avec le mois d'août survient un silence radio. Non que la sonde soit silencieuse mais, au contraire, elle poursuit le téléchargement. Il faudra 16 mois pour que les données récoltées en 24 heures soient transmises à la Terre. Les résultats des autres instruments, notamment ceux qui ont scruté l'atmosphère de Pluton (car Charon en semble dépourvue), commencent à transiter vers notre planète. Mais, en septembre, les annonces reprennent. La Nasa a décidé d'envoyer les images à haute résolution plus tôt que prévu. Alors jusqu'en ce mois d'octobre, les surprises de Pluton continuent de nous parvenir à flux irrégulier. Nous venons même de découvrir son ciel bleu... Il en reste à venir puisque le téléchargement ne se terminera qu'en octobre 2016 !
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