La Loi de programmation militaire, en cours de débat et d’adoption à l’Assemblée et au Sénat, nous renseigne sur la stratégie spatiale de la France. Elle tient compte du fait que l’espace est aujourd’hui un lieu de conflictualité et de la nécessité de garantir le bon fonctionnement et la disponibilité permanente de notre infrastructure spatiale militaire, civile et scientifique. Bref décryptage des programmes spatiaux que contient cette loi et qui couvre la période 2024-2030.


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    Hier, les députés ont voté à l'Assemblée nationale le projet de Loi de programmation militaire 2024-2030. Ce projet de loi a ensuite été transmis au Sénat, prochaine étape du processus parlementaire jusqu'à son adaptation définitive. Cette loi prévoit 413 milliards d'euros investis sur 7 ans dans nos forces armées, dont six consacrés au renforcement de l'action de la France dans l'espace sur la période 2024-2030.

    Elle tient compte de la forte dépendance de nos armées aux systèmes spatiaux, de la nécessité de la France de garantir cet appui spatial et de l'émergenceémergence de l'espace en tant que lieu de conflictualité, et des risques nouveaux qui pourraient à terme restreindre, voire empêcher la liberté d'accès et d'action dans l'espace.

    Cette loi acte donc une forme « d'arsenalisation » de l'espace constituée par le déploiement de systèmes défensifs et offensifs afin de tenir compte de la menace spatiale que représentent la Chine et la Russie -- qui n'est plus à démontrer --, et dans une certaine mesure, celle de nos « amis et alliés américains » qui ne se gênent absolument pas pour mener des activités d'espionnage à notre encontre dans l'espace. Enfin, elle prend aussi en considération l'émergence du New Space et de tous les services à forte valeur ajoutée dans l'observation et la surveillance qui lui sont associés comme le démontre le conflit en Ukraine.

    L'espace n'est plus un domaine pacifique

    Dans ce contexte, le renforcement de l'action de la France dans l'espace passe par :

    • des capacités spatiales d'observation et d'écoute renouvelées ;

    • des capacités de surveillance de l'espace exo-atmosphérique (Space Domain Awareness) accrues afin de détecter un acte suspect ou agressif dans l'espace ;

    • des technologies pour protéger nos moyens par une défense active ;

    • une défense active, notamment en orbite basse.

    Ce que prévoit cette Loi de programmation militaire

    Pour cela, la Loi de programmation militaire 2024-2030 prévoit :

    • la création d'un centre de commandement, de contrôle, de communication et de calcul des opérations spatiales (C4OS) disposant de moyens pour piloter les actions vers, dans, et depuis l'espace ;
    • la programmation des satellites patrouilleurs-guetteurs Yoda, qui constitue une première européenne. Précurseur d'une nouvelle génération de satellites patrouilleurs, ils seront chargés d'assurer la surveillance sur les objets géostationnaires. Prévus au lancement pour 2023 ou 2024, ces démonstrateursdémonstrateurs doivent ouvrir la voie à un système opérationnel mis en place dès la fin de la décennie. Ce programme est la réponse française à la multiplication d'actes « inamicaux » contre des satellites français, notamment militaires. Peu d'informations ont été rendues publiques sur les caractéristiques et les réelles capacités et fonctionnalités de ces deux satellites de 10 à 20 kilogrammes. On sait qu'ils seront en orbite géostationnaire de sorte qu'ils pourront protéger la constellation géostationnaire de satellites de communication militaire sécurisée Syracuse 4 dont le premier exemplaire, Syracuse 4A sera lancé ce 16 juin. Suivront d'ici 2030 Syracuse 4B, voire un Syracuse 4C. Ce dernier satellite initialement prévu est pour l'heure abandonné.
    • des laserslasers en orbite (projet Flamhe) mais aussi des moyens d'action à partir du sol (laser Bloomlase). Ces capacités seront opérationnelles avant la fin de la décennie. Ces deux programmes de développement laser au sol et en orbite sont clairement des armes, présentées comme défensives, pour protéger les satellites et moyens français de notre infrastructure spatiale en orbite.

    Voir aussi

    Le Commandement de l'espace évoque son intérêt pour un avion spatial

    Mais, si la guerre dans l'espace n'a pas commencé et qu'aucune opération militaire ne s'y est déroulée, c'est-à-dire qu'il n'y pas eu de destructions volontaires de satellites ennemis ni apparemment de mise en orbite d'armes offensives, il est nécessaire de se préparer à mener des opérations militaires dans l'espace. L'espace n'est plus un domaine pacifique !

    Au-delà de cette Loi de programmation militaire qui couvre la période 2024 à 2030, il sera nécessaire de se doter de systèmes spatiaux plus offensifs, tel un avion spatialavion spatial dronisé, voire habité pour y mener des activités de surveillance avancée, de protection, de maintenance, voire d'activité militaire offensive comme la neutralisation de satellites ennemis ou « l'éloignement » de satellites étrangers à proximité de notre infrastructure spatiale. Une capacité récemment évoquée par le commandement de l'espace. Enfin, il y a aussi un autre aspect que cette loi n'aborde pas, c'est la nécessaire acquisition de la mobilité, l'agilité et l'autonomieautonomie des systèmes spatiaux afin de se doter d'une capacité à minima d'auto-défense par l'esquive, et opérationnelle plus étendue et contraignante pour les forces armées ennemies.