Alors que le rover Perseverance de la Nasa a débuté sur Mars le prélèvement des échantillons, l’entreprise Leonardo conçoit et construit les deux bras robotiques qui iront les récupérer afin de les rapporter sur Terre. Les explications de Guido Sangiovanni, responsable du programme des bras robotiques de la mission MSR pour Leonardo.


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    Le rover PerseverancePerseverance de la Nasa a donné le coup d'envoi de l'ambitieuse mission de retour d'échantillons martiensretour d'échantillons martiens que réalisent ensemble la Nasa et l'ESA. Cette mission se déroulera en plusieurs étapes et devrait se terminer en 2030 avec l'arrivée sur Terre des échantillons que Perseverance prélève actuellement. Ils seront hermétiquement scellés dans plusieurs dizaines de tubes et laissés au sol tout au long du parcours du rover.

    En 2026, l'ESA lancera le Fetch rover. Un rover spécifiquement conçu pour récupérer ses tubes et les rapporter au lander (appelé aussi plateforme) d'où ils seront embarqués à bord du Mars Ascent Vehicle (MAV) de la Nasa. Il s'agit de la fuséefusée qui sera utilisée pour envoyer en orbite martienne le conteneur qui abritera plus ou moins 36 tubes d'échantillons de la Planète rouge. Le conteneur sera récupéré par l'Earth Return Orbiter, un autre engin spatial développé par l'ESA, avec une charge utile de la Nasa qui l'amènera sur Terre.

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    Ce Fetch rover sera réalisé par Airbus. Il sera le véhicule roulant sur Mars le plus rapide jamais conçu puisque 200 mètres par jour sont envisagés afin de parcourir 15 kilomètres en six mois ! Pour récupérer au sol les tubes laissés par Perseverance, il sera équipé d'un bras robotiquerobotique doté des techniques de recherche robotique et mécatroniquemécatronique les plus avancées. Il devra les saisir, les installer dans un conteneur cylindrique qui pourra contenir jusqu'à 36 tubes d'échantillons. Dès que le conteneur sera rempli, le rover rejoindra aussi vite que possible la plateforme de décollage du MAV. Sur cette plateforme, un bras robotique se chargera de récupérer le conteneur et de l'installer à bord du MAV.

    Ces deux bras robotiques sont en cours de développement chez Leonardo en Italie.

    Démonstration convaincante du bon fonctionnement d'un bras robotique qui préfigure le bras du Fetch Rover de l’ESA. © Leonardo

    La parole à Guido Sangiovanni, responsable du programme des bras robotiques de la mission MSR pour Leonardo.

    Futura : Est-il difficile de développer et construire des bras robotiques pour récupérer les échantillons martiens de Perseverance ?

    Guido Sangiovanni : Concevoir et développer tous les instruments qui vont dans l'espace présente des défis : températures, rayonnement, vibrationsvibrations. Et plus encore sachant que ces bras robotiques sont importants pour le succès de l'ensemble du programme de retour sur Terre d'échantillons du sol martien au point qu'ils nécessitent une grande autonomieautonomie. À ce jour, Leonardo est engagé dans l'étude et la conception des deux bras pour la mission 2026, l'un sera monté sur Sample Fetch Rover de l'ESA et l'autre sur la plateforme de la Nasa sur laquelle est installé le MAV. Les premiers prototypes pourraient être prêts d'ici la fin de 2021.

    Futura : Quels sont les principaux points difficiles identifiés ?

    Guido Sangiovanni : Par exemple, les conditions hostiles de l'environnement martien. Un type d'atmosphèreatmosphère différent de la nôtre où la poussière et le ventvent pourraient également constituer des menaces pour le bon fonctionnement des systèmes. Les mécanismes doivent donc être scellés et protégés d'éventuels matériaux extérieurs. Un autre défi dans la constructionconstruction de bras robotiques spatiaux est l'étude de nombreuses combinaisons de mouvementsmouvements des différentes pièces pour pouvoir étendre et collecter les échantillons. De plus, la distance entre la Terre et Mars et les retards de communication imposent une grande autonomie de la part des systèmes robotiques, y compris des manipulateurs qui doivent pouvoir identifier le conteneur de l'échantillon martien, choisir la meilleure trajectoire pour le collecter et le mettre dans le conteneur, exécuter cette trajectoire et envisager des stratégies pour rectifier d'éventuels problèmes d'exécution ou de fonctionnement.

    Futura : Quelles sont les principales contraintes et performances exigées par l’ESA et la Nasa ?

    Guido Sangiovanni : Il existe des exigences différentes pour les deux bras robotiques. Le Sample Fetch Rover (SFR) sera plus petit, aura 6 degrés de liberté et sera extensible jusqu'à environ 110 centimètres. Il sera monté sur le Fetch rover qui roulera sur le sol martien et devra pouvoir collecter des tubes contenant les échantillons laissés par le rover Perseverance. Le bras de l'atterrisseur de la Nasa, appelé STA (Sample Transfer Arm) en revanche, sera un bras beaucoup plus robuste avec 7 degrés de liberté, massemasse, dimensions et couples de fonctionnement supérieurs à ceux de SFR, et aura pour mission de transférer les échantillons du rover à la capsule orbitaleorbitale. Les deux ont des exigences strictes en matièrematière de masse, d'encombrement et de faible consommation d'énergieénergie.

    Le bras du Fetch rover aura une masse de 10 kgkg avec une consommation d'environ 60 W pendant la phase d'échauffement et d'environ 40 W pour la phase d'exploitation. Pour atteindre ces chiffres, plusieurs études et tests ont été réalisés pour minimiser les composants lourds du bras, mais en maintenant la solidité de la structure afin de pouvoir faire de la résistancerésistance. Le bras de la plateforme du MAV, en revanche, aura une masse beaucoup plus importante car il sera environ deux fois plus grand mais avec une consommation extrêmement faible.

    Futura : Ces bras seront-ils autonomes ou programmables ?

    Guido Sangiovanni : Les deux bras seront autonomes puisqu'une fois sur Mars, ils ne pourront plus recevoir de soutien depuis la Terre. Les communications entre la Terre et Mars prennent environ 20 minutes pour arriver, et donc il ne sera pas possible de gérer les bras en temps réel. Le bras du Fetch rover sera en mesure d'effectuer des mouvements et de prélever des échantillons de manière autonome grâce à un ordinateurordinateur de bord et à une caméra qui lui indiquera comment l'atteindre.

    Futura : Utiliseront-ils de l’intelligence artificielle ?

    Guido Sangiovanni : Les algorithmes de contrôle des deux bras robotiques ne sont pas basés sur des algorithmes typiques d'IAIA, mais utilisent les techniques de recherche robotique et mécatronique les plus avancées pour le contrôle de structures flexibles (compensation de déviation, évitement d'obstacles...). Les algorithmes IA sont utilisés dans le contrôleur de haut niveau pour reconnaître les tubes contenant les échantillons présents sur le sol martien et/ou les tubes présents dans le collecteur sur le SFR.

    Futura : Un focus sur le mécanisme qui récupéra les tubes contenant les échantillons ?

    Guido Sangiovanni : Les deux bras robotiques sont différents tout comme les deux pinces de préhension des tubes. Ils ont de nombreuses compétences en commun, notamment la capacité d'effectuer une prise sur l'extrémité du tube (end-grip) et une prise sur le corps du tube (body grip) mais la pince du bras STA devra effectuer d'autres tâches de manipulation pour interagir avec l'atterrisseur. Des optimisations particulières seront mises en œuvre pour assurer la bonne adhérence des tubes pendant toute la duréedurée de la manipulation, dans toutes les situations opérationnelles.

    Futura : Leonardo et la Nasa ont-ils travaillé ensemble pour construire les tubes afin qu’ils soient facilement récupérables par le bras ?

    Guido Sangiovanni : Non, les tubes sont de la Nasa et ont été développés pour la mission Mars2020 (Perseverance), mais Leonardo les a à disposition pour concevoir la pince (préhenseur « arm gripper ») la plus adaptée à leur récupération.

    Futura : Le bras sera-t-il doté d’un « détecteur » et d’une caméra pour l’aider à retrouver les tubes ?

    Guido Sangiovanni : Le bras du Fetch rover de l'ESA dispose d'un système de caméra pour les tâches de navigation et d'un autre système pour reconnaître les tubes et permettre leur sélection en fournissant des informations au contrôleur pour calculer la trajectoire du manipulateur. De plus, une caméra supplémentaire est présente sur le bras robotique pour soutenir l'identification et la manipulation du tube lui-même. Sur le bras STA, en revanche, le système de vision pourra effectuer les tâches d'identification des tubes et de gestion de la trajectoire du bras lui-même.