Peu après la formation du Système solaire, les planètes qui le composent étaient bien plus rapprochées du Soleil qu’elles ne le sont aujourd’hui. Cependant, les scientifiques comprennent encore mal les dynamiques migratoires qui ont eu lieu au début de son histoire. Grâce à l’analyse de météorites, une équipe de scientifiques suggère que ces migrations majeures ont eu lieu entre 60 et 100 millions d’années après la formation du Système solaire. Ces migrations ont peut-être même permis la formation de la Lune…


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    Notre Système solaire s'est formé il y a environ 4,6 milliards d'années. Au départ, le jeune Soleil était entouré d'un vaste disque de matière, qu'on appelle disque protoplanétaire. En quelques millions d'années, la matière dans le disque commence à s'agglutiner pour former d'abord des planétésimaux (des embryonsembryons de planètes), puis des planètes entières. La configuration du jeune Système solaire était alors bien différente de ce qu'elle est aujourd'hui : selon le modèle le plus communément accepté parmi les planétologues, les planètes géantes gazeusesplanètes géantes gazeuses (Jupiter, SaturneSaturne, UranusUranus et NeptuneNeptune) étaient bien plus proches du Soleil qu'elles ne le sont aujourd'hui !

    Des météorites pour retracer l’histoire du Système solaire

    Si ce modèle, connu sous le nom du « modèle de Nice », semble vraisemblable pour la majorité des planétologues, en revanche, on ne sait pas précisément quand ces migrations ont eu lieu. La question peut sembler accessoire à première vue, mais les scientifiques y accordent une importance capitale : par les interactions gravitationnelles entre les différents corps planétaires, ces migrations ont en effet engendré d'importants mouvements dans les différentes zones du Système solaire, apportant notamment bon nombre de planétésimaux vers la zone interne du Système solaire (où se trouve entre autres la Terre).

    Les effets de ces migrations sont plutôt bien connus, comme en témoignent les nombreux cratères sur la surface de la LuneLune causés par ce que les scientifiques appellent le Grand bombardement tardif. Selon les différentes hypothèses, cet apport massif en planétésimaux vers la zone interne du Système solaire a probablement apporté de grandes quantités d'éléments volatils sur Terre, dont l'eau, indispensable à la vie telle que nous la connaissons.

    Il y a environ 4 milliards d'années, une vague d'astéroïdes a envahi le Système solaire interne lors d'une période appelée le Grand bombardement tardif, provoquant des collisions massives avec la Lune, mais aussi les planètes telluriques du Système solaire interne telles que Mercure, Vénus, la Terre et Mars. © MIT

    Il demeure cependant extrêmement compliqué de retracer l'histoire du Système solaire sur plusieurs milliards d'années. Pour construire leurs théories, les scientifiques effectuent des simulations afin de comprendre quels ensembles de processus peuvent aboutir à sa configuration actuelle. Pour mieux comprendre l'histoire dynamique du Système solaire, une équipe de scientifiques a cherché à combiner observations, simulations et études de météoritesmétéorites. Ils présentent leurs résultats dans la revue Science.

    Ils se sont concentrés sur un type de météorite de composition fortement similaire à celle de la Terre, les chondriteschondrites à enstatite. Les chondrites comptent parmi les météorites les plus primitives, et cette similarité de composition indique que les chondrites à enstatite se sont vraisemblablement formées dans le voisinage de la Terre. En effectuant des études spectroscopiques à l'aide de télescopestélescopes au sol, les scientifiques ont relié ces météorites à leur source : une famille de fragments dans la ceinture d’astéroïdes connue sous le nom d'Athor, dont le plus grand membre est l'astéroïdeastéroïde (161) Athor. Selon l'équipe, cette famille est probablement née d'une collision cataclysmique, détruisant le corps parent en plusieurs fragments, dont le plus gros serait (161) Athor. Selon ces données, le corps parent de cette famille se serait initialement formé dans le voisinage de la Terre... avant de finir dans la ceinture d'astéroïdesceinture d'astéroïdes, entre les orbitesorbites de Mars et de JupiterJupiter.

    Au début de l'histoire du Système solaire, les planètes géantes gazeuses étaient bien plus proches du Soleil qu'elles ne le sont aujourd'hui. © Nasa, JPL-Caltech
    Au début de l'histoire du Système solaire, les planètes géantes gazeuses étaient bien plus proches du Soleil qu'elles ne le sont aujourd'hui. © Nasa, JPL-Caltech

    Les migrations planétaires comme principaux facteurs ?

    Pour expliquer comment Athor s'est retrouvé dans la ceinture d'astéroïdes, les scientifiques ont testé différents scénarios à l'aide de simulations. Selon eux, l'explication la plus probable est que la migration d'Athor a été causée par l'instabilité gravitationnelle qui a déplacé les planètes géantes sur leurs orbites actuelles. L'analyse des météorites a montré que ce processus ne s'est pas produit avant 60 millions d'années après la formation du Système solaire. De précédentes études sur les astéroïdes dans le voisinage de Jupiter avaient conclu que cette même instabilité gravitationnelle avait dû se produire avant 100 millions d'années après la naissance du Système solaire. Conclusion : les migrations des planètes géantes gazeuses ont débuté entre 60 et 100 millions d'années après la naissance du Système solaire !

    Diagramme schématique du scénario privilégié par les auteurs de l'étude. Les cercles rouges représentent les planétésimaux et leurs fragments. La ligne noire représente grossièrement les limites de la ceinture d'astéroïdes. © Avdellidou et <em>al.</em>, 2024
    Diagramme schématique du scénario privilégié par les auteurs de l'étude. Les cercles rouges représentent les planétésimaux et leurs fragments. La ligne noire représente grossièrement les limites de la ceinture d'astéroïdes. © Avdellidou et al., 2024

    Cette conclusion semble concorder avec bon nombre d'observations : selon les modèles les plus communément acceptés, la Lune s'est vraisemblablement formée au cours de cette période, à partir de débris engendrés par la collision entre la jeune Terre et un planétésimal de la taille de Mars, surnommée ThéiaThéia. Déterminer précisément la période d'instabilités orbitalesorbitales peut avoir d'importantes implications, notamment pour identifier à quel moment certaines caractéristiques du Système solaire se sont développées.

    En fonction des hypothèses, certains scientifiques indiquent que la présence de la Lune a joué un rôle prépondérant dans l'apparition de la vie sur Terre ; d'autres tendent à penser que la majorité de l'eau des océans terrestres a été apportée lors du Grand bombardement tardifGrand bombardement tardif. Alors, peut-être que l'apparition de la vie sur Terre n'aurait pas été possible sans les migrations des planètes géantes ?