Des chercheurs du MIT ont inventé un système de stockage à partir de la lumière dégagée par du silicium en fusion. Une invention originale qui a nécessité des trésors d’ingéniosité.


au sommaire


    Imaginez un « mini soleil » artificiel à l'intérieur d'une cuve en graphite qui pourrait alimenter toute un ville en électricité. C'est la trouvaille un peu folle qu'a présentée une équipe du MIT (Massachusetts Institute of Technology) dans la revue Energy and Environmental Science, le 5 décembre dernier. Au départ, les scientifiques cherchaient un moyen d'améliorer l'efficacité des centrales à concentration solaire, où des milliers de miroirs font converger les rayons lumineux vers un concentrateur situé en haut d'une tour, et où circule un fluide caloporteur (habituellement de l'huile ou des sels fondus). Ce dernier transforme la chaleur en vapeur qui va faire tourner une turbine et produire de l'électricité. Plusieurs tours de ce type sont installées dans le monde, en Espagne, au Nevada ou en Israël. « Cette technique est intéressante, car avec la chaleur, on stocke l'énergieénergie à un coût bien inférieur qu'avec des batteries électriques », explique Asegun Henry, chercheur au département ingénieurie et mécanique au MIT.

    Une source lumineuse intense stockée sous forme liquide

    Le problème de ces tours est que la chaleur dégagée par les rayons solaires, autour de 600 °C, est trop faible pour produire et stocker suffisamment d'électricité. Si bien que l'on doit parfois compléter la production calorifique avec du gazgaz ! Plutôt que d'essayer vainement à produire plus de vapeur avec le soleil, les chercheurs ont alors pensé à utiliser... une lumièrelumière artificielle pour restituer la chaleur sous forme d'électricité. Et plus précisément celle émise par des sels en fusionfusion au-delà de 2.000 °C. À ces températures extrêmes, ces derniers émettent une lumière blanche très intense, qui peut être convertie en électricité grâce à des cellules solaires spécialisées, appelées photovoltaïques multijonctions (MPV). Celles-ci ont la particularité de convertir toutes les fréquences du spectre et ainsi d'obtenir les meilleurs rendements de conversion possible. « Nous avons surnommé ce système "soleil en boîte" car c'est fondamentalement une source de lumière extrêmement intense qui retient la chaleur », sourit Asegun Henry.

    Schéma de fonctionnement du système : le silicium fondu du réservoir « froid » est chauffé par une résistance pour se reverser dans le réservoir chaud. Par luminosité, il produit de l’électricité en passant à travers des cellules photovoltaïques avant d’être réinjecté vers le réservoir froid. © Céline Deluzarche, d’après <i>Caleb Amy et al, Energy and Environmental Science, 2018</i>
    Schéma de fonctionnement du système : le silicium fondu du réservoir « froid » est chauffé par une résistance pour se reverser dans le réservoir chaud. Par luminosité, il produit de l’électricité en passant à travers des cellules photovoltaïques avant d’être réinjecté vers le réservoir froid. © Céline Deluzarche, d’après Caleb Amy et al, Energy and Environmental Science, 2018

    Problème : en chauffant les sels à trop forte température, ces derniers deviennent corrosifs et attaquent l'acieracier de la cuve. Les chercheurs se sont alors tournés vers le siliciumsilicium, le métalmétal le plus abondant sur Terre issu de la silicesilice. Comme les sels fondus, le silicium chaud réagit avec le graphite et forme du carbure de siliciumcarbure de silicium. Mais celui-ci constitue rapidement une épaisse couche protectrice sur les parois de la cuve qui va empêcher la réaction de durer. Ce premier point résolu, il a fallu imaginer une pompe capable de supporter une telle température, ce à quoi les chercheurs sont parvenus l'an dernier, inscrivant au passage leur invention dans le livre Guinness des Records.

    Un astucieux échangeur de chaleur

    Une fois tous ces problèmes réglés, les chercheurs ont imaginé un astucieux système baptisé TEGS-MPV (Thermal Energy Grid Storage-Multi-Junction Photovoltaics) composé de deux grands réservoirs en graphite reliés par une série de tubes servant d'échangeurs de chaleur. Le silicium fondu est entreposé à froid, à environ 1.900 °C dans un premier réservoir. Lorsque l'électricité est produite en excédent, elle est convertie en chaleur par effet Jouleeffet Joule pour chauffer les tubes. Le silicium « froid » passe à travers ces tubes pour être chauffé à 2.300 °C et se déverser dans un deuxième réservoir. En cas de besoin, par exemple lorsque les éolienneséoliennes sont à l'arrêt, le processus est inversé : le silicium en fusion passe à travers une rangée d'autres tubes équipés de cellules MPV qui produisent de l'électricité. Refroidi par son parcours dans les tubes, le silicium est réinjecté dans le premier réservoir.

    En fonction des besoins, le silicium fondu passe du réservoir « froid » vers le réservoir chaud ou vice-versa. On peut se rendre compte de l’échelle grâce à la voiture en bas de l’image. © Duncan MacGruer
    En fonction des besoins, le silicium fondu passe du réservoir « froid » vers le réservoir chaud ou vice-versa. On peut se rendre compte de l’échelle grâce à la voiture en bas de l’image. © Duncan MacGruer

    Deux fois moins cher que le stockage hydroélectrique

    Selon les chercheurs, une cuve de 10 mètres de diamètre associée à des éoliennes, ou du solaire, suffirait à assurer l'autonomieautonomie électrique de 100.000 foyersfoyers, l'équivalent d'une ville comme Grenoble. Son déploiement est potentiellement illimité, selon Asegun Henry, c'est-à-dire qu'il est possible de l'installer n'importe où. L'électricité ainsi stockée revient deux fois mois cher qu'une retenue hydroélectrique (STEPSTEP), actuellement la forme la moins chère de stockage.


    Un stockage d'énergie solaire révolutionnaire qui imite la nature

    Article de Nathalie MayerNathalie Mayer publié le 24/06/2015

    Le stockage d'électricité solaire, une question au cœur de la transition énergétiquetransition énergétique, reste encore problématique. Des chimistes américains pourraient avoir trouvé la solution avec un procédé capable de stocker cette énergie durant plusieurs semaines, contre quelques microsecondes jusqu'à présent. Leur secret : réorganiser les matériaux au sein de cellules photovoltaïquescellules photovoltaïques organiques en s'inspirant des plantes et de la photosynthèsephotosynthèse.

    Les énergies renouvelablesénergies renouvelables comme l'énergie solaire ou éolienne ne sont pas prédictibles. Personne ne pourra jamais garantir que le soleil brillera au moment où les consommateurs auront besoin d'électricité. Il est donc indispensable de pouvoir stocker à volonté cette électricité mais le problème n'a pas encore été résolu de manière simple et peu coûteuse. Jusqu'à présent, les matériaux utilisés pour fabriquer les panneaux solaires ne sont pas capables de stocker l'énergie pendant plus de quelques microsecondes mais la situation pourrait bientôt changer...

    Une équipe de l'université de Californie à Los Angeles (UCLA) vient en effet de mettre au point une structure révolutionnaire permettant de stocker de l'électricité solaire pendant plusieurs semaines ! Pour parvenir à leurs fins, les chimistes se sont inspirés du mécanisme qui permet aux plantes de produire de l'énergie par photosynthèse« Les plantes exposées au soleil ont développé, au cœur de leurs cellules, des nanostructures spécialement organisées pour rapidement séparer les charges [électriques, NDLRNDLR], explique Sarah Tolbert, professeur de chimiechimie à l'UCLA. Ces structures permettent d'écarter les électronsélectrons des moléculesmolécules chargées positivement et de maintenir les deux séparés aussi longtemps que nécessaire. Cette phase de séparationséparation est la clé de l'efficacité de l'ensemble du processus. »

    Les panneaux solaires traditionnels sont construits à partir de silicium. Mais ce dernier coûte cher et les scientifiques voudraient pouvoir concevoir des cellules meilleur marché à base de plastiqueplastique. Dans ce genre de cellules photovoltaïques, dites organiques, le donneur d'électrons est constitué de polymèrespolymères et l'accepteur nanostructuré de molécules de fullerène. Le polymère absorbe la lumière du soleil et transmet les électrons à l'accepteur en fullerènefullerène pour générer de l'électricité. Seulement, le processus manque d'efficacité. Notamment parce que les charges négatives et positives ont la fâcheuse tendance de se recombiner avant d'avoir pu produire de l'électricité.

    Des chimistes de l’UCLA proposent de réorganiser les matériaux au sein des cellules photovoltaïques organiques : en vert, les chaînes de polymères donneurs et en rouge et bleu, les sphères de fullerènes accepteurs. © <em>UCLA Chemistry</em>
    Des chimistes de l’UCLA proposent de réorganiser les matériaux au sein des cellules photovoltaïques organiques : en vert, les chaînes de polymères donneurs et en rouge et bleu, les sphères de fullerènes accepteurs. © UCLA Chemistry

    Organiser les chaînes de polymères et les molécules de fullerène

    Pourquoi les charges négatives et positives se recombinent-elles si vite dans les panneaux solaires traditionnels ? Du fait du désordre qui règne dans la structure. Avec un peu d'imagination, on peut se figurer la structure des cellules photovoltaïques organiques un peu comme un plat de pâtes à la bolognaise. Les spaghettis y sont remplacés par de longues chaînes de polymères désorganisées et les boulettes de viande aléatoirement réparties sur l'ensemble, par des molécules de fullerène. Dans une telle configuration, les électrons qui migrent dans un premier temps vers le fullerène ont tendance à revenir rapidement vers les polymères. Il est alors difficile de produire de l'électricité.

    Alors, pourquoi ne pas concevoir, à l'échelle nanométrique, une structure qui ressemblerait à celle, redoutablement efficace, mise en place par les plantes ? Plus facile à dire qu'à faire, semble-t-il. Les chimistes de l'UCLA y sont pourtant parvenus. Ils ont, en quelque sorte, mis de l'ordre dans le plat de spaghettis bolognaise et voici désormais que les spaghettis se retrouvent arrangés en fagots dans lesquels certaines boulettes de viande sont piégées pendant que d'autres restent à l'extérieur. Ainsi le fullerène à l'intérieur de la structure attire les électrons des polymères puis les expulse vers le fullerène situé à l'extérieur. Ce dernier peut alors les tenir à l'écart des polymères pendant des heures, voire des semaines.

    Plus fort encore, le matériaumatériau conçu par les chimistes de l'UCLA sait s'auto-assembler pour former la structure adéquate. En effet, il n'y a qu'à mettre les différents constituants en contact dans une solution pour qu'ils s'assemblent selon la structure voulue. « Nous avons travaillé très dur pour arriver à un résultat pour lequel nous n'aurions plus besoin de travailler très dur », plaisante Sarah Tolbert. Ce nouveau design est également plus respectueux de l'environnement. Il peut en effet être produit dans de l'eau et ne nécessite pas le recours à des solutions organiques toxiques comme celles actuellement utilisées. Reste maintenant à trouver un moyen d'intégrer cette nouvelle technologie dans de véritables cellules solaires. Car pour l'heure, les tests n'ont pu être réalisés qu'en solution...