Cent ans après la découverte de son tombeau, la fascination pour Toutânkhamon ne se tarit pas. Pour preuve, l'exposition « Toutânkhamon : le trésor du Pharaon » connaît un succès fou. Quels sont les artefacts à ne pas manquer ? Que peuvent-ils encore nous révéler et comment les faire parler au bout de plus de trois millénaires d'existence ? L'égyptologue Dominique Farout nous guide dans l'univers de cet enfant-roi devenu le personnage le plus renommé de l'ancienne Égypte.
En 1922, l'égyptologue britannique Howard Carter faisait une des découvertes archéologiques les plus remarquables de l'Histoire en mettant au jour le tombeau d'un pharaon inconnu regorgeant d'un trésor grandiose de plus de 5.000 objets, miraculeusement épargné par le pillage. Après une escale à Los Angeles, plus de 150 artefacts, dont une soixantaine quittent pour la première et la dernière fois l'Égypte, se livrent au regard à la Grande Halle de La Villette, à Paris, sur l'exposition « Toutânkhamon : le trésor du Pharaon ».
L'exposition dont tout le monde parle
Devant s'achever le 15 septembre 2019, l'exposition joue les prolongations pour une semaine supplémentaire, jusqu'au 22 septembre, tant elle rencontre un succès retentissant. Ce n'est pas une exagération que de dire que les visiteurs s'y bousculent. Avec déjà 800.000 entrées comptabilisées entre son lancement en mars et début juin, rien d'étonnant à ce que le nom de Toutânkhamon soit sur toutes les bouches. Chacun d'entre nous contribue ainsi à le rendre immortel. Cela faisait 52 ans que Paris n'avait pas vu un tel engouement autour de ce pharaon, depuis l'exposition « Toutânkhamon et son temps » en 1967, qui avait totalisé 1,2 million de visiteurs.
Avec une présentation digne d'un spectacle, l'exposition Toutânkhamon nous ouvre littéralement les portes du passé pour nous faire entrer dans l'intimité de ce jeune roi à travers les objets qu'il a touché de ses mains, nous invite à partager son destin tragique et à l'accompagner dans son périlleux voyage vers l'au-delà. Pour l'égyptologue Dominique Farout, professeur à l'École du Louvre et à l'Institut Khéops, conseiller scientifique mais aussi porte-parole de l'exposition, celle-ci a été montée de façon « excellente ». Misant sur la pédagogie, le parcours présente les rituels funéraires, les épreuves qui attendent le défunt, les objets, statues, mobilier, armes ou encore parures, qui l'aideront à accéder à la vie éternelle et lui serviront lorsqu'il renaîtra, ainsi que la découverte du tombeau par Howard Carter.
Pensée pour financer le nouveau Grand Musée Égyptien du Caire, l'exposition se propose d'attiser l'intérêt pour Toutânkhamon. Un intérêt durable car l'histoire de ce pharaon a « tout d'un conte de fée, nous dit Dominique Farout. Vous avez l'histoire d'un petit enfant orphelin qui se retrouve dieu sur Terre, héritier d'un père mythique (Akhenaton) qui a laissé l'image la plus extraordinaire et la plus terrible qui soit. Il meurt jeune et sans enfant, son ancien général (Horemheb) a fait effacer son nom, tout a été fait pour qu'il soit oublié. Mais il est redécouvert d'une façon extraordinaire plus de 3.000 ans plus tard. »
En prime, le tombeau est une véritable « caverne d'Ali Baba », avec des artefacts « tous extraordinaires », dont le raffinement pousse au respect, surtout quand on garde à l'esprit qu'ils datent d'une époque aussi reculée. « Le travail des artisans est incroyable, autant celui des orfèvres, des tisserands que des peintres, s'enthousiasme Dominique Farout. Ils maîtrisaient leur art. Il y a des matériaux tout à fait improbables, comme un poignard en fer météoritique ». Ce dernier ne figure pas sur l'exposition, mais voici sans plus tarder devant quelles vitrines vous devez absolument vous arrêter, à la lumière des conseils de l'égyptologue.
Six objets phares à ne pas manquer
Pour leur beauté, les matériaux incroyables qui les constituent, mais aussi leur valeur en tant qu'objets d'étude, ces six artefacts méritent toute notre attention, selon Dominique Farout.
Un appui-tête en verre turquoise
Ce repose-tête en verre massif de couleur turquoise, dont la base est cerclée d'or, est un des objets de l'exposition « dont les gens ne réalisent pas l'importance. Il est fait dans un matériau relativement récent pour l'époque, apparu dans le Nouvel Empire et qui commence à être vraiment utilisé à partir d'Aménophis III (ou Amenhotep III), grand-père de Toutânkhamon. » Par ailleurs, « un objet en verre massif de cette taille et sans défaut serait difficile à fabriquer même aujourd'hui. »
Une paire de gants en lin tissé de soie
Contrairement à ce qui est légendé sur l'exposition, ces gants en lin sont tissés et non brodés de soie, rectifie Dominique Farout. « Cela me fait toujours rêver qu'ils nous parviennent au bout de 3.300 ans ». Ils sont plus fascinants qu'il n'y paraît car ils sortent pour la première fois d'Égypte et ils sont porteurs d'une énigme. De la soie a été en effet retrouvée sur ces gants. Elle pourrait provenir du travail de restauration de l'équipe d'Howard Carter, qui a par exemple déplié l'un des deux gants, ou bien de l'époque de Toutânkhamon. Dans ce deuxième cas, ce serait « incroyable » car ces gants deviendraient « la plus ancienne découverte de soie du monde », sachant que « la plus ancienne preuve actuelle date du douzième siècle avant J.C. en Chine ».
Un étui d'un arc en bois orné de scènes de chasse
Pour sa première sortie hors d'Égypte, cette boîte à arc en bois plaqué d'or et orné de scènes de chasse devrait également faire sensation. Dominique Farout le décrit comme « un objet ahurissant par sa beauté et par les matériaux utilisés », avec par exemple ces deux têtes de lion en faïence violette présentes aux extrémités de l'étui.
La trompette en argent
Cette trompette « est censée porter malheur ». Elle se trouve à la source d'un autre mythe concernant la prétendue malédiction de Toutânkhamon, selon lequel la faire retentir provoquerait des catastrophes, telles que des guerres. Selon l'égyptologue, elle est « extraordinaire parce qu'elle a vraiment sonné », en 1939, trente siècles après avoir été enfermée dans le tombeau. L'enregistrement sonore réalisé à cette occasion peut être entendu par les visiteurs de l'exposition équipés d'un audio-guide.
Le naos en bois doré
Dans l'Égypte antique, le naos était une petite chapelle en pierre ou en bois destinée à accueillir la statue d'un dieu. Louant la « beauté extraordinaire et l'intérêt théologique » de cette chapelle en bois doré, Dominique Farout révèle que c'est « l'objet qui m'intéresse le plus au niveau de mes recherches. Elle est couverte d'une épaisse feuille d'or et de scènes atonistes, c'est-à-dire qui héritent d'Akhenaton. » Sur le socle, sorti de la chapelle dans la vitrine de l'exposition, sont visibles les empreintes de pieds du pharaon, que d'aucuns interprètent comme un indice qu'une statuette de Toutânkhamon aujourd'hui perdue se dressait là. Mais Dominique Farout a une autre hypothèse. « Il n'y a jamais eu de statue, estime-t-il. On a sculpté ces empreintes pour suggérer l'existence magique du pharaon. »
Le coup de cœur : le fauteuil de Toutânkhamon enfant
Incrusté d'ébène et d'ivoire et plaqué de feuilles d'or, ce « petit trône d'enfant » en bois est l'objet coup de cœur de Dominique Farout. : « j'ai une grande émotion à chaque fois que je le vois ». Le vrai trône en or de Toutânkhamon se trouve actuellement au Musée Égyptien du Caire, mais nul doute qu'il s'agit là d'un fauteuil « royal et fait pour un petit enfant ».
Tout reste à découvrir
Au-delà de l'émerveillement qu'ils suscitent, que peuvent encore nous apprendre ces trésors d'exception et comment les faire parler ? « Ces objets, on les réétudiera régulièrement », assure l'égyptologue, ceci en exploitant les dernières méthodes d'analyse et d'imagerie mises au service de l'archéologie, telles que le scan 3D, les tests ADN ou encore la technique de Reflectance Transformation Imaging (RTI) permettant de voir « des choses invisibles à l'œil nu ».
Si le mythe de la malédiction de Toutânkhamon a été démonté, de nombreux mystères subsistent, sur les causes de son décès précoce par exemple : a-t-il succombé suite à cette fracture à la jambe révélée par scanner 3D ou encore du paludisme dont il était porteur, selon de récentes analyses ADN ?
« Nous passons notre temps à avoir des interrogations autour de ce roi » et des pharaons en général. « La technique nous aide beaucoup, mais ce n'est pas pour autant qu'on obtient des réponses. Le pire, c'est la période entre son père et lui, sur le règne de sa grande sœur », Ankh-Khéperourê Néfernéferouaton, qui aurait régné durant un court laps de temps entre le décès d'Akhenaton en 1338 av. J.-C. et l'accession au trône de Toutânkhamon, du fait du trop jeune âge de ce dernier. Né Toutânkhaton, puis renommé Toutânkhamon après son couronnement, il aurait « conservé simultanément les deux noms, et donc les deux cultes associés [celui du dieu solaire Aton et du dieu de Thèbes Amon, que son père Akhenaton avait renié], pendant son règne », selon les dernières recherches de Dominique Farout.
En outre, contrairement à d'autres grandes figures de l'Histoire, plus récentes, pour lesquelles des témoignages ont pu nous parvenir, « nous ne connaissons aucune des réalités personnelles de l'Égypte ancienne, nous n'avons que la version officielle. Était-ce Toutânkhamon qui régnait ou bien était-ce ses conseillers ? Que pensait-il réellement dans sa vie privée ? C'est très frustrant de ne pas savoir quelle était la personnalité de ces rois. Dans le cas de Toutânkhamon, nous arrivons un peu à nous en approcher à travers certains objets. Nous sommes sûrs qu'il les utilisait, donc qu'il écrivait, qu'il peignait... »
Après Paris, les 150 objets fabuleux de l'exposition Toutânkhamon poursuivront leur tour du monde en s'arrêtant à Londres à partir de fin 2019, puis à Sydney en 2021, avant de retourner en Égypte où ils reposeront à jamais au sein des collections du Grand Musée Égyptien du Caire, à un jet de pierre des pyramides de Gizeh. Dernière chance, donc, d'admirer le trésor de Toutânkhamon hors d'Égypte.
L'exposition « Toutânkhamon : le trésor du Pharaon » se tient à la Grande Halle de La Villette à Paris du 23 mars 2019 au 22 septembre 2019.
- 150 objets authentiques découverts dans le tombeau de Toutânkhamon se dévoilent dans la Grande Halle de La Villette dans le cadre de l'exposition « Toutânkhamon : le trésor du Pharaon », du 23 mars 2019 au 22 septembre 2019.
- Parmi les objets les plus remarquables figurent : l'appui-tête en verre turquoise, la paire de gants en lin tissé de soie, l'étui d'un arc en bois, la trompette en argent, la chapelle en bois doré. Le grand coup de cœur de l'égyptologue Dominique Farout est le petit trône en bois de Toutânkhamon enfant.
- C'est la dernière fois que le trésor de Toutânkhamon voyage ainsi hors d'Égypte. Dans une poignée d'années, ils rejoindront définitivement le Grand Musée Égyptien du Caire.
- Un siècle après la découverte du tombeau et plus de trente siècles après leur fabrication, ces objets ont encore le potentiel de nous révéler beaucoup de choses sur la vie et la mort de ce pharaon devenu légendaire, pour peu que les nouvelles techniques d'analyse et d'imagerie parviennent à leur soutirer leurs secrets.
Une tête de félin sacré Appartenant au fascinant bestiaire des Égyptiens, cette énigmatique tête de félin a été trouvée dans la tombe du roi. Cet objet, doré à l’or, a la forme d’une tête de léopard. Il porte sur son front le cartouche de Toutânkhamon. Plusieurs autres exemplaires, tels que celui-ci, ont été trouvés dans la tombe, ils servaient d’attache de fixation à la peau de bête que portait le pharaon lors des cérémonies religieuses dans le cadre de son ministère sacerdotal. Cette tête de félin pourrait être associée à la puissante déesse guerrière Sekhmet, guide et conseillère des pharaons lors de leurs combats, elle est aussi la déesse de la guérison et du foyer. © ddenisen, CC by-sa 2.0
Les serviteurs du pharaon dans l'au-delà Ces statuettes sont des figurines funéraires. Ces chaouabtis, ou oushebtis, littéralement « celui qui répond », se retrouvent dans la plupart des tombes égyptiennes. Selon le statut social du défunt, elles sont de couleurs et de matières différentes, en faïence, en calcaire, en albâtre ou en bois, de terre cuite ou en graphite noir. Ces objets funéraires accompagnent le défunt qui emporte dans l’au-delà sa cohorte de serviteurs, munis de leurs outils pour les semences ou la moisson : ils se tiennent prêts à répondre à l’appel d’Osiris pour les travaux des champs. Car, même dans l’autre monde, nul ne pouvait se soustraire aux corvées et aux ordres des dieux… De son vivant, le pharaon Toutânkhamon en possédait 416, retrouvés dans sa tombe, disposés parfaitement par ordre hiérarchique : 365 ouvriers, 36 contremaîtres et 12 surintendants pour chaque mois de l'année. © Dave Nakayama, CC by-sa 2.0
Le vase à canopes Taillé d’un seul boc de très pur albâtre, ce coffre abrite les vases à canopes. Il se divise en quatre compartiments surmontés de couvercles à l’effigie royale, également en albâtre. Les personnages portent le némès surmonté du cobra Uræus, et du faucon Nekhbet. Les traits des visages sont soulignés de noir et les lèvres sont teintées de rouge. À l’intérieur des vases à canopes, quatre petits sarcophages momiformes en or massif conservent les viscères du pharaon Toutânkhamon (foie, poumons, estomac, intestins). Ces compartiments sont disposés selon un ordonnancement précis : à chaque un organe correspond un point cardinal, un dieu protecteur et une déesse pleureuse : Isis, Nephthyts, Neith, Selkys. Aux angles du coffre, les déesses étendent les bras pour protéger les viscères royaux. Plus tard, les Égyptiens préfèreront utiliser quatre vases canopes aux figures des quatre fils d'Horus : Amset l’homme, Hâpi le babouin, Douamoutef le chacal, Qebehsenouf le faucon. Le cerveau, quant à lui, était extrait par les narines et le cou. Il n’était pas conservé. © Claude Valette, CC by-nc 2.0
Le trône du pharaon enfant En bois, recouvert de feuilles d’or de trois millimètres et incrusté de pierres précieuses, de pâtes de verre et de faïence, le trône est soutenu par des pieds en forme de pattes de lion se prolongeant par une tête de félin. Chacun des deux accoudoirs est formé par une aile déployée de faucon terminée par une tête de cobra, l’un portant la couronne de Haute-Égypte, et l’autre, celle de Basse-Égypte. Des feuilles d’argent ont été appliquées sur les habits des souverains. Les deux personnages ne portent qu’une sandale chacun ; un surprenant détail, sujet à des multiples interprétations. Au-dessus du couple royal, le disque solaire attribué au dieu Aton, propage ses rayons terminés par de petites mains. Le dossier du siège montre une scène intimiste de la vie quotidienne du jeune roi et de son épouse. Ankhésenamon porte une coiffe à plumes et couvre d’onguent le bras de son époux coiffé de la perruque nubienne. Le décor est propre à l’esthétique du style amarnien, caractérisé par la présence de fleurs, d’animaux, d’oiseaux et des personnages à la bouche charnue et des formes allongées. Cette scène centrale fait clairement référence au culte monothéiste du dieu Aton (rayons du soleil), que le père, Akhenaton, avait instauré. C’est donc ici le siège de l’enfant-roi. Cependant, en accédant au trône, Toutânkhamon, initialement baptisé Toutankh-aton, restaure le polythéisme du culte d’Amon. Il semblerait qu’il ne manquait aucune occasion d’honorer les divinités ; sur la porte de sa tombe, les écritures ont révélé que le roi « a passé sa vie à façonner des images des dieux ». © Claude Valette CC by-nc 2.0
La Maison d’éternité du pharaon Le tombeau est abrité sous quatre chapelles, sortes d’immenses coffres sans plancher. Sur les faces externes des murs latéraux de la troisième chapelle, figurent les représentations des dieux protecteurs, ici, le dieu Thot à la tête d’ibis, surnommé le dieu du temps. Dans la mythologie égyptienne, il est celui qui capte la lumière de la nuit et régit les cycles lunaires. Lorsqu’il est représenté sous forme d’un babouin, il porte alors sur la tête le croissant lunaire. On lui attribue de nombreuses fonctions : dieu de la connaissance, il est l’incarnation de l’intelligence et du savoir, de la parole et de l’écriture. Déchiffrant les formules magiques, il exerce aussi la charge de vizir, de secrétaire messager et de greffier auprès des divinités. Il assiste Anubis lors la présentation du défunt devant le tribunal des âmes. © Claude Valette, CC by-nc 2.0
Anubis, le dieu funéraire Le tombeau de Toutânkhamon a été trouvé dans une pièce, appelée chambre funéraire. À l'intérieur, la « Maison d’éternité du pharaon » se compose de quatre coffres-chapelles. Sur les faces externes des murs latéraux de la troisième figurent les représentations des dieux protecteurs ; ici, sur cette photo, Anubis. Au nombre de quatre dans la chambre mortuaire, ces sanctuaires gigognes s’emboîtaient l’un sur l’autre et recouvraient le premier cercueil, en pierre, du pharaon. En bois de cèdre et recouvertes de feuilles d’or (et d’incrustations de faïence bleue pour la première), elles n’avaient pas de plancher. Représenté ici sous une forme hybride mi-homme, mi-animal, Anubis préside aux cérémonies funéraires et aux rituels de momification considérés comme processus de revitalisation. Dieu purificateur, il est celui qui accompagne les morts dans l’au-delà pour les présenter devant le tribunal d’Osiris où s’effectue la pesée de l’âme. Ayant des fonctions de protecteur des bêtes à cornes, il endosse aussi les traits du sacrificateur, garantissant ainsi les offrandes alimentaires en l’honneur du défunt. © Claude Valette, CC by-nc 2.0
Est-ce vraiment le visage de Toutânkhamon ? Voici le détail de l’un des quatre bouchons du coffre à canopes en albâtre où sont conservées les viscères de Toutânkhamon. La figurine est coiffée du nemès surmonté des deux animaux protecteurs et puissants, le faucon et le cobra dressé, figurant respectivement les déesses Ouadjet et Nekhbet, symboles d’unification des Haute et Basse-Égypte. Les yeux sont soulignés de noir et la bouche est rehaussée de rouge pour attirer la renaissance. Comme tous les objets et statuettes funéraires, ils sont censés être à l’effigie du défunt, comme le veut le rituel. Mais l’on reste perplexe devant le visage efféminé du pharaon. L’explication la plus probable est que le roi-enfant meurt à l’âge de 18 ou 19 ans sans avoir eu le temps de construire sa « demeure d’éternité » qui, contrairement à la coutume égyptienne de cette époque, est un hypogée, c'est-à-dire une sépulture enterrée. C’est peut-être aussi la raison pour laquelle ces représentations du pharaon sont aussi peu conformes à sa morphologie révélée par les scanners : l’hypothèse la plus probable avancée par les scientifiques serait que les masques et tous les objets funéraires auraient été initialement prévus pour une personnalité féminine, membre de la famille royale. © Dave Nakayama, CC by-sa 2.0
La mystérieuse barque d’albâtre Le bassin d’albâtre est une surprenante et magnifique composition mesurant 70 centimètres de long supportant un îlot central sur lequel repose une barque emmenant un sarcophage surmonté d’un dais. Il est à supposer qu'une fois remplie de pétales de fleurs et d’eau parfumée, cette pièce-montée donne l’illusion d’une chaloupe flottant. Les colonnes centrales sont décorées de lotus et de papyrus, des pierres précieuses et des feuilles d'or sont incrustées dans l'albâtre, ainsi que sur sa partie basse. Nue et parée de bijoux, une jeune fille se tient à l’avant, coiffée de la perruque nubienne et portant à son cœur une fleur de lotus ; à l’arrière, se tient sa « naine » dont le mouvement laisse supposer qu’elle tenait une perche pour manœuvrer la barque. À la proue et à la poupe, les antilopes ont d’authentiques cornes d’ibex (bouquetins) qui, par leur régénération naturelle, symbolisent la renaissance ou la fécondité. Également surnommée « la naine et le bouquetin », cette œuvre allégorique demeure une énigme d’une complexité sans fond pour les égyptologues qui en cherchent le chaînon manquant pour la comprendre, et ne cessent d’en donner diverses interprétations. © لا روسا, CC by-sa 4.0
Les gardiens de Toutânkhamon Située dans la chambre funéraire, la « maison d’éternité du pharaon » se compose de quatre coffres-chapelles. Sur les faces externes des murs latéraux de la troisième sont figurées les représentations des dieux protecteurs. Ici, Douamoutef, à tête de chacal. Cette divinité fait partie des quatre génies funéraires, appelés les « fils d’Horus ». Douamoutef, le chacal, protège l’estomac et assure que les ennemis seront vaincus ; Amset, l'homme, protège le foie ; Hâpi, le babouin, défend les poumons ; et Kébehsénouf, le faucon, protège l’intestin. Pour que leurs missions soient accomplies, ils sont chacun associés à un point cardinal et à une déesse, pleureuse divine. Elles sont représentées sur le coffre en albâtre qui contient les vases canopes renfermant les viscères. Les vignettes et inscriptions découvertes sur les chapelles, notamment sur les deuxième et troisième chapelles, sont extraites des textes sacrés d’Égypte, dont l’Amdouat représentant « ce qu’il y a dans le monde inférieur ». Ce texte du « Voyage du soleil durant les douze heures de la nuit » prépare le pharaon à effectuer cette même traversée pour renaître à l’immortalité. © Claude Valette, CC by-nc 2.0
Horus, le faucon, le dieu solaire Toujours sur les murs externes de la troisième chapelle, voici le faucon, Horus, « le lointain », « celui qui est au-dessus ». Il est le dieu solaire, ses yeux représentent le soleil et la lune, souvent coiffé de la double couronne des pharaons. Il est à la fois le protecteur du pharaon et son incarnation terrestre. Par son ancienneté dans la mythologie égyptienne et sa complexité, il existe plusieurs représentations d’Horus. Lors d’un combat avec son oncle, Seth (dieu de la confusion et du désordre), Horus perdît un œil et le récupéra grâce à Thot. Depuis, cet œil, appelé « oudjat », représente la victoire de l’ordre sur le chaos et éloigne la malchance. Il ornait la proue des bateaux pour se protéger des hippopotames lors de la pêche ou de la traversée du Nil. Symbole de vaillance, de loyauté et de fidélité familiale, il est le garant de l’harmonie universelle. Horus est le dieu de la royauté, du soleil à son zénith. © Claude Valette, CC by-nc 2.0
Anubis sur le naos de Toutânkhamon Posé sur le couvercle du naos doré contenant le vase à canopes, Anubis est présenté sous la forme d’un canidé en alerte et couché sur le ventre. Il est en bois bitumé, les yeux sont rouges, en calcite et en obsidienne tandis que leur contour et les sourcils sont en or, les griffes en argent. Faisant face à la chambre funéraire de Toutânkhamon, la pièce où se trouvent les coffres-chapelles, Anubis était ainsi positionné à l’entrée de la salle du Trésor quand il fut découvert. Tel le gardien des sépultures, il veillait sur le Naos. Il contenait le vase à canopes à l'intérieur duquel se trouvaient les sarcophages à viscères ; les bijoux pectoraux et amulettes, des bols en albâtre utilisés pour les rites funéraires y étaient aussi placés. L’ensemble reposait sur des brancards afin de pouvoir être sorti lors des processions. Il est encore difficile, aujourd’hui, de déterminer si cette divinité représente un chacal, un chien, un loup ou un renard efflanqué. © Claude Valette, CC by-nc 2.0
Toutânkhamon, chassant au harpon Ce sont des figurines rituelles du pharaon Toutânkhamon. Elles montrent le jeune roi dans ses activités quotidiennes, des scènes rituelles de chasse à l’hippopotame et de pêche au harpon. Le souverain est tantôt coiffé d'une sorte de mitre blanche, oblongue (statuette au centre), le Hedjet qui est la couronne de la Haute-Égypte ; tantôt coiffé du Decheret, couronne rouge, celle de la Basse-Égypte (statuettes à gauche et à droite). Parfois, il porte les deux emboîtées l’une sur l’autre en signe de souveraineté unifiée, la double couronne s’appelle alors le Pschent. Le pharaon est vêtu du pagne plissé. Le style amarnien transparaît ici : il se distingue par un art délicat et des personnages à la bouche charnue, un ventre renflé, un cou tendu et des formes allongées ; c’est une esthétique propre au règne de son père Akhenaton. Lorsqu’elles ont été découvertes, ces figurines étaient toutes délicatement vêtues de toile de lin. © Claude Valette, CC by-nc 2.0
Les sarcophages, ultimes demeures de Toutânkhamon L'hypogée du pharaon comprend quatre salles reliées par des couloirs. La chambre funéraire abrite le tombeau sous quatre chapelles, sortes d’immenses coffres sans plancher. Le sarcophage en pierre (quartzite) contenait lui-même trois cercueils momiformes emboîtés, telles des poupées russes. Les deux premiers sarcophages extérieurs sont plaqués de feuilles d’or, martelées et ciselées ; le dernier est en or pur et pèse 110,4 kilogrammes. C’est dans ce dernier que se trouve le corps momifié du pharaon. Composés d’une cuve et d’un couvercle assemblés par des tenons et des mortaises, les trois sont incrustés, selon la technique du cloisonné d'or, de pâte de verre, de pierres semi-précieuses (cornaline rouge, turquoise bleu clair et lapis-lazuli bleu foncé) et de roches (obsidienne noire, calcite blanche). Sur les trois cercueils, le pharaon est représenté coiffé du némès, le plus emblématique couvre-chef des pharaons, qui est un assemblage complexe de tissu, surmonté des animaux protecteurs, le faucon et le cobra. Sur un visage imberbe, il porte la barbe postiche, tressée, symbole de royauté ; elle est recourbée car le pharaon est ici dans sa représentation mortuaire et donc, associé à une divinité. Sur ses bras croisés, la crosse et le flagellum, deux des attributs à connotation pastorale. La crosse (ou Héqa) et le fléau (ou Nekhekh) symbolisent les fonctions du berger, l’un par son crochet conçu pour attraper les pattes du bétail, l’autre, pour conduire le troupeau. Ils représentent la puissance féconde du souverain guidant, nourrissant et protégeant son peuple. Quant au célèbre masque funéraire, il recouvrait la tête et les épaules de la momie. Ce véritable chef-d’œuvre d’orfèvrerie est en or massif et pèse 11 kilogrammes. Bagues, bracelets, pendentifs, pectoraux, gorgerins... Plus de cent quarante-trois bijoux d'or étaient répartis dans les bandelettes entourant le corps du pharaon. © Tarekheikal, CC by-sa 4.0
De l’air pour le pharaon ! Retrouvé intact, cet éventail de cérémonie est une plaque demi-circulaire en bois doré et en pâte de verre multicolore. Cette partie de l’ombrelle est placée au bout d’un long manche ; sur sa tranche percée de trous étaient disposées de grandes plumes d’autruche. Les éléments centraux du décor montrent deux faucons symbolisant la déesse, Nekhbet. Ils encadrent les deux cartouches au nom de Toutânkhamon. Ils se font face en déployant leurs ailes et tiennent les deux symboles de pouvoir. L’un porte la couronne de la Haute-Égypte, l’autre, celle de la Basse-Égypte, signifiant la solidité de la réunification des deux territoires. Cette ombrelle servait à protéger le roi du soleil et à lui procurer de l’air. La charge de « porteur d’éventail du pharaon » était très convoitée. © ddenisen, CC by-sa 2.0
Une chaouabti, statuette funéraire Couverte d’inscriptions en colonnes verticales sur sa partie basse, cette chaouabti (« celui qui répond ») représente Toutânkhamon. Cette statuette de bois, en partie dorée, est représentée les bras croisés, portant le fléau, l’insigne royal : le nekhekh est généralement constitué d’une armature de bronze, recouvert alternativement de cylindres d’or et de cylindres de pâte de verre bleue. Il est fait de trois brins, tressés chacun de treize clochettes. Plusieurs interprétations sont données à ce spectre royal : certains scientifiques y voient un chasse-mouche, d’autres y voient le symbole d’Osiris, dieu inventeur de l’agriculture. Par extension, il serait un symbole pastoral du pharaon guidant son peuple. © Dave Nakayama, CC by-sa 2.0