La nature de certains astéroïdes situés entre Mars et Jupiter peut leur permettre de se comporter à l'occasion comme des comètes : cela, les scientifiques le savaient déjà. Mais, pour la première fois, ces derniers ont découvert un tel objet qui est aussi une comète binaire : 288P.

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    Il est de plus en plus évident que la ceinture principale d'astéroïdes est composée de petits corps célestes dont la composition minéralogique, et finalement l'origine, est fort diverse. Certains d'entre eux seraient des anciens noyaux métalliques d'embryonsembryons de planètes défuntes. D'autres se seraient formés au-delà de l'orbite de JupiterJupiter, ce qui les rendrait riches en eau. Mieux, il pourrait s'agir d'anciennes comètes ayant largement épuisé leur stock de glaces, ou d'objets similaires aux comètes mais dont les glaces sont protégées, temporairement du moins, par une couche de poussières pouvant n'avoir que quelques mètres d'épaisseur. C'est ce qui expliquerait les comportements paradoxaux de certains astéroïdes repérés depuis quelques années et qui se mettent à l'occasion à s'entourer d'une comacoma et d'une queue similaires à celles d'une comète classique.

    On vient d'en identifier un autre exemple, comme l'explique une équipe internationale d'astronomesastronomes qui vient de publier un article dans Nature au sujet de l'objet céleste découvert en 2006 et initialement catalogué 2006 VW139. Il y a quelques années, certains ont suggéré qu'il s'agissait d'un membre d'une famille d'au moins 11 astéroïdes, formée il y a 7,5 millions d'années par la fragmentation lors d'une collision d'un objet dont le diamètre avoisinait 10 km. Mais aujourd'hui, il vient de changer de statut et de nom. Il a été rebaptisé 288P, ce qui signifie, dans le cadre de la nomenclature adoptée en 1995 par l'Union astronomique internationale, qu'il s'agit d'une comète périodique dont la période est inférieure à 200 ans.


      Des images de Hubble, prises d'août à septembre 2016, montrent les mouvements et l'activité de la comète binaire 288P. © SciNews

    288P, l'astéroïde-comète déjà repéré en 2011 par Hubble

    288P avait déjà commencé à intriguer les astronomes dès 2011, sur des images prises par HubbleHubble et qui suggéraient que cet astéroïde pouvait avoir une activité cométaire, comme une vingtaine d'objets similaires connus à ce jour. Mais, pour en avoir le cœur net, les chercheurs ont attendu qu'il se rapproche un peu plus du Soleil pour se trouver en fait à 200 millions de kilomètres de la Terre.

    À nouveau mobilisé, Hubble leur a permis de faire une découverte stupéfiante. Non seulement l'activité cométaire est devenue plus importante du fait de la chaleurchaleur apportée par le rayonnement du Soleil mais le gain en résolutionrésolution a permis d'établir qu'il s'agissait en fait de la première comète binairebinaire connue de l'Homme ! Les images permettent de suivre clairement un mouvementmouvement de révolution autour du centre de massemasse de deux objets, séparés par une centaine de kilomètres sur une orbite très elliptique. On peut en déduire que les deux corps ont des masses comparables et des tailles similaires de l'ordre du kilomètre.

    Il est probable que ces deux corps n'en faisaient qu'un dans un passé relativement proche. Le corps parent s'est peut-être fragmenté du fait d'une accélération de sa vitesse de rotationvitesse de rotation causée par le fameux effet Yarkovsky. Des poches de glace initialement protégées des rayons du Soleil auraient pu alors s'évaporer. Il semble que l'évènement se soit produit il y a 5.000 ans tout au plus, sans quoi un tel objet aurait dû épuiser ses réserves dans la ceinture d'astéroïdesceinture d'astéroïdes. Mais, ce qui intéresse les chercheurs, ce n'est pas tellement l'aspect spectaculaire de 288P, mais bien qu'il pourrait nous aider à comprendre l'origine de l'eau sur Terre...


    La ceinture d'astéroïdes, un cimetière de comètes ?

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco publié le 07/08/2013

    La frontière entre comètes et astéroïdes devient de plus en plus floue depuis quelques années. Voilà que des astronomes colombiens ayant étudié la nature de corps célestes dans la ceinture principale d'astéroïdes entre Mars et Jupiter confortent cette idée. Selon eux, cette zone serait un véritable cimetière de comètes mortes, ou pour le moins dormantes, revenant parfois à la vie comme des zombies, en s'approchant un peu du Soleil.

    Les missions Pioneer et Voyager nous ont révélé que le Système solaireSystème solaire était beaucoup plus diversifié qu'on ne l'imaginait, en se basant sur les lois de la mécanique céleste et de la chimiechimie. Les sondes spatiales, les campagnes d'observation au sol et les simulations conduites via les ordinateursordinateurs issus des travaux d'Alan Turing et de John von NeumannJohn von Neumann n'ont fait que confirmer cette complexité.

    On a ainsi construit récemment des scénarios étonnants pour expliquer la formation des luneslunes du Système solaire, en faisant intervenir des anneaux planétaires. Il a été avancé que les migrations planétaires auraient causé la recrudescence des impacts météoritiques ou cométaires sur les planètes telluriquesplanètes telluriques, voilà environ 4,1 à 3,9 milliards d'années (le fameux Grand Bombardement TardifGrand Bombardement Tardif, ou Late Heavy Bombardment, LHB, en anglais). Il s'agit du modèle de Nicemodèle de Nice, proposé il y a quelques années par Alessandro Morbidelli et ses collègues.

    Des comètes piégées dans la ceinture d'astéroïdes lors du LHB

    Les chercheurs avaient publié dans Nature une série d'articles concernant des simulations numériquessimulations numériques faisant intervenir, après la formation des planètes internes, des migrations de planètes géantesplanètes géantes vers l'extérieur du Système solaire. Ceci rendait bien compte de plusieurs caractéristiques du Système solaire lors du Grand Bombardement Tardif.

    Comparaison de l'ancien paradigme de la ceinture d'astéroïdes et du nouveau. En haut, aucune comète n'existe dans la ceinture, c'est l’ancienne conception. En bas, il y a quelques millions d'années, les comètes y abondaient encore. De nos jours, on peut en observer quelques-unes, comme le montre le dessin central. © Ignacio Ferrin, <em>University of Antioquia</em>

    Comparaison de l'ancien paradigme de la ceinture d'astéroïdes et du nouveau. En haut, aucune comète n'existe dans la ceinture, c'est l’ancienne conception. En bas, il y a quelques millions d'années, les comètes y abondaient encore. De nos jours, on peut en observer quelques-unes, comme le montre le dessin central. © Ignacio Ferrin, University of Antioquia

    Par la suite, Alessandro Morbidelli et ses collègues ont déduit du modèle de Nice que des comètes, formées légèrement au-delà des planètes géantes il y a plus de quatre milliards d'années, auraient été éjectées en direction de la ceinture d’astéroïdes actuelle et s'y seraient trouvées piégées. Ce serait même une part non négligeable des corps de la ceinture qui aurait été capturée lors du LHB, et leur origine serait à chercher au-delà de l'orbite de Neptune.

    De fait, depuis une décennie environ, on observe que certains corps célestes, que l'on pensait être de simples astéroïdes dans la ceinture qui s'étend entre Mars et Jupiter, sont capables de se comporter comme des comètes en s'entourant d'une chevelure de poussières et de particules glacées. On peut citer le cas de (596) Scheila. Traditionnellement, on considérait que la ceinture d'astéroïdes constituait les restes d'une population de petits corps célestes datant de la formation du Système solaire, qui n'auraient pas pu former une planète par accrétionaccrétion en raison des perturbations gravitationnelles de Jupiter. Mais toutes ces nouvelles données théoriques et observationnelles amènent les astronomes à réviser leurs conceptions sur la nature et l'origine des corps célestes constituant la ceinture d'astéroïdes.

    L’astéroïde (596) Scheila, de la ceinture principale, a été baptisé en hommage à une étudiante anglaise et amie de son découvreur, l’astronome allemand August Kopff (1882-1960). Une observation réalisée en décembre 2010 a montré qu’il pouvait présenter l'aspect d'une comète avec une queue. Il pourrait s’agir d’une vraie comète dormante. Mais actuellement, on pense que la chevelure cométaire observée à l’époque est plutôt le résultat d’un impact à la surface de cet astéroïde. D’autres observations de petits corps célestes dans la ceinture d’astéroïdes montrent qu’elle abrite bien des comètes. © Kevin Heider,<em> Wikimedia Commons</em>, CC by-sa 3.0

    L’astéroïde (596) Scheila, de la ceinture principale, a été baptisé en hommage à une étudiante anglaise et amie de son découvreur, l’astronome allemand August Kopff (1882-1960). Une observation réalisée en décembre 2010 a montré qu’il pouvait présenter l'aspect d'une comète avec une queue. Il pourrait s’agir d’une vraie comète dormante. Mais actuellement, on pense que la chevelure cométaire observée à l’époque est plutôt le résultat d’un impact à la surface de cet astéroïde. D’autres observations de petits corps célestes dans la ceinture d’astéroïdes montrent qu’elle abrite bien des comètes. © Kevin Heider, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0

    Nécropole de comètes

    Les travaux d'une équipe d'astronomes colombiens de l'université d'Antioquia confortent ce point de vue. Dans leur article déposé sur arxiv, il s'intéressent à ce qu'ils ont appelé des « comètes Lazare », mais que l'on pourrait tout aussi bien appeler des « comètes zombies », à en juger par le scénario qu'ils avancent.

    Selon les chercheurs, les 12 comètes actives à courte période découvertes dans la ceinture d'astéroïdes au XXIe siècle laissent supposer que cette zone est en réalité un véritable cimetière de comètes. Il y a quelques millions d'années seulement, il devait encore y exister des dizaines de milliers de comètes actives. Beaucoup de ces corps célestes auraient épuisé leurs réserves de glace et se seraient donc éteints. Mais d'autres seraient dormantsdormants, bien que sur le chemin les amenant vers l'extinctionextinction. Sur des orbites stables pendant des dizaines de milliers ou des millions d'années, ils finiraient par se rapprocher légèrement du Soleil. Un peu de chaleur supplémentaire suffirait pour qu'ils redeviennent temporairement des comètes.

    Tel Lazare ressuscité sortant de son tombeautombeau, un zombie quittant les limbeslimbes pour retrouver sa place parmi les vivants, une nouvelle comète associée à la ceinture d'astéroïdes reviendrait donc à la vie de temps en temps, prête à porter le nom de l'astronome amateur qui l'aurait découverte.