La lumière du Soleil nous réchauffe, et ça vaut aussi pour les rochers à la surface des astéroïdes. Une nouvelle étude détaille l'observation, pour la première fois sur un corps sans atmosphère, de la fracturation de tels rochers due aux variations de température à la surface d'un astéroïde.


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    Les astéroïdes n'ont pas une vie de tout repos. En effet, ils subissent des collisions avec d'autres petits corps et n'ont aucune protection non plus contre les rayonnements spatiaux. Une nouvelle étude, détaillée dans un article paru dans Nature Communications le 9 juin, montre pour sa part que la chaleur du Soleil peut aussi affecter la surface de ces corps en fracturant les rochers à leur surface.

    En effet, du fait de l'ensoleillement pendant la journée, ces rochers chauffent et se dilatent, puis se contractent lorsqu'ils refroidissent la nuit. Cela produit des contraintes qui forment des fissures qui se développent lentement au fil du temps. Grâce aux images à haute résolutionrésolution de la sonde spatiale Osiris-Rex de la Nasa, ce phénomène a pu être directement observé pour la première fois sur un corps sans atmosphèreatmosphère, en l'occurrence l'astéroïde Bennu (ou Bénou). L'existence de ce phénomène sur de tels corps était prédite depuis longtemps, d'autant plus qu'il peut y exister un écart important de température entre le jour et la nuit : par exemple, sur Bennu, la température peut varier de -73 °C à +127 °C.

    L'équipe de la mission a trouvé des caractéristiques compatibles avec la fracturation thermique à l'aide de la suite de caméras d'Osiris-RexOsiris-Rex (Ocams), qui peut voir des caractéristiques de Bennu mesurant moins d'un centimètre. Elle a trouvé des signes d'exfoliationexfoliation, où la fracture thermique a probablement provoqué l'écaillage de petites couches minces (1 à 10 centimètres) des surfaces rocheuses. La sonde spatiale a également produit des images de fissures traversant des rochers dans une direction nord-sud, le long de la ligne de contrainte qui serait produite par la fracturation thermique sur Bennu.

    Groupe de gros rochers situés juste au nord de la région équatoriale de Bennu. Le rocher en bas à droite montre des signes d'exfoliation, où la fracturation thermique a probablement provoqué l'écaillage de petites couches minces de la surface du rocher. © Nasa, Goddard University of Arizona
    Groupe de gros rochers situés juste au nord de la région équatoriale de Bennu. Le rocher en bas à droite montre des signes d'exfoliation, où la fracturation thermique a probablement provoqué l'écaillage de petites couches minces de la surface du rocher. © Nasa, Goddard University of Arizona

    La fracturation thermique provoque l'évolution des rochers

    Dante Lauretta, chercheur principal d'Osiris-Rex et professeur de planétologie et de cosmochimie à l'Université de l'Arizona à Tucson, explique : « Comme tout processus d'altération, la fracturation thermique provoque l'évolution des rochers et des surfaces planétaires au fil du temps - de la modification de la forme et de la taille des rochers individuels, à la production de galets ou de régolithe à grains fins, à l'effondrementeffondrement de parois de cratères. ».

    Des caractéristiques similaires peuvent être produites par d'autres processus d'altération, mais ceux-ci ont été exclus par l'analyse. Par exemple, la pluie et l'activité chimique peuvent produire une exfoliation, mais la pluie peut être éliminée étant donné que Bennu n'a pas d'atmosphère. L'activité tectonique peut également être exclue en raison de la petite taille de Bennu. Enfin, des impacts de météoritesmétéorites se produisent sur Bennu et peuvent certainement fissurer des rochers, mais ils ne provoqueraient pas l'érosion uniforme observée des couches des surfacescouches des surfaces rocheuses. De plus, il n'y a aucun signe de cratères d'impact où l'exfoliation se produit.

    Exfoliation sur une falaise (a) et sur des rochers (b – f) de taille et d'emplacement variables. Le dôme brillant à l'horizon de (a) est un rocher derrière la falaise. © Molaro et al. (2020)
    Exfoliation sur une falaise (a) et sur des rochers (b – f) de taille et d'emplacement variables. Le dôme brillant à l'horizon de (a) est un rocher derrière la falaise. © Molaro et al. (2020)

    Vitesse de fracturation et âge des surfaces : des paramètres qui restent à mieux contraindre

    Une question qui demeure est la vitessevitesse à laquelle la fracturation thermique « use » l'astéroïde et comment elle se compare aux autres processus d'altération. JasonJason Dworkin, scientifique du projet Osiris-Rex au Centre de vol spatial Goddard de la Nasa, explique que : « Nous n'avons pas encore de bonnes contraintes sur les taux de rupture par fracturation thermique, mais nous pouvons les obtenir maintenant que nous pouvons réellement l'observer pour la première fois in situ. Les mesures en laboratoire sur les propriétés des échantillons retournés par la sonde spatiale en 2023 nous aideront à en savoir plus sur le fonctionnement de ce processus. ».

    Ce phénomène affecte par ailleurs notre capacité à estimer l'âge des surfaces. En effet, une surface plus altérée, par exemple plus cratérisée, est généralement plus ancienne. Cependant, la fracturation thermique pourrait compliquer ces estimations puisqu'elle se produit à un rythme différent selon les corps, en fonction de leur distance au Soleil, de la duréedurée de leur journée, de leur composition, de leur structure et de la résistancerésistance de leurs rochers. Sur les corps où la fracturation thermique est efficace, elle peut entraîner la rupture et une érosion plus rapide des parois des cratères. Cela donnerait l'impression d'une surface plus ancienne alors qu'en fait elle est plus jeune, ou l'inverse. Selon Jamie Molaro, scientifique au Planetary Science Institute à Tucson, dans l'Arizona (États-Unis), et auteur principal de l'étude, davantage de recherches sur la fracturation thermique sur différents corps sont nécessaires pour mieux comprendre cela.