Le 5 avril 1973, la sonde Pioneer 11 s’envolait vers Jupiter. Elle atteindra finalement aussi Saturne, devenant la première sonde à accomplir cet exploit. Aujourd’hui, on se souvient surtout d’elle pour sa fameuse plaque en or gravée d’un message à destination d’éventuels extraterrestres, et parce que l’on a cru un moment que sa trajectoire anormale signalait une nouvelle physique.

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    Une vue d'artiste d'une des sondes Pioneer, jetée telle une bouteille dans l'océan cosmique pour témoigner de l'existence de l'humanité. Pioneer 10 et 11 ont été lancées en 1973. © Nasa

    Une vue d'artiste d'une des sondes Pioneer, jetée telle une bouteille dans l'océan cosmique pour témoigner de l'existence de l'humanité. Pioneer 10 et 11 ont été lancées en 1973. © Nasa

    Le début des années 1970 était encore fortement marqué par le projet ApolloApollo, et l'on imaginait bientôt coloniser la Lune et peut-être Mars. 2001, l'Odyssée de l'espace d'Arthur C. Clarke et Stanley Kubrick allait inspirer plusieurs générations, et le physicienphysicien Gerard K. O'Neill faisait rêver les foules avec ses projets de colonies spatiales au point de Lagrange L5. 

    À cette époque, Carl Sagan et Frank Drake redoublaient d'efforts pour convaincre les décideurs et le grand public de l'intérêt du programme Seti. C'est ainsi que les deux astronomesastronomes réussirent à faire embarquer sur les sondes Pioneer 10 et 11 des plaques en or, sur lesquelles se trouvait un message de l'humanité destiné aux extraterrestres.


    Sur cette vidéo de la Nasa, réalisée pour les 40 ans de la mission Pioneer 11, on voit des images de présentation de la mission de l’époque et du lancement des sondes. © VideoFromSpace, Nasa, YouTube

    Pioneer, une répétition avant les missions Voyager

    Pioneer 11 partit vers les planètes du Système solaire le 5 avril 1973. Il s'agissait en quelque sorte d'une solution de secours en cas de défaillance de la sonde Pioneer 10, partie avant elle en direction de JupiterJupiter. En effet, on ne savait pas si Pioneer 10 allait survivre à son passage dans la fameuse ceinture d’astéroïdes. Ce fut une réussite, et la sonde devint le premier éclaireur de l'humanité à franchir les frontières du Système solaire interne et à visiter une géante gazeuse.

    Pioneer 10 survécut aussi à son passage à une distance de 200.000 km avec Jupiter. Les navigateursnavigateurs planétaires de la Nasa se servirent de l'effet de fronde gravitationnelleeffet de fronde gravitationnelle de la planète pour propulser la sonde en direction de l'espace interstellaire.

    Pioneer 11 fut la première sonde à atteindre Saturne en 1979 (rencontre représentée ci-dessus), avant Voyager 1 en 1980. Elle survola cette planète à 22.000 km du sommet des nuages, prenant des photographies rapprochées et découvrant un nouvel anneau. © Ames, Nasa

    Pioneer 11 fut la première sonde à atteindre Saturne en 1979 (rencontre représentée ci-dessus), avant Voyager 1 en 1980. Elle survola cette planète à 22.000 km du sommet des nuages, prenant des photographies rapprochées et découvrant un nouvel anneau. © Ames, Nasa

    Au vu des succès de sa sœur, la trajectoire de Pioneer 11 fut modifiée par la Nasa. Elle survola les pôles de Jupiter (afin d'éviter les électrons tueurs de sa ceinture de radiation autour de l'équateuréquateur) à seulement 42.000 km d'altitude. On découvrit alors pour la première fois ces régions de la géante. Pioneer 11 a examiné de plus près la Grande Tache Rouge de Jupiter, et a collecté des données qui ont permis de calculer la massemasse de la lune CallistoCallisto. Enfin, elle prit son élanélan en direction de SaturneSaturne, qu'elle fut la première à atteindre en 1979.

    Visite des anneaux de Saturne

    La mission originelle prévoyait, non sans risques, d'explorer les anneaux internes de Saturne de plus près. Mais Pioneer 11 fut finalement utilisée pour tester la trajectoire que devait emprunter la sonde Voyager 2Voyager 2 en direction d'UranusUranus et NeptuneNeptune, et se contenta donc des anneaux externes de la planète.

    À l’instar des jeunes aristocrates et amateurs d’art des XVIII<sup>e</sup> et XIX<sup>e</sup><sup> </sup>siècles découvrant l’Europe, les sondes Pioneer 10 et 11, et surtout Voyager 1 et 2 à la fin du XX<sup>e</sup> siècle, ont aussi fait leur Grand Tour… du Système solaire. Seule Pluton n'a pas encore été visitée. © Nasa

    À l’instar des jeunes aristocrates et amateurs d’art des XVIIIe et XIXe siècles découvrant l’Europe, les sondes Pioneer 10 et 11, et surtout Voyager 1 et 2 à la fin du XXe siècle, ont aussi fait leur Grand Tour… du Système solaire. Seule Pluton n'a pas encore été visitée. © Nasa

    Voyager 2 passa à 161.000 km de Saturne en 1981, précédée de Voyager 1 en 1980. Mais avant le succès mémorable des missions Voyager avec Saturne et Jupiter, Pioneer 11 les devança en découvrant un nouvel anneau de Saturne (l'anneau F) et deux nouvelles lunesnouvelles lunes. La sonde cartographia aussi la magnétosphèremagnétosphère de la géante gazeuse, et révéla que Titan était trop froid pour que la vie puisse y exister.

    Pioneer, une bouteille dans l'océan cosmique

    Pioneer 11 n'est plus en communication avec la Terre depuis 1995, mais la sonde a encore fait parler d'elle pendant les années 1990 et surtout au début des années 2000. Sa sœur et elle semblaient expérimenter une force attractive en direction du SoleilSoleil d'origine inconnue, et à une distance suffisamment grande de celui-ci.

    La plaque équipant les sondes Pioneer montre un homme et une femme à l'échelle de la sonde, et la position du Soleil (<em>position of Sun</em>) par rapport à 14 pulsars et au centre de la Galaxie. En haut à gauche, une représentation de la transition hyperfine de l'atome d'hydrogène donne une longueur d'onde de 21 cm, qui peut servir d'unité de mesure. Ainsi, la hauteur de la femme à droite est donnée en numérotation binaire comme étant 8 fois la longueur d'onde de la raie de l'hydrogène (<em>binary equivalent of decimal 8</em>). Les pulsars sont identifiables par leur fréquence de rotation en binaire, exprimée comme un multiple entier de celle de la raie d’hydrogène. En bas, le Système solaire et la planète d'origine de la sonde sont représentés avec les distances relatives des planètes (<em>planets of Solar System and binary relative distances</em>), également en numérotation binaire. © Nasa

    La plaque équipant les sondes Pioneer montre un homme et une femme à l'échelle de la sonde, et la position du Soleil (position of Sun) par rapport à 14 pulsars et au centre de la Galaxie. En haut à gauche, une représentation de la transition hyperfine de l'atome d'hydrogène donne une longueur d'onde de 21 cm, qui peut servir d'unité de mesure. Ainsi, la hauteur de la femme à droite est donnée en numérotation binaire comme étant 8 fois la longueur d'onde de la raie de l'hydrogène (binary equivalent of decimal 8). Les pulsars sont identifiables par leur fréquence de rotation en binaire, exprimée comme un multiple entier de celle de la raie d’hydrogène. En bas, le Système solaire et la planète d'origine de la sonde sont représentés avec les distances relatives des planètes (planets of Solar System and binary relative distances), également en numérotation binaire. © Nasa

    Les spéculations sur l'origine de cette force sont allées bon train, car il pouvait s'agir d'une signature de l'existence d'une nouvelle physiquephysique. L'« anomalie de Pioneer », comme on l'a appelée, a finalement trouvé sa solution avec la prise en compte du flux de photonsphotons généré par les parties chaudes de la sonde.

    À l'heure où l'on découvre de plus en plus d'exoplanètes, où l'on commence à en analyser l'atmosphèreatmosphère et à les prendre directement en photo, nul doute que les passionnés d'exobiologie n'oublient pas l'épopée de Pioneer. Tous se souviennent encore de ses fameuses plaques, quand bien même il ne s'agissait que de très douteuses bouteilles à la mer.