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Le 19 février 2016, Rosetta put être témoin d'une forme d'explosion soudaine à la surface de Tchouri (voir image en Une), laquelle poursuit sa route de plus en plus loin du Soleil. Par une heureuse coïncidence, neuf des instruments de la sonde, alors distante de 35 km du noyau cométaire, étaient tournés dans cette direction.
Fin août, l'Esa l'a confirmé : l'explosion est due à un glissement de terrain, qui a subitement exposé une couche de sol riche en glace, jusque-là protégée. Sous la lumière, elle s'est immédiatement sublimée en vapeur d'eau, qui s'est répandue en hauteur, emportant avec elle de la poussière. Après plusieurs mois à travailler sur les données acquises durant ce laps de temps, les scientifiques ont reconstitué cet évènement inattendu.
Tout a commencé lorsque la région d'Atum reçut ses premiers rayons de soleil de la journée. Pour les chercheurs, il semblerait que les contraintes thermiques aient fragilisé le relief et provoqué par conséquent un glissement de terrain sur le plus grand des deux lobes de la comète. Ensuite, tout s'est emballé : la glace d'eau qui s'est retrouvée à découvert s'est sublimée, entraînant avec elle des nuées de particules.
« En combinant les preuves à partir des images d'Osiris avec la longue durée de la phase d'impact des poussières sur Giada, nous pensons que le cônecône de poussière était très large, a expliqué Eberhard Grün du Max-PlanckPlanck-Institute for Nuclear Physics. En conséquence, nous pensons que l'explosion doit avoir été déclenchée par un glissement de terrain à la surface, plutôt que par un jet plus concentré apportant de la matière fraiche de l'intérieur ».
Un remarquable sursaut d’activité six mois après le périhélie
Au cours des deux heures qui suivirent, les mesures ont indiqué par exemple que le rayonnement ultravioletultraviolet réfléchi par la surface a augmenté d'un facteur 100 et le taux de poussière par un facteur 6 (environ 200 petits projectiles frappèrent l'instrument Giada au lieu de 3 à 10 les autres jours). Côté température, elle s'est accrue de 30 °C dans cette région. Depuis la Terre, il a été observé un changement important dans la densité de la chevelure.
Cette belle observation viendra enrichir le lourd dossier des données récoltées par la sonde européenne depuis août 2014, quand l'engin s'est mis en escorte de la comète. C'est l'heure du bilan puisque la sonde a entamé sa dernière aventure : descendre jusqu'à la surface de Tchouri pour envoyer des images jusqu'à l'ultime minute. Une fin de mission passionnante à suivre sur notre site.
Les images qui composent la séquence ont été prises toutes les 30 mn environ, entre 8 h 40 et 12 h 10 TU, à 35 km de distance. © Esa, Rosetta, MPS for OSIRIS Team MPS, UPD, LAM, IAA, SSO, INTA, UPM, DASP, IDA
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Article initial paru le 16/10/2015 à 17:25
Plusieurs équipes de chercheurs français impliqués dans l'analyse des observations effectuées par les instruments embarqués à bord de la sonde RosettaRosetta nous révèlent l'absence de lien pour certains éléments chimiqueséléments chimiques entre notre Terre et les atmosphèresatmosphères cométaires. Dans le même temps, des chercheurs de l'observatoire de la Côte d'Azur ont montré que l'activité précoce de la comète est due aux fortes variations de température engendrées par les processus d'ombrage de la surface topographique.
Froids et inactifs loin du soleil, les noyaux cométaires glacés se vaporisent à l'approche du Système solaireSystème solaire interne, libérant sous l'effet des radiations solaires, un flux de gazgaz et de poussières. La chevelure et la queue de la comètequeue de la comète ainsi formées, la comacoma, les différencient alors des autres petits corps inactifs du Système solaire : les astéroïdesastéroïdes.
L'instrument Rosina, développé par une équipe internationale sous la coordination de Kathrin Altwegg (université de Berne, Suisse) et embarqué à bord de la sonde Rosetta, analyse ainsi la composition des gaz de la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko alias Tchouri par spectrométrie de massespectrométrie de masse. Cet instrument permet l'analyse élémentaire et isotopique de ces gaz. Les résultats montrent que la glace cométaire est riche en deutérium, avec un rapport Deutérium/HydrogèneHydrogène trois fois supérieur à la valeur des océans terrestres, ce qui interdit une filiation directe entre ce type de comète et l'eau terrestre.
Comparaison entre la carte de variation de température (∆T/∆t)max à la surface de Tchouri, entre août et décembre 2014, et une image du noyau bilobé prise le 2 septembre 2014. © Esa, Rosetta, Navcam, Bob King
Une comète riche en argon
Par ailleurs, l'argonargon, a été détecté pour la première fois dans une atmosphère cométaire, et ce, en grande quantité. Les gaz rares comme celui-ci sont importants en tant que traceurs de l'origine et de l'évolution des atmosphères des planètes internes (VénusVénus, Terre et Mars). Cette mesure d'argon confirme pleinement que les éléments majeurs qui forment l'atmosphère terrestre et les océans (l'eau, le carbonecarbone et l'azoteazote) ne peuvent provenir de comètes de type Tchouri, et auraient été plutôt apportés par des astéroïdes riches en volatils. Cependant, elles suggèrent qu'une fraction importante des gaz rares sont d'origine cométaire.
Rosina a également mesuré en continu la composition de la coma (H2O, CO2CO2, CO, N2...)) et a montré son hétérogénéité chimique. Ces mesures permettent de mieux connaître les conditions de formation de la glace cométaire, dont sa température (autour de 30-40 K).
Fissures dans la région d’Anuket, sur le cou de la comète, à la limite avec la région d’Hapi. Image prise avec la caméra Osiris de Rosetta en janvier 2015. © Esa, Rosetta, MPS for OSIRIS Team MPS, UPD, LAM, IAA, SSO, INTA, UPM, DASP, IDA
Comprendre l’activité au niveau du cou de la comète
L'imageur NavCam a révélé de façon inattendue que l'activité précoce de Tchouri, matérialisée par des jets de gaz et de poussières et encore mal comprise, se produisait principalement dans la zone concaveconcave du cou, entre les deux lobes principaux. Or, cette région est la moins exposée au Soleil et devrait être en moyenne plus froide, et donc moins propice à la sublimationsublimation de la glace que les autres régions de la comète.
Pour comprendre ce paradoxe, les chercheurs de l'Observatoire de la Côte d'Azur ont utilisé un modèle thermophysique prenant en compte la conductivité thermiqueconductivité thermique et la topographie complexe de la comète pour calculer une carte de température de sa surface au cours de ses rotations. Ce modèle leur a permis de mettre en évidence que la région du cou présentait entre août et décembre 2014, les variations de température les plus rapides en réponse au processus d'ombrage par les terrains environnants. Une nouvelle relation de cause à effet est donc mise au jour entre ces variations thermiques de surface et l'activité précoce de la comète.
Il a déjà été observé que des variations rapides de température peuvent induire de la fracturation à la surface des petits corps du Système solaire. Les auteurs proposent dans cet article que le taux d'érosion de la surface de la comète, lié à cette fracturation thermique, soit plus élevé dans le cou qu'ailleurs. Cette fracturation du matériaumatériau de surface permet la pénétration des radiations solaires plus en profondeur. Ceci expliquerait pourquoi la région du cou révèle à l'analyse plus de glace que les autres régions et pourquoi elle est la principale source de gaz de la comète. Plus généralement, ces résultats publiés dans les revues Science et The Astrophysical Journal Letters suggèrent que la fracturation par effet thermique (formation du régoliterégolite) doit être beaucoup plus rapide à la surface des corps sans atmosphère présentant des concavités importantes (formation d'ombre) que ne le prévoit les estimations actuellement disponibles.