Via des simulations, des chercheurs étendent les scénarios de formation de la comète Tchouri. Oui, elle serait née de la collision entre deux noyaux cométaires mais peut-être beaucoup plus récemment qu’on ne le pense.

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    Juillet 2014, quand, après un voyage de plus de 10 ans, Rosetta arrive en vue du corps céleste qu'elle va escorter durant deux années, c'est la stupeur pour les scientifiques et les ingénieurs de la mission : le noyau de la comète 67P/Tchouriumov-Gerasimenko, alias Tchouri, ressemble à un canard pour le bain... C'est un corps bilobé, encore un, à l'instar de quatre autres comètes sur les sept qui ont été espionnées de près par des sondes spatiales.

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    Comment expliquer cette forme ? Est-elle due à l'érosion ? Ou à une collision entre deux comètes ? Après enquête, les chercheurs favorisent l'hypothèse d'une collision en douceur qui se serait produite dans les premiers temps de l'histoire du Système solaire, du fait notamment de sa faible densité et de l'abondance de matériaux volatils.

    Mais ce scénario de collision douce il y a 4,5 milliards d'années n'est pas le seul possible comme le démontre une nouvelle étude publiée dans Nature Astronomy. En effet, contrairement à ce que l'on pourrait penser, la rencontre entre les deux noyaux cométaires a pu se produire plus récemment qu'on ne le pensait. Et en prime, leurs recherches montrent comment la Tchouri d'aujourd'hui a pu se constituer par couches et permettre la formation des gouffres observés par Rosetta.


    Simulations de collisions « catastrophiques » d’objets de différentes tailles conduisant à la formation d’une comète comme Tchouri. © Université Côte d'Azur, Université de Berne

    Comment fabriquer une comète longue ou bilobée ?

    Si la collision à l'origine de Tchouri s'était produite dans la pagaille du Système solaire naissant, il y a 4,5 milliards d'années, comment expliquer que la comète Tchouri (et ses semblables bilobées), toute fragile qu'elle est au niveau du cou, ait pu tenir si longtemps sans être brisée lors de mauvaises rencontres, s'interrogent les chercheurs ?

    Les auteurs de cette étude ont testé de nombreux cas de figure à des vitesses comprises entre 20 et 3.000 mètres par seconde et différents angles via des simulations. Ils ont pu constater que lorsque deux comètes se percutent à des vitesses « typique dans la ceinture de Kuiper » (d'où vient Tchouri) de 1.000 mètres par seconde, il n'y aurait en réalité qu'une petite partie de la matière qui serait pulvérisée. Comme l'illustre la vidéo ci-dessus, « les matériaux riches en éléments volatils peuvent résister et être éjectés à des vitesses relatives suffisamment faibles pour s'attirer et se réaccumuler en formant de nombreux petits corps, qui s'agglutinent à leur tour pour n'en former qu'un seul, explique le CNRS. Un processus qui ne prend que quelques jours, voire quelques heures ! » Les chercheurs ont obtenu de cette façon une variété de comètes plus ou moins allongées et bilobées dont certaines évoquent Tchouri ou Halley.

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    En outre, dans ces conditions, les précieux éléments volatils piégés au sein des premiers noyaux cométaires depuis des milliards d'années, ne sont pas détruits dans le processus. Et même si Tchouri a pu s'assembler dans un passé relativement récent, elle demeure un corps primitif qui conserve la mémoire de la formation du Système solaire. Ouf ! Tant mieux.


    Tchouri : son étrange forme est due à une collision entre deux comètes

    Article de Xavier DemeersmanXavier Demeersman publié le 1er octobre 2015

    Depuis le début de la mission RosettaRosetta, les chercheurs s'interrogent sur la forme bilobée du noyau de Tchouri. Une équipe affirme qu'il est le produit de la collision douce entre deux comètes. Une enquête fructueuse sur les origines de cet astreastre et donc sur l'histoire de notre Système solaire.

    Lorsqu'en juillet 2014, Rosetta arriva en vue de la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko (alias Tchouri), une des premières surprises qui attendait les équipes de la mission fut la découverte d'un noyau bilobé, rapidement comparé à un canard pour le bain... Un surnom qui continue de lui coller à la peau.

    Alors, comment expliquer cette forme inattendue qui intrigue depuis plus d'un an les chercheurs ? Est-ce là l'œuvre de l'érosion qui produisit le rétrécissement de son « cou », entre les deux lobes ? Ou s'agit-il de deux noyaux séparés et collés ensemble, c'est-à-dire d'une binairebinaire par contact ? Des chercheurs emmenés par Matteo Massironi (université de Padoue, Italie) ont mené une enquête de plusieurs mois et viennent d'apporter de solidessolides arguments validant la seconde hypothèse. Leur étude, publiée dans la revue Nature, a été présentée lors du Congrès européen des sciences planétaires (EPSC2015 pour European Planetary Science Congress 2015) qui se déroule à Nantes du 27 septembre au 2 octobre.

    Sur ces images prises avec Osiris de Rosetta, quelques exemples de terrasses et de stratifications continues et parallèles observées à la surface de Tchouri. © Esa, Rosetta, <em>MPS for OSIRIS Team </em>MPS, UPD, LAM, IAA, SSO, INTA, UPM, DASP, IDA, M. Massironi <em>et al. </em>(2015)

    Sur ces images prises avec Osiris de Rosetta, quelques exemples de terrasses et de stratifications continues et parallèles observées à la surface de Tchouri. © Esa, Rosetta, MPS for OSIRIS Team MPS, UPD, LAM, IAA, SSO, INTA, UPM, DASP, IDA, M. Massironi et al. (2015)

    Deux « oignons » séparés à l'origine de la comète

    L'équipe, qui a analysé un grand nombre d'images de la surface de Tchouri prises en haute résolutionrésolution entre le 6 août 2014 et le 17 mars 2015, assure que le noyau est né de la collision douce entre deux petites comètes. Ce sont les couches superposées de matériaumatériau qui ont parlé. Les chercheurs ont en effet pu identifier une centaine de terrassesterrasses et distinguer des stratesstrates parallèles sur des parois de falaises et aussi plusieurs fosses. À partir de leurs observations de ces superpositions de couches, ils ont retracé leur direction pour construire un modèle 3D de la comète jusqu'à de plus grandes profondeurs.

    « Il est clair, d'après les images, que les deux lobes ont une enveloppe extérieure de matière organisée en couches distinctes et nous pensons que cela s'étend sur plusieurs centaines de mètres sous la surface », explique sur le blog de Rosetta, l'auteur principal de ces recherches, membre de l'équipe d'Osiris. C'est un peu comme un oignonoignon, à la différence toutefois, « que nous considérons deux oignons séparés de différentes tailles qui ont grandi indépendamment avant de fusionner ensemble ».

    À gauche : des terrasses (en vert) et des strates parallèles (lignes rouges) ont été identifiées sur le noyau de Tchouri (image du haut : Hathor et Ma’at ; image du bas : région de Seth sur le grand lobe). Au milieu : modélisation 3D de la distribution des terrains (strates, terrasses, etc.) et de leur orientation. On peut observer que leurs répartitions esquissent deux enveloppes séparées. L’échelle indique l’écart angulaire entre le plan et le vecteur de gravité local. À droite : en vert, vecteurs de gravité locale perpendiculaires aux plans des terrasses et des strates. © Esa, Rosetta, <em>MPS for OSIRIS Team </em>MPS, UPD, LAM, IAA, SSO, INTA, UPM, DASP, IDA, M. Massironi <em>et al.</em> (2015)

    À gauche : des terrasses (en vert) et des strates parallèles (lignes rouges) ont été identifiées sur le noyau de Tchouri (image du haut : Hathor et Ma’at ; image du bas : région de Seth sur le grand lobe). Au milieu : modélisation 3D de la distribution des terrains (strates, terrasses, etc.) et de leur orientation. On peut observer que leurs répartitions esquissent deux enveloppes séparées. L’échelle indique l’écart angulaire entre le plan et le vecteur de gravité local. À droite : en vert, vecteurs de gravité locale perpendiculaires aux plans des terrasses et des strates. © Esa, Rosetta, MPS for OSIRIS Team MPS, UPD, LAM, IAA, SSO, INTA, UPM, DASP, IDA, M. Massironi et al. (2015)

    Une collision à faible vitesse

    Il est apparu que les couches superposées dans la région du cou sont inclinées dans des directions opposées. « Cela a été le premier indice que les deux lobes sont indépendants mais, pour en être sûr, nous avons aussi fait attention à la relation entre la gravitégravité locale et l'orientation des dispositifs individuels tout autour de la surface reconstruite de la comète. »

    En effet, de manière générale, les couches sont censées se constituer perpendiculairement au centre de gravité. In fine, après la comparaison entre l'hypothèse d'une formation avec un seul centre de gravité (près du cou) et celle d'une constructionconstruction primordiale de deux corps séparés, c'est la seconde qui se rapproche le plus des observations. Matteo Massironi précise : « Il s'agit sûrement d'une collision à faible vitesse pour que l'ordre des strates soit si bien préservé ».

    Les chercheurs font remarquer que, même si les deux corps se sont constitués indépendamment, leurs grandes similarités structurelles renforcent l'idée que le même processus est à leur origine. « Les stratificationsstratifications ont aussi été observées à la surface d'autres comètes au cours de leurs survolssurvols par de précédentes missions, rappelle Bjorn Davidsson, de l'université Uppsala, en Suède, qui a cosigné l'article. Ce qui suggère qu'elles ont aussi subi une formation semblable. »

    Voici plus d'un an déjà que Tchouri est épiée au fil de sa course autour du SoleilSoleil. La comète commence à livrer ses secrets et, petit à petit, les astronomesastronomes assemblent les pièces du puzzle pour résoudre l'énigme de sa formation. « Rosetta va continuer d'observer la comète pendant une autre année, a déclaré Matt Taylor de l'équipe scientifique, afin d'obtenir le maximum d'informations sur ce corps céleste et sur sa place dans l'histoire de notre Système solaire. » La mission Rosetta, qui doit son nom à la pierre de RosetteRosette, pourrait bien déchiffrer le mystère des comètes...