Des traces de glace d’eau ont été identifiées à la surface de Tchouri, sur des images saisies peu de temps après l’arrivée de Rosetta. Ce n'est pas la première fois mais il y a une surprise : la structure de cette glace est différente de celle observée précédemment dans la région d’Hapi. Celle repérée dans la zone d'Imhotep pourrait être provenir d'une sublimation et ne pas dater de la création du noyau cométaire.

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    Voilà un an et demi déjà que Rosetta escorte le noyau de la comète 67P/Tchouryumov-Gerasimenko alias Tchouri pour l'épier à travers ses instruments le long d'une partie de son périple de six ans et demi autour du Soleil. Par petites touches, différentes équipes de chercheurs qui se penchent sur son anatomieanatomie, sa composition et son comportement pré et post-périhélie s'efforcent ainsi de composer un portrait, le plus détaillé possible, de l'un de ces corps glacés considérés comme de véritables fossilesfossiles de la formation de notre Système solaire. Il faudra certainement plusieurs années, voire une décennie, pour analyser toutes les données que la sonde spatiale collectera jusqu'à la fin de sa mission prévue en septembre prochain.

    Dans une nouvelle étude publiée le 14 janvier 2016 dans Nature, un collectif de chercheurs dirigés par Gianrico Filacchione, de l'institut d'astrophysique et de planétologie (IAPS) de Rome, a enquêté sur la glace d'eau repérée en de rares endroits sur l'astre bilobé. Certes, cette molécule ne manque pas dans la chevelure mais, supposée provenir des couches inférieures à la croûtecroûte de la comète, elle se fait rare en surface, beaucoup plus aride, mais également sombre et sale car riche en petits grains de matièrematière organique. Ceux-ci, cependant, sont parfois mélangés à de petites quantités de glace d'eau, comme l'ont montré les observations menées avec l'instrument Virtis (Visible and Infrared Thermal Imaging Spectrometer)).

    La région baptisée Imhotep, sur le plus grand lobe du noyau de Tchouri, vue ici de profil. Au centre, on peut distinguer le gros rocher Cheops comme posé au milieu d’une plaine relativement lisse. L’image a été prise le 2 janvier 2016 avec la caméra Osiris NAC (<em>Narrow Angle Camera</em>) de Rosetta à 86,8 km de la surface. Depuis décembre 2015, des « images du jour » d’Osiris sont publiées régulièrement. Retrouvez la galerie <a href="https://planetgate.mps.mpg.de:8114/Image_of_the_Day/public/IofD_archive.html" title="OSIRIS Image of the Day Archive" target="_blank">ici</a>. © Esa, Rosetta, <em>MPS for Osiris Team</em>, UPD, LAM, IAA, SSO, INTA, UPM, DASP, IDA

    La région baptisée Imhotep, sur le plus grand lobe du noyau de Tchouri, vue ici de profil. Au centre, on peut distinguer le gros rocher Cheops comme posé au milieu d’une plaine relativement lisse. L’image a été prise le 2 janvier 2016 avec la caméra Osiris NAC (Narrow Angle Camera) de Rosetta à 86,8 km de la surface. Depuis décembre 2015, des « images du jour » d’Osiris sont publiées régulièrement. Retrouvez la galerie ici. © Esa, Rosetta, MPS for Osiris Team, UPD, LAM, IAA, SSO, INTA, UPM, DASP, IDA

    Il y a deux tailles de grains de glace

    Dans les mesures de Virtis effectuées entre septembre et novembre 2014 (quelques semaines après l'arrivée de RosettaRosetta), l'équipe a identifié deux plaques de glace situées dans une région nommée Imhotep (connue entre autres pour ses gros rochers, tel Cheops), sur la partie ventrale du plus gros des deux lobes caractéristiques de Tchouri. Brillant dans le visible, ces taches blanches s'étendent sur plusieurs dizaines de mètres à flanc de falaises ou dans des éboulementséboulements (voir la photo ci-dessous). Selon Virtis, leur température moyenne durant cette période était de - 120 °C.

    Les modélisationsmodélisations de la façon dont les différents grains de glace peuvent être mélangés au sein d'un pixelpixel et les observations du spectromètrespectromètre indiquent qu'il y avait environ 5 % de glace d'eau pure pour chaque pixel de la région échantillonnée, le reste étant principalement constitué de matériaux plus sombres. L'équipe a distingué deux tailles de grains dans les données : plusieurs dizaines de micromètresmicromètres ou environ deux millimètres. Ces derniers sont plus gros que ceux repérés précédemment à Hapi, une région du « cou » de ce noyau cométaire qui, pour certains chercheurs, évoque un jouet-canard pour le bain.

    Pour l'auteur principal de ces investigations, « la variété des populations de grains glacés à la surface de la comète implique différents mécanismes de formation et aussi différentes échelles de temps de formation. »

    Au-dessus : la région d’Imhotep, sur le plus grand des deux lobes du noyau de Tchouri. En dessous à gauche et à droite : détails des reliefs où de l’eau gelée a été observée avec Virtis. Les plaques de glaces sont bien identifiables sur ces images prises dans le visible avec la Navcam de Rosetta les 17 (la plus grande), 20 (en bas à gauche) et 15 septembre 2014 (en bas à droite) entre 28 et 30 km de distance. © Esa, Rosettan, NavCam–CC BY–SA IGO 3.0

    Au-dessus : la région d’Imhotep, sur le plus grand des deux lobes du noyau de Tchouri. En dessous à gauche et à droite : détails des reliefs où de l’eau gelée a été observée avec Virtis. Les plaques de glaces sont bien identifiables sur ces images prises dans le visible avec la Navcam de Rosetta les 17 (la plus grande), 20 (en bas à gauche) et 15 septembre 2014 (en bas à droite) entre 28 et 30 km de distance. © Esa, Rosettan, NavCam–CC BY–SA IGO 3.0

    La glace se formerait de plusieurs manières

    Les processus apparaissent plus complexes à Imhotep qu'à Hapi, où les grains très fins sont associés à une fine pellicule de gelgel nocturnenocturne. De quelques dizaines de micromètres, ils sont communs à l'ensemble des comètes étudiées, y compris Tchouri. Quant à ceux de tailles millimétriques trouvés dans le grand lobe, ils semblent au contraire se former plus lentement et « être rarement exposés par l'érosion ».

    Pour expliquer leur présence, les chercheurs ont pensé à la croissance de cristaux de glace secondaire. Cela peut se produire soit par compactage des grains de glace ou « frittage », soit par sublimationsublimation. Dans ce processus, qui a la faveur de l'équipe après que des tests ont été réalisés en laboratoire, outre qu'une partie de l'eau enfouie dans le sous-sol s'évapore sous l'effet du Soleil, une autre partie (environ 80 %), plus conséquente, n'est pas libérée et se recondenserait dans les couches sous la surface. À cela s'ajoute que le changement de structure de la glace à basse température, transition entre les phases amorpheamorphe et cristalline, apporterait de surcroît un complément d'énergieénergie dans le processus de sublimation.

    Gros plan sur la région montrée à gauche sur l'image précédente (la flèche blanche désigne la même zone), avec, en bas, la carte des températures établie avec le détecteur à infrargouges de Virtis. © Esa, Rosetta, NavCam–CC BY–SA IGO 3.0, Virtis, INAF-IAPS, Rome, Obs. de Paris-Lesia, DLR, G. Filacchione et al (2016)

    Gros plan sur la région montrée à gauche sur l'image précédente (la flèche blanche désigne la même zone), avec, en bas, la carte des températures établie avec le détecteur à infrargouges de Virtis. © Esa, Rosetta, NavCam–CC BY–SA IGO 3.0, Virtis, INAF-IAPS, Rome, Obs. de Paris-Lesia, DLR, G. Filacchione et al (2016)

    Une conséquence de l’activité cométaire et de son évolution

    « L'accroissement des grains de glace peut créer des couches souterraines riches en glace de plusieurs mètres d'épaisseur, susceptibles ensuite d'affecter la structure à grande échelle, la porositéporosité et les propriétés thermiques du noyau » explique Fabrizio Capaccioni qui dirige l'instrument Virtis et a participé à l'étude. Ces fines couches de glace démasquées par endroits seraient en réalité davantage « une conséquence de l'activité cométaire et de son évolution » et pas « nécessairement produites plus tôt dans l'histoire de sa formation ».

    Les enquêtes se poursuivent et à présent, les chercheurs se penchent sur les données recueillies au cours des mois suivants, où assurément le paysage cométaire s'est doucement transformé à mesure que l'astreastre s'est rapproché du Soleil (le périhélie était le 13 août 2015).