Les trous noirs supermassifs grandissent avec les galaxies et il apparaît de plus en plus clairement qu'ils peuvent aider ou empêcher la formation d'un grand nombre d'étoiles dans celles qui les hébergent en leurs cœurs. Un nouvel exemple vient d'être donné en étudiant les traces de ce qui a été l'une des plus grandes éruptions produites par un trou noir supermassif il y a presque 4 milliards d'années.


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    Lorsque l'on pense aux trous noirs, et en particulier à ceux qui sont supermassifs et qui contiennent au moins un million de masses solaires et parfois plus de 10 milliards, on pense à des monstres cosmiques qui dévorent des étoiles ou des courants de matière intergalactiques. Dans les deux cas, il se forme des disques d’accrétion autour des trous noirs géants où la matière en tombant en spirale dans un disque produit des forces de frottement à cause de la viscosité du gaz. La chaleur libérée peut être si importante que le gaz devient un plasma à très haute température et qui rayonne donc copieusement dans le domaine des rayons Xrayons X.

    La matière ne tombe pas sur n'importe quel trou noir, mais sur un trou noir dit de Kerr en rotation. Des processus de magnétohydrodynamique complexes, comme ceux à la surface du SoleilSoleil, se produisent également dans le disque formant un anneau autour du trou noir ou dans la partie plus interne du flux de matière, qui donnent naissance à des jets de particules mais aussi parfois à des instabilités source d'énormes éruptions cousines de celles du Soleil.


    Jean-Pierre Luminet, directeur de recherche au CNRS, et Françoise Combes, professeur au Collège de France, nous parlent des trous noirs, notamment des grands trous noirs supermassifs des galaxies qui sont derrière les quasars et qui impactent l'évolution des galaxies. © Fondation Hugot du Collège de France

    Un trou noir dans une galaxie géante au cœur d'un amas de galaxies

    Une équipe d'astronomesastronomes, parmi lesquels se trouve Françoise Combes, a fait savoir via un article sur arXiv qu'elle avait découvert l’une des éruptions d’un trou noir les plus puissantes jamais enregistrées. Paradoxalement, la force destructrice de cette méga-explosion est devenue une force créative en provoquant indirectement l'effondrementeffondrement de plusieurs nuagesnuages de gaz et de poussières il y a plusieurs milliards d'années, donnant naissance à 19 superamassuperamas d'étoilesétoiles.

    Sur les images obtenues et qui combinent des observations à plusieurs longueurs d'ondelongueurs d'onde, ces superamas sont disposés en forme de « S » qui ressemblent à des perles sur un fil. Ces images montrent l'amas de galaxiegalaxie SDSS J1531+3414 (SDSS J1531 en abrégé) tel qu'il était il y a 3,8 milliards d'années, environ 200 millions d'années après la super-éruption.

    Elle s'est produite autour d'un des trous noirs supermassifstrous noirs supermassifs se trouvant dans deux des galaxies géantes que l'on trouve généralement au cœur des amas et qui en l'occurrence sont observées alors qu'elles sont en collision. Dans le cas présent, plusieurs instruments ont été utilisés, notamment le ChandraChandra X-ray Observatory de la NasaNasa et le Low Frequency Array (Lofar), un radiotélescoperadiotélescope.

    Il s'agit d'une image d'un amas de galaxies appelé SDSS J1531+3414 en rayons X, dans le visible et en radio. La scène globale ressemble à un affichage coloré de lumières comme si elle était vue à travers une fenêtre en verre mouillée. Des points orange flous de différentes tailles sont dispersés sur un fond noir. Ces points orange représentent des galaxies entières. Près du centre de l’image, deux galaxies centrales apparaissent sous forme de points blancs brillants. Des amas d'étoiles, ressemblant à des perles sur un fil dans des tons de bleu électrique s'étendent à travers l'espace à partir des deux galaxies, puis s'enroulent légèrement. Des nuages ​​de lumière bleue, des rayons X, et de lumière radio rose foncé, entourent les deux galaxies. © Rayons X : Nasa/CXC/SAO/O. Omoruyi et coll.; Visible : Nasa/ESA/STScI/G. Tremblay et coll.; Radio : Astron/Lofar ; Traitement d'images : Nasa/CXC/SAO/N. Wolk
    Il s'agit d'une image d'un amas de galaxies appelé SDSS J1531+3414 en rayons X, dans le visible et en radio. La scène globale ressemble à un affichage coloré de lumières comme si elle était vue à travers une fenêtre en verre mouillée. Des points orange flous de différentes tailles sont dispersés sur un fond noir. Ces points orange représentent des galaxies entières. Près du centre de l’image, deux galaxies centrales apparaissent sous forme de points blancs brillants. Des amas d'étoiles, ressemblant à des perles sur un fil dans des tons de bleu électrique s'étendent à travers l'espace à partir des deux galaxies, puis s'enroulent légèrement. Des nuages ​​de lumière bleue, des rayons X, et de lumière radio rose foncé, entourent les deux galaxies. © Rayons X : Nasa/CXC/SAO/O. Omoruyi et coll.; Visible : Nasa/ESA/STScI/G. Tremblay et coll.; Radio : Astron/Lofar ; Traitement d'images : Nasa/CXC/SAO/N. Wolk

    Grant Tremblay, qui a participé  à cette étude, résume la découverte dans un communiqué de la Nasa en ces termes : « Nous avons reconstitué une séquence probable d'événements dans cet amas qui se sont produits sur une vaste gamme de distances et de temps. Tout a commencé avec un trou noir d'une infime fraction d'année-lumièreannée-lumière de diamètre, formant une cavité de près de 500 000 années-lumière de large. Cet événement unique a déclenché la formation de jeunes amas d'étoiles près de 200 millions d'années plus tard, chacun faisant quelques milliers d'années-lumière de diamètre. »

    L'éruption semble avoir été accompagnée de l'émissionémission d'un jet de matière qui a repoussé le gaz environnant autour des deux galaxies centrales, produisant donc une cavité géante dans le milieu intergalactique de l'amas. Lofar montre des ondes radio provenant des restes de particules énergétiques du jet remplissant la cavité géante.

    Pour les astrophysiciensastrophysiciens, en se basant sur les observations de l'Atacama Large Millimeter/submillimeter Array (en abrégé Alma), installé dans le désertdésert d'Atacama dans le nord du Chili, et du télescopetélescope Gemini North sur le mythique Mauna Kea, le volcanvolcan bouclier endormi des États-Unis situé sur l'île d'Hawaï, le gaz chaud chassé par l'éruption du trou noir s'est refroidi ensuite.

    Le nuage bleu s’étend sur des milliers d’années-lumière vers la région située au-dessus des galaxies centrales où un zoom montre les « perles » (<em>beads,</em> en anglais) que sont les 19 superamas d'étoiles nouvellement formées. Le nuage rose foncé, ressemblant un peu à la forme d’une toupie renversée, s’étend bien en dessous des deux galaxies et légèrement vers notre gauche. Ce nuage rose foncé représente les restes d’un puissant jet produit par un trou noir supermassif au sein de l’une des deux galaxies centrales. Dans le coin supérieur droit de l’image, un autre nuage rose foncé est présent. Ce nuage pourrait être la relique d’un contre-jet issu de la même explosion de trou noir. © Rayons X : Nasa/CXC/SAO/O. Omoruyi et coll.; Visible : Nasa/ESA/STScI/G. Tremblay et coll.; Radio : ASTRON/LOFAR ; Traitement d'images : Nasa/CXC/SAO/N. Wolk
    Le nuage bleu s’étend sur des milliers d’années-lumière vers la région située au-dessus des galaxies centrales où un zoom montre les « perles » (beads, en anglais) que sont les 19 superamas d'étoiles nouvellement formées. Le nuage rose foncé, ressemblant un peu à la forme d’une toupie renversée, s’étend bien en dessous des deux galaxies et légèrement vers notre gauche. Ce nuage rose foncé représente les restes d’un puissant jet produit par un trou noir supermassif au sein de l’une des deux galaxies centrales. Dans le coin supérieur droit de l’image, un autre nuage rose foncé est présent. Ce nuage pourrait être la relique d’un contre-jet issu de la même explosion de trou noir. © Rayons X : Nasa/CXC/SAO/O. Omoruyi et coll.; Visible : Nasa/ESA/STScI/G. Tremblay et coll.; Radio : ASTRON/LOFAR ; Traitement d'images : Nasa/CXC/SAO/N. Wolk

    Des superamas d'étoiles créés par des forces de marée et des jets de matière

    Il s'est effondré gravitationnellement plus tard, non pas sous l'effet de la compression d'une onde de choc produite par l'éruption du trou noir mais en raison des forces de marée des deux galaxies. C'est de cette façon qu'ils arrivent à expliquer que les superamas d'étoiles soient rassemblés comme des perles sur un collier en formant un S.

    Dans le même communiqué, Osase Omoruyi, qui a dirigé l'étude au Centre d'astrophysiqueastrophysique | Harvard & Smithsonian (CfA), déclare : « Nous pensons que nos preuves de cette énorme éruption sont solidessolides, mais davantage d'observations avec Chandra et Lofar permettraient de confirmer l'affaire. Nous espérons en savoir plus sur l'origine de la cavité que nous avons déjà détectée et retrouver celle attendue de l'autre côté du trou noir. »


    Les astronomes ont découvert l’une des éruptions d’un trou noir les plus puissantes jamais enregistrées. Cette méga-explosion survenue il y a des milliards d’années pourrait aider à expliquer la formation d’un motif saisissant d’amas d’étoiles autour de deux galaxies massives, ressemblant à des « perles sur un fil ». Cette découverte a été faite dans le système connu sous le nom de SDSS J1531, observé il y a 3,8 milliards d'années. Les chercheurs ont utilisé plusieurs télescopes pour cette étude, notamment le Chandra X-ray Observatory de la Nasa et le Low Frequency Array, ou Lofar, qui est un réseau de radiotélescopes en Europe. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © NASA’s Chandra X-ray Observatory

    En effet, le communiqué explique aussi que Omoruyi et ses collègues ne voient que des ondes radio pour une cavité provenant d'un seul jet, mais on sait bien que les trous noirs produisent généralement non pas un mais deux jets dans des directions opposées. L'équipe a bien observé des émissions radio plus éloignées des galaxies qui pourraient être les restes d'un deuxième jet, mais elles ne sont pas associées à une cavité. Les chercheurs supposent donc que les signaux radio et rayons X de l'autre jet auraient pu s'estomper au point de devenir indétectables.


    Roger Blandford nous parle des trous noirs supermassifs et de leurs jets dans cette vidéo. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Quanta Magazine