Les missions Apollo ont contribué à démontrer que la Lune était pauvre en eau. Il a fallu attendre le XXIe siècle pour que la communauté scientifique en envisage la présence à sa surface. Pourtant, dès 1976, de l’eau avait été trouvée dans les échantillons rapportés par la sonde russe Luna 24. Aucun géochimiste en dehors de l’ex-URSS n’avait pris ce résultat au sérieux.

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    Pendant la seconde moitié du XIXe siècle, les progrès de l'astronomie et de l'astrophysique conduisent les savants de l'époque à douter fortement de la présence d'eau sur la Lune. Il n'y avait aucune trace d'atmosphèreatmosphère pas plus que d'événements météorologiques. En 1892, l'astronomeastronome américain William Henry Pickering avait même mis à profit une occultation de Jupiter par la Lune pour poser une borne sévère sur la présence d'une atmosphère lunaire. Si elle existait, sa pression devait être inférieure à 1/4.000 de celle de la Terre, ce qui impliquait que de l'eau liquide ne devait pas pouvoir exister à la surface de la Lune.

    Mais à partir des années 1950, le prix de Nobel de chimie Harold Urey (célèbre entre autres pour avoir eu comme étudiant Stanley Miller) à qui on doit des travaux importants de cosmochimie sur l'origine du Système solaireSystème solaire, commença à soutenir l'idée qu'il pouvait tout de même y avoir de l'eau sur la Lune, ou pour le moins, qu'elle avait pu exister dans un passé lointain. Ses idées lui semblèrent confortées par les images rapportées par la sonde lunaire américaine Ranger 9 en 1965. On voyait clairement à la surface de la Lune des structures rappelant celle de fleuves et de rivières. Urey était parfaitement conscient que ces structures pouvaient avoir été laissées par l'écoulement de laveslaves, mais il préféra les interpréter dans le sens de ses théories.

    Une vue d'artiste du décollage du module de la sonde Luna 24 rapportant des échantillons lunaires. © NPO Lavochkin

    Une vue d'artiste du décollage du module de la sonde Luna 24 rapportant des échantillons lunaires. © NPO Lavochkin

    Il cessa de les défendre après les résultats des missions Apollo. Les échantillons lunaires rapportés semblaient bien trop pauvres en eau. Certains pouvaient apporter l'eau, c'est le cas de le dire, au moulin des thèses d'Urey mais on pensait qu'ils avaient probablement subi des contaminationscontaminations malgré les précautions prises. Urey est mort en 1981 mais qu'aurait-il pensé s'il avait eu connaissance d'une publication dans une revue de l'URSS ?

    Dans les échantillons de Luna 24 : 0,1 % d'eau 

    En effet, Arlin Crotts, professeur de l'université ColumbiaColumbia de New York, vient de mettre en ligne sur arxiv un article décrivant les analyses effectuées sur les 170 g d'échantillons de sol lunaire rapportés en 1976 par la sonde russe Luna 24. Également appelée Lunik 24, cette mission spatiale inhabitée du programme Luna fut la dernière sonde soviétique à se poser sur notre satellite et à retourner des échantillons de sol lunaire vers la Terre, près de 4 ans après la dernière mission humaine, Apollo 17.

    Luna 24 s'était posée le 18 août 1976 dans la partie sud de la Mare crisium (mer des Crises) située dans le bassin des Crises, au nord-est de Mare Tranquillitatis, dans l'hémisphère nordhémisphère nord de la face visible de la Lune, légèrement au-dessus de l'équateuréquateur lunaire. Le 22 août 1976, des échantillons provenant d'un forage effectué à 2 m de profondeur atterrissaient dans une capsule en Sibérie. Luna 24 fut le dernier objet ayant touché le sol lunaire pendant le XXe siècle.

    Cette fois, toutes les précautions semblaient avoir été correctement prises pour éviter une contamination avec de l'eau terrestre et selon Arlin Crotts : « l'analyse réalisée par l'institut de géochimie et de chimie analytique Vernandsky a montré que l'eau représentait 0,1 % de la massemasse des échantillons. Les scientifiques soviétiques ont annoncé la découverte en 1978 dans le numéro de février de la revue Géochimie. L'article a été traduit en anglais. Cependant, aucune publication scientifique n'a mentionné par la suite les résultats de la mission Luna 24 ». Et il ajoute : « les informations selon lesquelles la dernière sonde lunaire soviétique avait obtenu les preuves de la présence d'eau sur la Lune auraient au moins dû attirer l'attention [des scientifiques occidentaux]. Mais cette nouvelle a été ignorée ».

    Ce n'est que récemment, suite à la mission LCross, que la présence d'eau sur la Lune a été acceptée par toute la communauté scientifique.