Un fragment de la célèbre comète de Halley pourrait être à l'origine de l'important refroidissement climatique qui sévit principalement dans l'hémisphère nord autour de l'an 536, selon une nouvelle étude de carottes de glace de cette période menée par Dallas Abbott. Ses propos ont été recueillis par le site LiveScience après la présentation de ses recherches aux rencontres de l’Union américaine de géophysique.

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    D'après le compte-rendu du site LiveScience d'une étude présentée par Dallas Abbott lors des rencontres 2013 de l'Union américaine de géophysique, ou American Geophysical Union (AGU), qui se sont déroulées entre le 9 et le 13 décembre à San Francisco, l'important refroidissement climatique qui sévit vers l'an 536 de notre ère dans l'hémisphère nordhémisphère nord pourrait avoir été causé par un fragment de la comète de Halley.

    Comme en témoignent les cernes de croissance de plusieurs arbresarbres âgés de plus de 1.500 ans ainsi que les nombreuses chroniques couvrant la période, de l'Europe jusqu'en Extrême-Orient, l'ensemble des populations vivant dans l'hémisphère nord souffrirent de maigres récoltes et de grandes famines occasionnées par des étés anormalement froids conjugués à de longues sécheressessécheresses. Pour les climatologuesclimatologues, il s'agirait du plus important refroidissement climatique de ces deux derniers millénaires, alors responsable d'une baisse de 3 °C de la température moyenne.

    Sur la piste des débris de la comète de Halley

    Les carottes de glace prélevées dans les régions polaires montrent d'importants dépôts de poussières dans les couches de cette période. En suspension dans l'atmosphèreatmosphère, elles auraient ainsi voilé durablement le Soleil et provoqué un enchaînement de désastres climatiques qui frappèrent plusieurs régions dans le monde. D'abord attribuée à un épisode volcanique, leur présence pourrait en réalité avoir une origine extraterrestre de type météoritique, comme le suggèrent de récentes recherches.

    Extrait de la Tapisserie de Bayeux où est représentée la comète de Halley, en haut à droite. Pour les Anglais, elle annonce la mort de leur souverain Harold II, tandis que les Français y voient la victoire aux côtés de Guillaume le Conquérant. On peut lire <em>Isti mirant stella</em>, qui se traduit par « ceux-ci regardent l'étoile avec étonnement ». © Myrabella, Wikimedia Commons, DP

    Extrait de la Tapisserie de Bayeux où est représentée la comète de Halley, en haut à droite. Pour les Anglais, elle annonce la mort de leur souverain Harold II, tandis que les Français y voient la victoire aux côtés de Guillaume le Conquérant. On peut lire Isti mirant stella, qui se traduit par « ceux-ci regardent l'étoile avec étonnement ». © Myrabella, Wikimedia Commons, DP

    Aussi, pour mener leur enquête, Dallas Abbott et son équipe se sont-ils rendus au Groenland pour effectuer de nouveaux prélèvements dans les couches de glace couvrant la période 533-540. Entre autres éléments, l'abondance d'étain qu'ils ont constatée dans les dépôts de poussières leur est apparue comme un signe tangible d'une parenté cométaire. Fait très intéressant, ces accumulations sont concomitantes avec les êta-Aquarides, une petite pluie d'étoiles filantes qui se produit chaque année entre le 19 avril et le 28 mai. Rappelons par ailleurs que cet essaim météoritique, qui a son radiant en direction de la constellationconstellation du Verseau (Aquarius), doit son activité annuelleannuelle aux débris laissés dans le sillage de la comète de Halleycomète de Halley, laquelle nous rend visite tous les 76 ans. Très célèbre, elle a de nombreuses fois marqué l'histoire -- et l'histoire de l'art avec la Tapisserie de Bayeux, les œuvres de GiottoGiotto, etc. -- depuis l'Antiquité et les premiers témoignages consignés.

    Un fragment de la comète de Halley comme possible coupable idéal

    Cependant, même si elles ont pu provoquer un petit refroidissement en 533, les êta-Aquarides ne suffisent pas à expliquer celui de 536, plus intense. Pour Dallas Abbott, « il y a bien eu un petit effet volcanique [indices d'une éruption toutefois insuffisante pour affecter significativement le climatclimat, NDLRNDLR], mais je pense que le principal responsable est quelque chose qui a frappé l'océan ». Pour soutenir cette hypothèse, l'équipe de chercheurs s'appuie sur les fossilesfossiles de phytoplanctonphytoplancton vivant exclusivement sous des latitudeslatitudes plus basses (notamment diatoméesdiatomées et silicoflagellés) qui ont été retrouvés dans les carottes de glacecarottes de glace. Bien sûr, seul un impact dans l'océan peut être capable d'éjecter sur d'aussi grandes distances ces minuscules formes de vie. Pour eux, le coupable idéal ne serait autre qu'un fragment de la grande comète de Halley, car son passage de l'an 530 fut singulièrement lumineux. « Des deux apparitions les plus brillantes de la comète de Halley, l'une d'elles a eu lieu en 530 », rappelle la professeure à l'observatoire terrestre Lamont-Doherty de l'université ColumbiaColumbia. Elle ajoute que « les comètes sont normalement des "boules de neige sale", mais lorsqu'elles se brisent ou dispersent beaucoup de débris, elles perdent leurs couches supérieures couvertes de matériaux sombres, et deviennent plus brillantes ».

    Pour l'instant, nul ne sait où le morceau aurait percuté la Terre, mais pour avoir une idée de sa taille, l'équipe mentionne une précédente étude publiée en 2004, qui l'évaluait alors à environ 600 mètres. Un beau fragment de comète, certes, susceptible aussi d'avoir explosé dans le ciel et dispersé de grandes quantités de poussières à travers le monde, comme cela a été en partie observé lors de la chute mémorable de la météorite de Tcheliabinsk (de taille beaucoup plus modeste).

    Si l'hypothèse se confirme qu'un fragment de la comète de Halley fut à l'origine des grands froids du VIe siècle et a été indirectement responsable de la première peste noire -- appelée aussi pestepeste de Justinien -- qui a touché une Europe affaiblie en 541-542, il est tentant de voir alors, à l'instar de nos ancêtres, les comètes comme des signes de mauvais augure. Toutefois, même si les Anglais qui perdirent la bataille de Hastings en 1066 ont interprété le passage de la comète de Halley comme une annonciation de leur défaite, pour les Français, ce fut bien sûr tout le contraire.