Un groupe de chercheurs a fait une découverte inattendue en cherchant à comprendre ce qui se passait lorsqu'une étoile explose en hypernova tout en s'effondrant en trou noir. Le phénomène s'accompagnerait d'ondes gravitationnelles détectables mais pas selon le scénario initialement imaginé de sorte qu'il constituerait un nouveau genre de source pour ces déformations oscillantes de l'espace-temps.


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    La théorie des ondes électromagnétiques, découverte par James Clerk Maxwell au XIXe siècle, est très claire, il suffit d'un mouvement accéléré d'une charge électrique ponctuelle pour obtenir du rayonnement. Aussi, n'importe quelle distribution de charge, pourvu que ses parties exécutent des mouvements accélérés, rayonnera des ondes électromagnétiques. En terme technique, les physiciensphysiciens disent que l'on est en présence d'un rayonnement de type dipolaire. On peut se faire une idée de ce dont il s'agit en consultant en ligne les fameux cours du prix Nobel de physique Richard Feynman pour débutant.

    Environ 50 ans après la découverte théorique par Maxwell des ondes électromagnétiques, EinsteinEinstein a fait celle des ondes gravitationnellesondes gravitationnelles. Comme la gravitation est nettement plus faible que la force électromagnétique, il faut des masses et des accélérations littéralement astronomiques pour produire des ondes gravitationnelles observables sur Terre avec des détecteurs comme LigoLigo et VirgoVirgo. En l'occurrence, des collisions d'astresastres compacts contenant plusieurs masses solaires et à des vitessesvitesses proches de celles de la lumièrelumière.

    Une « lumière » gravitationnelle

    On sait qu'il existe des étoilesétoiles pulsantes que l'on peut décrire comme des sortes de sphères quasi parfaites qui gonflent et se contractent périodiquement. On pourrait penser naïvement que ce sont des sources d'ondes gravitationnelles car, après tout, comme Schrödinger l’expliquait dans son traité sur la relativité générale, la théorie de l'émissionémission et de l'absorptionabsorption des ondes électromagnétiques et celle des ondes gravitationnelles sont très similaires au point qu'il n'est donc pas absurde de parler de ses dernières comme d'une « lumière » gravitationnelle.

    Toutefois les choses sont plus compliquées en relativité généralerelativité générale car le rayonnement dit de type dipolaire est interdit : il n'y a, toujours dans le langage des physiciens, que le rayonnement quadripolaire qui est possible, c'est-à-dire qu'il faut une distribution de masse avec des mouvements asymétriquesasymétriques. Ainsi, si une étoile explose en supernovaesupernovae de façon presque symétrique, elle n'émettra pas plus de rayonnement qu'une étoile pulsante selon, là aussi, une symétrie sphérique.  

    Le saviez-vous ?

    Il existe plusieurs ouvrages ou cours en ligne sur la théorie de la relativité générale et qui parlent des ondes gravitationnelles. Il y a ainsi le remarquable cours de Coleman sur la relativité générale qui vient d’être édité tout récemment et il n'est pas sans rappeler celui sur la gravitation donné quelques années plus tôt à Caltech par Richard Feynman par certains côtés, tout en étant plus complet. On peut consulter également les cours de deux autres prix Nobel de physique, Gerard 't Hooft et Kip Thorne. L’introduction la plus simple étant sans doute celle de Leonard Susskind qui vient également d’être éditée.

    Mais, comme l'explique un communiqué de l'université Northwestern aux États-Unis, certains physiciens relativistes sont tombés sur une surprise en effectuant des simulations concernant les ondes gravitationnelles que pourraient émettre aussi certains sursauts gamma. Ceux produits par des étoiles qui s'effondrent gravitationnellement et qui font naître un trou noirtrou noir dans leur cœur en effondrementeffondrement, trou noir s'entourant lors du processus d'un disque d'accrétiondisque d'accrétion et générant deux jets de matièrematière transperçant les couches de l'étoiles en cours d'effondrement. Dans ce scénario, on parle d'une hypernova, ou d'une supernova superlumineuse (en anglais SLSN pour superluminous supernova). C'est une explosion qui libère l'énergieénergie de plus de 100 supernovas classiques. On estime qu'une hypernova se produit dans la Voie lactéeVoie lactée seulement une fois tous les 200 millions d'années.

    Dans ce communiqué, Ore Gottlieb, boursier Ciera au Centre d'exploration et de recherche interdisciplinaires en astrophysiqueastrophysique (Ciera) de Northwestern y parle de la découverte effectuée par lui et ses collègues, les professeurs Vicky Kalogera et Alexander Tchekovskoy, les associés postdoctoraux Sharan Banagiri et Jonatan Jacquemin-Ide et l'étudiant diplômé Nick Kaaz.


    Une très belle vue d'artiste de l'explosion d'une hypernova avec la formation d'un trou noir dans l'étoile génitrice. Ces images de synthèse illustrent le modèle d'hypernova, qui doit rendre compte de la majorité des sursauts gamma longs. Avant l'explosion d'une étoile très massive, un trou noir se forme à la place de son cœur en avalant ensuite le reste de l'étoile. Comme il se forme aussi un disque d'accrétion avec des jets de particules, on les voit émerger de la surface de l'étoile et se propager dans le milieu interstellaire en créant une onde de choc. Des émissions de photons gamma s'y produisent alors. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Desy, Science Communication Lab

    Des bulles de plasma chaudes et turbulentes

    Il commence par expliquer que « les jets et les supernovae sont des explosions très énergiques. Mais nous ne pouvons détecter les ondes gravitationnelles qu'à partir d'explosions asymétriques de fréquencefréquence plus élevée. Les supernovae sont plutôt sphériques et symétriques, de sorte que les explosions sphériques ne modifient pas la répartition équilibrée de la masse dans l'étoile pour émettre des ondes gravitationnelles. Les sursautssursauts gamma durent des dizaines de secondes, donc la fréquence est très petite -- inférieure à la bande de fréquencesbande de fréquences à laquelle Ligo est sensible. »

    Toutefois, et c'est là la surprise, les nouvelles simulations d'hypernova ont montré que les coconscocons de matière formés par l'explosion étaient des sources d'ondes gravitationnelles non négligeables.

    Au début, les chercheurs voulaient savoir si oui ou non le disque d'accrétion qui se forme autour du trou noir pouvait émettre des ondes gravitationnelles. Gottlieb déclare à ce propos : « Lorsque j'ai calculé les ondes gravitationnelles à proximité du trou noir, j'ai trouvé une autre source perturbant mes calculs : le cocon. J'ai essayé de l'ignorer. Mais j'ai découvert que c'était impossible. Puis, j'ai réalisé que le cocon était une source intéressante d'ondes gravitationnelles. » C'est le cas notamment parce que, contrairement aux jets des sursauts gamma, les ondes gravitationnelles des cocons doivent se situer dans la bande de fréquences que Ligo et Virgo peuvent détecter.

    Gottlieb explique que, dans le cas des hypernovaehypernovae, « un jet démarre profondément à l'intérieur d'une étoile, puis se fraye un chemin pour s'échapper. C'est comme quand on perce un trou dans un murmur. Le foret en rotation heurte le mur et des débris en sont éjectés. De même que le foret donne de l'énergie aux matériaux, le jet traverse l'étoile y provoquant le réchauffement et l'éjection de la matière de l'étoile qui forme alors les couches chaudes d'un cocon. Les cocons sont des endroits turbulents, où les gazgaz chauds et les débris se mélangent au hasard et se dilatent dans toutes les directions à partir du jet. Au fur et à mesure que la bulle énergétique accélère son expansion à partir du jet, elle perturbe l'espace-tempsespace-temps pour créer des ondes gravitationnelles ».

    Au sujet de l'article exposant cette découverte sur arXiv, Gottlieb ajoute que « [son] étude est un appel pour que la communauté scientifique considère les cocons comme une source d'ondes gravitationnelles. Nous savons également que les cocons émettent un rayonnement électromagnétique, ils pourraient donc être des événements multimessagers. En les étudiant, nous pourrions en savoir plus sur ce qui se passe dans la partie la plus interne des étoiles, les propriétés des jets et leur prévalenceprévalence dans les explosions stellaires ».