Réduire la consommation des avions est une nécessité absolue pour l'industrie aéronautique et une lutte sur tous les fronts. Cela passe notamment par la diminution des différentes traînées qui freinent les appareils. La nature est une source d'inspiration non négligeable.

au sommaire


    <br />Si la traînée d'un avion est révélée par sa consommation de carburant, elle se prévoit également par calcul sur des modèles numériques. &copy; Onera


    Si la traînée d'un avion est révélée par sa consommation de carburant, elle se prévoit également par calcul sur des modèles numériques. © Onera

    Réduire de 50 % la consommation des avions d'ici à 2020 ! Ce n'est pas un ultimatum d'association environnementalistes, mais un des objectifs fixés par un groupement de personnalités ayant pour mission d'élaborer une vision pour les avions civils qui seront produits à cette date (Vision 2020). "Pour parvenir à ce chiffre, ce groupement a estimé l'évolution du transport aérien et évalué les progrès qu'il faudrait réaliser pour que ce trafic se passe bien", précise Joël Reneaux, chercheur au département d'Aérodynamique Appliquée à l'Onera. Les progrès à mener portent aussi bien sur le bruit que sur la pollution ou les réductions de consommation. Et pour diminuer les consommations, le plus efficace est de réduire la traînée des avions qui regroupe l'ensemble des forces résistant à l'avancement de l'appareil.

    Il existe trois types de traînée : les forces de frottement sont les principales, elles représentent environ la moitié de la traînée totale. Plus faible, la traînée induite est liée à la portance, c'est en quelque sorte le prix à payer pour que l'avion vole. Enfin, la traînée d'onde, liée à la compressibilité de l'air et aux ondes de choc, elle est encore moins intense, et aujourd'hui bien maîtrisée. "Chaque type de traînée peut être combattue par des technologies spécifiques", explique Joël Reneaux.

    <br />Les deux bouts d'ailes de droite comportent des dispositifs<br />destinés à réduire la traînée induite &copy; Onera


    Les deux bouts d'ailes de droite comportent des dispositifs
    destinés à réduire la traînée induite © Onera

    A tout seigneur, tout honneur, la traînée de frottement fait l'objet des recherches les plus intensives. L'une des stratégies consiste à diminuer les frottements turbulents en agissant sur la nature de l'écoulement sur l'avion. Ainsi, certaines parois rainurées imitant la peau de requin (animal réputé pour sa bonne pénétration dans l'eau) diminuent ces frottements turbulents. Ce type de revêtement n'est pas nouveau, il existe beaucoup d'essais à ce sujet. La principale difficulté reste la durabilité des matériaux, encore insuffisante. C'est pourquoi l'application à l'aviation civile de ces revêtements a été repoussée. Une autre voie de recherche concerne la nature de la "couche limite", couche d'air visqueuse adhérant à la paroi des avions. Il s'agit de changer l'écoulement de cette couche limite, explique le chercheur. On peut comparer l'écoulement à une fumée de cigarette : au départ, elle monte tout droit, puis on observe des tourbillonstourbillons. Nous voulons conserver l'écoulement régulier le plus longtemps possible. Pour le modifier, on peut aspirer la couche limite pour la stabiliser, mais ce système est complexe. Nous tentons d'inventer des systèmes plus simples, en améliorant l'état de surface des voilures. Certains dispositifs fonctionnent assez bien, mais leur rentabilité dépend du coût du carburant. "Nous devons bien connaître, dès la conception, l'effet des dispositifs que l'on place afin d'en tirer le meilleur bénéfice", précise Joël Reneaux. De plus, si les appareils évitent les décollements de la couche limite en croisière, des progrès restent à faire dans les conditions de vol hors-adaptation et notamment aux basses vitessesvitesses.

    <br />Préparation d'un essai sur une maquette de dérive, pour la réduction de la traînée de frottement A320, dans la grande soufflerie de Modane (S1). Les simulations en soufflerie et les essais en vol sont précieux pour la validation des différentes méthodes de prévision de la traînée.  &copy; Onera


    Préparation d'un essai sur une maquette de dérive, pour la réduction de la traînée de frottement A320, dans la grande soufflerie de Modane (S1). Les simulations en soufflerie et les essais en vol sont précieux pour la validation des différentes méthodes de prévision de la traînée. © Onera

    Les recherches sur la traînée induite, liée à la portance de l'appareil, ne sont pas en reste. Pour diminuer cette traînée, on peut augmenter l'envergure des ailes, mais il existe des limites mécaniques et d'encombrement aéroportuaire : l'envergure d'un avion ne peut pas dépasser 80 mètres. Il est également possible d'ajouter des dispositifs à l'extrémité des appareils, appelés "wingletwinglet", ressemblant à l'extrémité des ailes des rapacesrapaces. Ceux-ci diminuent les tourbillons aux bouts des ailes. "Nous nous inspirons de la nature, même si nous ne la copions pas exactement, car les avions ne volent pas aux mêmes vitesses que les oiseaux." Les Airbus et les Boeing actuels sont équipés de tels systèmes.

    La traînée d'onde enfin, bien que faible, peut être encore réduite par une optimisation des formes ou par l'utilisation de dispositifs de contrôle locaux des ondes de chocs.

    Toutes ces nouvelles technologies bénéficient largement du développement des méthodes numériquesnumériques, favorisant la mise au point de ces dispositifs et de la prévision de leur action avec l'aide des essais en souffleries. Chaque progrès fait boule de neige : la diminution de la traînée entraîne une économie de carburant, donc la réduction de la taille des réservoirs, d'où un allègement favorable à la baisse de consommation, etc. L'objectif de diminution de moitié des consommations n'est peut-être pas si utopique.