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    Pour en savoir plus sur l'incontinence, voici l'interview du docteur François Haab, chirurgien urologue et chef de service à l'hôpital Tenon à Paris, professeur des universités.

    Pour en savoir plus sur l'incontinence. © Angellodeco, Shutterstock
    Pour en savoir plus sur l'incontinence. © Angellodeco, Shutterstock

    Futura-Sciences : Y a-t-il une différence entre les fuites urinaires et l’incontinence urinaire ?

    François Haab : Sur le plan médical, il n'existe pas vraiment de différence. Ce qui subsiste dans l'imaginaire des gens demeure que l'incontinence serait plus grave. Mais les fuites urinaires deviennent gênantes dès lors qu'elles s'aggravent. Le terme d'incontinence est compris par les patients en cas de fuites importantes.

    Le professeur François Haab répond aux questions de Futura-Sciences sur l'incontinence. © François Haab DR
    Le professeur François Haab répond aux questions de Futura-Sciences sur l'incontinence. © François Haab DR

    Y a-t-il des signes avant-coureurs d’un début d’incontinence et quand faut-il s’en inquiéter ?

    François Haab : Il n'y a pas de signes avant-coureurs, l'incontinence s'installe progressivement. Il existe deux mécanismes principaux à la survenue de l'incontinence que sont : les fuites à l'effort quand une personne tousse, éternue ou pratique du sport et l'hyperactivité de la vessievessie qui se caractérise par une envie d'uriner urgente, brutale et soudaine. Dans les deux cas, l'évolution tend vers l'aggravation. Par ailleurs, il faut aller consulter son médecin quand on constate une anomalie. Le praticien adaptera la solution selon la gravité de l'incontinence.

    Existe-t-il une différence entre l’énurésie et le « pipi au lit » ?

    François Haab : Le terme scientifique de ce que l'on nomme le « pipi au lit » est justement l'énurésieénurésie. Il s'agit d'une mictionmiction qu'une personne n'a pas choisie d'avoir alors que la miction normale est celle qui est décidée. Ces synonymes appartiennent à l'incontinence.

    Peut-on souffrir d’incontinence urinaire et fécale en même temps ?

    François Haab : Oui, l'incontinence peut être double mais les circonstances sont multiples. Parmi les causes possibles on retrouve les malformations congénitalesmalformations congénitales au niveau de la moelle épinière (ce qu'on appelle la spina bifida). Parmi les causes acquises, lors d'un accouchementaccouchement, il peut survenir une fragilisation simultanée des muscles des sphincters urinaire et de l'anusanus et provoquer une double incontinence. Enfin, dans les cas de maladies neurologiques telles que le syndrome de la queue de chevalsyndrome de la queue de cheval due à une hernie discalehernie discale on pourra noter un dysfonctionnement simultané des deux sphincters occasionnant une incontinence double, les sphincters ayant une innervation commune.

    Y a-t-il une différence dans le milieu médical entre incontinence fécale et anale ? Qu’est-ce qui la déclenche ?

    François Haab : Oui, l'incontinence anale relève de la difficulté du contrôle du sphincter tant pour les gaz que pour les matières. L'incontinence fécale est la perte de matière. Il s'agit habituellement d'une incontinence à l'effort et plus rarement par urgence. Cette incontinence peut ne se manifester que lors des épisodes de diarrhéediarrhée avec selles liquides.

    Quelles sont les complications des incontinences urinaire et fécale ?

    François Haab : En premier lieu, la complication majeure se situe sur le plan psychosocialpsychosocial. L'incontinence conduit vers un repli sur soi, une désocialisation. Puis, le patient doit porter des protections locales (de type couches urinaires). Enfin, les incontinences urinaire et fécale favorisent les infections urinairesinfections urinaires. L'incontinence urinaire reste un tabou mais il y a eu des progrès ces derniers temps et elle est perçue de manière de moins en moins grave. La question n'est pas encore réglée mais on avance un peu. De plus, on se rend compte que dans les salles de gymnastique, les coachs aident en ce sens en parlant volontiers du périnéepérinée, ce qui ouvre les mentalités. Toutefois, à propos de l'incontinence anale, elle demeure un tabou qui a la vie dure. On le voit dans les consultations, même les patients qui en sont atteints en parlent peu mais on arrive à surpasser cette discrétion par la manière de dire les choses. Il faut savoir l'aborder sans restriction mais avec un vocabulaire adapté.

    Y a-t-il des sports à éviter ?

    François Haab : Il n'existe pas de sports à éviter mais disons que certains peuvent être source d'épisodes d'incontinence et au final la favoriser. Il peut s'agir de sports impliquant des sauts ou des efforts violents mais attention on en revient à la notion d'excès et c'est dans ce cas particulier que le sport peut s'avérer nocif. Par ailleurs, il faut tenir compte du périnée et apprendre à bien respirer, c'est-à-dire à expirer pendant l'effort car cela évite la compression des nerfsnerfs. Outre le sport, le tabagisme demeure néfaste et la toux chronique qui augmente la poussée nerveuse.

    Où en est la science concernant la guérison ? Peut-on vraiment en guérir ?

    François Haab : La guérisonguérison de l'incontinence urinaire a beaucoup évolué, notamment concernant les traitements médicamenteux de l'hyperactivité de la vessie. Au sujet de l'incontinence de l'effort, la chirurgiechirurgie par bandelettes a fait progresser notablement le traitement. Opération de jour, la patiente peut ressortir le soir même. Il s'agit d'une courte incision dans le vaginvagin et l'intervention est presque indolore. Cette chirurgie règle à 90 % les cas d'incontinence de l'effort, les 10 % restants sont dus à une impasse thérapeutique qui concerne le plus souvent le grand âge. D'autre part, à propos de l'incontinence anale, les progrès ont été menés par le traitement rééducatif au niveau du muscle du périnée. La chirurgie est pour le moment moins efficace que pour l'incontinence urinaire. 

    Quelle est la technique de pointe à l’heure actuelle pour l’incontinence anale ?

    François Haab : La technique la plus récente est le neuromodulateur qui consiste à poser un pacemaker au niveau du sphincter anal et du rectumrectum, les résultats sont encourageants.

    Quels sont les prochains objectifs scientifiques à atteindre quant aux traitements ?

    François Haab : Ils progressent à leur rythme. Il s'agit avant tout de l'émergenceémergence d'une nouvelle classe médicamenteuse qui se trouve actuellement en cours d'évaluation pour un meilleur traitement thérapeutique. D'autre part, pour soigner l'incontinence urinaire, on est en train de mettre au point une thérapie cellulairethérapie cellulaire pour guérir la défaillance du muscle sphinctérien. Mais la prudence est de rigueur car il ne s'agit que d'un essai thérapeutiqueessai thérapeutique dont les résultats sont variables. On ne dispose pas à l'heure actuelle du recul nécessaire pour connaître sa réelle efficacité.

    Avez-vous constaté des changements suite à votre rapport remis en 2007 au ministère de la Santé ?

    François Haab : Oui. Dans les points importants, nous pouvons noter un fort encouragement dans le développement de la formation et de l'éducation des spécialistes et des futurs médecins (l'incontinence fait dorénavant partie du programme de l'examen classant national de fin d'études). En outre, on observe de nouveaux financements dans les programmes cliniques. Grâce au soutien institutionnel, on arrive à vaincre au fur et à mesure les barrières et le tabou de l'incontinence en la mettant au cœur des grandes questions de santé publique.

    Pour en savoir plus :

    • Le Bilan urodynamique, Christopher R Chapple, Elsevier Masson, 2009.
    • Comprendre l'incontinence, Professeur Linda Cardozo et Docteur Toozs-Hobson, coll. Médecine familiale, Éditions Modus Vivendi, mars 2008.
    • Rapport sur le thème de l'incontinence urinaire, Ministère de la Santé et des Solidarités, Dr François Haab, avril 2007.
    • Progrès en urologieurologie, maquette de l'A.F.U., volume 17, numéro 6, novembre 2007.
    • Fecal Incontinence, collectif, Éditions Springer Verlag, juin 2007.
    • Urologie : Incontinence urinaire - Quand quel traitement ?, Tobias Zellweger, Thomas Gasser, 2007.
    • Traitement médical de l'incontinence anale, OlivierOlivier Touchais, 2005.
    • L'Incontinence urinaire chez la femme, Richard Villet et al, Éditions Masson, 2005.
    • Apports de l'échographieéchographie endoanale dans l'exploration de l'incontinence anale, I. Etienney, V. de Parades, P. Atienza, Acta endoscopica, volume 33, numéro 1, 2003.
    • L'Incontinence fécale et urinaire, M.-C. Marty, Médecine et hygiène, janvier 2002.
    • Guide pratique de gynécologiegynécologie, Clara Pélissier-Langbort, Éditions MMI, 2001.
    • Incontinence urinaire de la femme, François Haab, Éditions Estem, 2001.
    • Prevalence of anal incontinence in adults, Denis P et al., Gastroenterol Clin Biol, 1992 ; 16(4): 344-50.

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