L’étude sur les dangers des OGM parue il y a 2 mois fait toujours débat. Après les nombreuses critiques et les réfutations du travail du professeur Séralini par les agences publiques, le biologiste caennais a pu se défendre dans la revue Food & Chemical Toxicology, où avait été publié l’article scientifique.

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    À lire aussi, la réponse de Gilles-Éric Séralini sur sa méthode statistique.

    C'était le 19 septembre dernier. La presse reprenait les résultats d'une étude alarmante qui présentait la consommation du maïs OGM NK603, tolérant au Roundup, comme dangereuse pour la santé, augmentant l'incidence des tumeurs et diminuant l'espérance de vie de rats partiellement nourris avec cette céréalecéréale. Le vieux débat sur l’innocuité des aliments transgéniques était relancé.

    Dans la confidentialitéconfidentialité la plus totale, aucun élément de cet article n'avait fuité avant le jour J. Même la communauté scientifique n'avait pas été tenue informée du contenu de la publication. Seuls les scientifiques ayant évalué la qualité de l'article pour sa publication dans la revue y avaient eu accès. Une fois l'information ébruitée dans la presse, les chercheurs ont pu, en même temps que les citoyens, constater l'étendue du travail.

    Gilles-Éric Séralini, la colère des uns, le soutien des autres

    Aussitôt, de nombreuses voix se sont fait entendre pour contredire les conclusions de l'étude. Futura-Sciences a donné la parole au spécialiste de physiologie végétale Marcel Kuntz, afin d'avoir un avis critique sur la question. D'autres lui ont emboîté le pas. Ensuite, les agences publiques, telles l'Agence européenne de sûreté alimentaire (Efsa), le Haut conseil des biotechnologiesbiotechnologies (HCB) ou l'Agence nationale de sécurité alimentaire (Anses) se sont tous montrés perplexes face au travail de recherche de Gilles-Éric Séralini et de ses collaborateurs.

    Les médias s'en sont moins fait l'écho mais une partie du monde scientifique a affiché son soutien aux chercheurs de l'université de Caen. Les pétitions signées par 27 spécialistes internationaux dans Independent Science News et 140 scientifiques français dans Le Monde montrent que Gilles-Éric Séralini n'est pas tout à fait seul contre le reste de la planète scientifique.

    Face à tous les courriers reçus par l'équipe de scientifiques et par la revue Food & Chemical Toxicology qui a publié l'article de la discorde ainsi qu'une vingtaine de lettres de détracteurs, il a été convenu que les auteurs répondraient aux critiques dans ce même journal pour se défendre. Le texte a été publié vendredi 9 novembre dernier.

    Gilles-Éric Séralini (deuxième en partant de la droite) est entouré par un certain nombre de ses coauteurs (Robin Mesnage, Steeve Gress, Joël Spiroux de Vendômois et Nicolas Defarge). Leur étude a été diffusée dans le monde entier. © Gilles-Éric Séralini

    Gilles-Éric Séralini (deuxième en partant de la droite) est entouré par un certain nombre de ses coauteurs (Robin Mesnage, Steeve Gress, Joël Spiroux de Vendômois et Nicolas Defarge). Leur étude a été diffusée dans le monde entier. © Gilles-Éric Séralini

    Étude sur les OGM : les investisseurs et les conflits d’intérêt

    Les reproches étaient nombreux : militantisme écologique, souche de rat peu pertinente, effectifs trop faibles, défauts dans la méthodologie statistique, surinterprétation des résultats... En tout, Gilles-Éric Séralini et ses sept coauteurs ont répondu à 39 remarques récurrentes (qui ne sont pas toutes débattues ici) qui leur avaient été adressées.

    L'un des premiers arguments qu'ils opposent à leurs contradicteurs concerne leur distance avec le monde de la toxicologie chez les mammifèresmammifères, objet de l'étude. Selon les chiffres avancés par les auteurs, 75 % des critiques émanent de spécialistes de biologie végétale, ceux-là même qui conçoivent les OGM, ou de Monsanto, propriétaire du maïsmaïs NK603 incriminé ainsi que du Roundup, le pesticidepesticide également évalué. Sont-ils les mieux placés pour juger l'étude, se demandent les auteurs de l'étude, qui trouvent les accusations de conflit d'intérêt un peu malvenues.

    En effet, certains partenaires financiers de ce travail sont, de près ou de loin, liés à l'universunivers anti-OGMOGM, comme des marques de la grande distribution qui préfèrent éviter de vendre des aliments transgéniques. Cependant, les auteurs l'affirment, ces généreux donateurs n'ont eu aucun droit de regard sur les résultats. Et Gilles-Éric Séralini et ses collègues se défendent en précisant que pour une étude visant à l'évaluation d'un produit, c'est l'entreprise elle-même qui réalise les tests dans son propre laboratoire, sans que cela soulève le même flot de critiques. Comme ils le rappellent, il n'y avait dans ce travail aucune commercialisation en jeu. Il ne s'agissait que « d'estimer les risques sanitaires de ces produits ».

    Les rats Sprague-Dawley, la souche adaptée ?

    Parmi les autres reproches, les animaux utilisés et leurs effectifs. Les rats ayant servi de cobayes sont de la souche Sprague-Dawley, très sujette aux tumeurs et à quelques autres troubles. Ainsi, rien d'étonnant à montrer aux médias des images de rongeursrongeurs atteints de grosseurs énormes (ce qui leur a valu également de nouvelles critiques). Le maïs OGM n'est pas, quoi qu'il en soit, l'unique responsable.

    Ces photos ont fait le tour des médias. Les rats présentent des tumeurs d'une taille considérable. Mais cette souche Sprague-Dawley est réputée pour sa propension à développer ce genre de grosseur. Ce n'est donc pas aux images qu'il faut se fier. © Gilles-Eric Séralini

    Ces photos ont fait le tour des médias. Les rats présentent des tumeurs d'une taille considérable. Mais cette souche Sprague-Dawley est réputée pour sa propension à développer ce genre de grosseur. Ce n'est donc pas aux images qu'il faut se fier. © Gilles-Eric Séralini

    Cependant, ce modèle animal intègre très souvent les protocoles dprotocoles d'études scientifiques, car sa sensibilité en fait un atout. Une souche résistante à toute épreuve ne permet pas de conclure aussi clairement qu'une autre qui peut devenir malade facilement. C'est donc pour sa propension à déclarer des pathologiespathologies qu'elle a fait l'objet de l'attention des auteurs. Aussi, comme ils l'ajoutent, elle a été utilisée dans l'étude considérée comme la plus pertinente pour juger des effets chroniques du glyphosateglyphosate, mais aussi des effets subchroniques de l'OGM testé. Cette souche de rats, représentative de la sensibilité humaine, serait même recommandée par le National Toxicology Program aux États-Unis pour étudier la cancérogenèsecancérogenèse.

    Gilles-Éric Séralini et collaborateurs précisent que l'objectif était de comparer les différences dans la chronologie, l'âge, le nombre et la sévérité des pathologies entre les différents groupes étudiés. Ils s'attendaient à voir les animaux présenter des tumeurs (ainsi que d'autres pathologies) et mourir, restait à déterminer si le maïs OGM ou le Roundup influaient sur ces paramètres.