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Les allergies, de plus en plus fréquentes, se caractérisent le plus souvent par des manifestations cutanées (urticaire, eczéma, plaques...), des éternuements, des troubles respiratoires ou des œdèmes. La plupart du temps bénignes (mais désagréables), elles peuvent parfois être mortelles. L'épidémie d'allergies pourrait être causée par l'utilisation massive d'antibiotiques. © McFarlandmo, Wikimédia Commons, cc by 2.0
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On parle d'épidémie. Entre les années 1980 et 2000, le nombre de personnes victimes d'allergies a doublé dans les pays développés. Depuis, ce chiffre continue de croître doucement en France ainsi que dans le reste de l'Europe occidentale. Les experts débattent maintenant pour remonter le problème à la source.
Deux grandes théories s'affrontent. La première, la plus ancienne, défend l'idée que c'est l'exposition dans la vie précoce à l'allergène qui engendre l'allergie, et se place plutôt du côté de l'inné dans la grande dichotomie philosophique qui l'oppose à l'acquis. Certaines études montrent des résultats tirant en ce sens, mais elles se trouvent parfois contredites par d'autres travaux, si bien qu'il est impossible de la tenir pour vrai.
L'autre hypothèse est dite hygiéniste. On la doit au Britannique David Stachan, qui remarquait, en 1989, que les plus jeunes des fratries développaient moins de maladies allergiques que leurs aînés. Il en conclut que les petits derniers bénéficiaient des microbesmicrobes attrapés par les plus âgés : une exposition moindre aux pathogènes dans les premières phases de notre vie favoriserait l'apparition d'allergies. Un certain nombre de recherches appuient cette théorie, mais le modèle n'a pas encore pu être validé.
La fameuse Escherichia coli, la bactérie très utilisée dans la recherche biologique, se retrouve dans notre flore intestinale et contribue à notre digestion. Elle et ses consœurs pourraient nous préserver des allergies. Un bel exemple de symbiose ! © Erir Erbe, Agricultural Research Service, Wikipédia, DP
Une flore intestinale défaillante favorise les allergies
Une nouvelle étude vient d'apporter une pierre supplémentaire à cet édifice. Publiée dans Nature Medicine, elle démontre chez la souris l'importance de sa flore intestinale dans le développement des allergies, et l'impact néfaste des antibiotiques.
Des chercheurs de l'université de Pennsylvanie ont administré à leurs rongeursrongeurs différents antibiotiques de manière à diminuer voire à exterminer les bactéries commensales de leurs intestins. L'analyse des résultats montre une population de lymphocyteslymphocytes auxiliaires de type 2 (lymphocytes Th2), cruciaux dans l'apparition des allergies, plus importante que chez les animaux témoins. En conséquence, on constate également un taux élevé d'anticorpsanticorps spécifiques aux maladies allergiques et à l'asthme : les immunoglobulines Eimmunoglobulines E (IgE). Cela active les granulocytesgranulocytes basophilesbasophiles, des cellules du système immunitairesystème immunitaire intervenant dans les réactions inflammatoires des allergies, notamment.
Les investigations ont mis en évidence que le microbionte intestinal contrôlait en réalité les cellules précurseurs des basophiles, retrouvées dans la moelle osseusemoelle osseuse. Sans cette action régulatrice des bactéries, ces cellules de l'allergie se trouvent surexprimées, la sensibilité aux allergènesallergènes augmente.
Une piste pour contrôler l’épidémie de maladies allergiques ?
Frédéric de Blay, allergologueallergologue au CHRU de Strasbourg, ne cache pas son intérêt pour cette découverte. « Pour la première fois, on démontre de manière mécanistique comment la prise d'antibiotiques favoriserait le développement des lymphocytes Th2, au profil allergique » explique le spécialiste à Futura-Sciences.
Ces boules colorisées représentent des pollens grossis environ 500 fois. Ils constituent l'un des allergènes les plus fréquents. © Dartmouth Electron Micrograph Facility, Wikipédia, DP
Cette étude pourrait connaître un véritable retentissement. « Nous, les allergologues, devons faire face à une situation très embêtante puisque les cas de maladies allergiques ne cessent d'augmenter. Des millions d'euros ont été dépensés pour en trouver les raisons, et ce travail nous éclaire davantage sur l'une des causes plausibles. Cependant, à ce niveau de connaissance, nous ne disposons pas encore suffisamment d'éléments pour changer nos pratiques » précise Frédéric de Blay. Il ne reste plus qu'à attendre que toute la lumièrelumière soit faite.
Certes, les précautions sont de rigueur. « Cette expérience a été menée chez la souris et il y a fort à parier que les germesgermes ne sont pas les seuls acteurs qui interviennent, la nature de l'allergène devant également jouer un rôle fondamental, reprend le spécialiste. Mais si des recherches ultérieures poursuivent en ce sens et confirment ces résultats chez l'Homme, cela ouvrirait probablement de nouvelles perspectives sur le plan thérapeutique, nous obligeant par exemple à nous interroger sur l'implication du tube digestiftube digestif. »
La question se pose : ne sommes-nous pas à un tournant dans notre approche de la médecine ? La résistance des microbes aux médicaments s'accroît, au point que l'Organisation mondiale de la santéOrganisation mondiale de la santé s'en inquiète et appelle à de nouvelles pratiques. Les États-Unis viennent de légiférer pour limiter leur utilisation d'antibiotiques dans les élevages, largement employés pour produire des bêtes plus imposantes. Bientôt, devra-t-on aussi les prescrire avec plus de parcimonie pour contenir l'épidémie d'allergies ?