Des bactéries vivant profondément dans une grotte isolée et jamais visitée par l'Homme sont résistantes à plusieurs antibiotiques utilisés couramment en médecine. La découverte pourrait permettre de mieux comprendre les mécanismes qui poussent les pathogènes à supporter les traitements médicamenteux, une résistance qui représente une grande menace pour la santé mondiale.
Les antibiotiques montrent leurs limites. Si depuis l'après-guerre leur utilisation massive a contribué à sauver de nombreuses vies, l'humanité est en passe d'être confrontée aux effets pervers. La sélection naturelle a fait son œuvre et de plus en plus de souches bactériennes survivent à une combinaison d'agents antimicrobiens. Des maladies devenues bénignes pourraient redevenir mortelles si on ne propose pas de nouvelles solutions.
D'où provient la capacité de ces procaryotes à s'adapter aussi bien ? Les mécanismes ne sont pas encore clairs. L'Homme et son usage intensif des médicaments a profondément modifié la nature du microbiote, mais ces êtres vivants étaient-ils déjà prêts à supporter les antibiotiques ? Une nouvelle étude publiée dans Plos One apporte des éléments supplémentaires qui confortent cette hypothèse.
Des bactéries isolées pourtant résistantes aux antibiotiques
Des chercheurs des universités de McMaster (Canada) et d'Akron (États-Unis) sont allés prélever des bactéries dans les recoins les plus profonds de la grotte de Lechuguilla, au Nouveau-Mexique. Découverte en 1986, elle a été aussitôt interdite d'accès, à l'exception de quelques scientifiques agréés. Les êtres qui s'y sont développés sont isolés du reste du monde depuis au moins 4 millions d'années, ce qui signifie qu'ils n'ont jamais été confrontés à l'Homme ni au fruit de ses activités, en particuliers ses antibiotiques.
Pourtant, parmi les 93 souches testées avec 26 agents antimicrobiens d'utilisation courante, toutes étaient résistantes à au moins l'un d'entre eux. La palme revient à trois variétés différentes de Streptomyces spp. tolérant sans en pâtir 14 antibiotiques. Globalement, chaque molécule a toujours été confrontée à une colonie résistante au minimum.
De manière assez surprenante, certaines colonies de bactéries Gram positif ont développé une insensibilité à la daptomycine, un principe actif récemment utilisé en dernier recours face à des infections au streptocoque doré (Staphylococcus aureus) multirésistant. Si cette tolérance a été répertoriée depuis quelques années dans le microbiote ambiant, et de manière encore très parcellaire, on n'imaginait pas la retrouver chez des organismes isolés depuis aussi longtemps.
Ce travail appuie donc l'idée que les bactéries sont intrinsèquement équipées pour lutter contre les molécules censées les combattre. Reste maintenant à mieux comprendre à quel niveau et comment ces organismes parviennent à lutter contre les antibiotiques, de manière à contrer ces mécanismes dans le cas d'infections par des souches contre lesquelles nos médicaments n'ont plus aucun effet.
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