Une souche de bactéries mutantes ayant développé une résistance à presque tous les antibiotiques inquiète au Pakistan. Elle provoque la typhoïde et une épidémie en Asie, dans les régions où l'hygiène et le traitement de l'eau ne sont pas assurés, pourrait se produire.

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    Cela fait des décennies que les médecins s'inquiètent de la résistancerésistance grandissante à certains antibiotiques des bactéries impliquées dans plusieurs maladies pouvant être mortelles. Avec les vaccins et les mesures d'hygiène, les antibiotiques ont contribué à faire reculer la mortalité et les complications causées par ces maladies. Or, nous ne disposons que d'un nombre très restreint de moléculesmolécules actives et l'on peine à en trouver de nouvelles. Le spectrespectre d'un retour en arrière en ce qui concerne les progrès de la médecine au XXe siècle n'est toujours pas exorcisé, même si l'on peut penser que les avancées de l'intelligence artificielleintelligence artificielle dans les décennies à venir pourraient nous aider à résoudre ce problème.

    Toujours est-il que les autorités sanitaires sont de plus en plus préoccupées par ce qui se passe avec la fièvre typhoïde au Pakistan depuis 2016. Rappelons que sans traitement, cette maladie causée par une bactérie du nom de SalmonellaSalmonella typhi est mortelle dans 10 % des cas. Environ 17 millions de personnes en sont encore atteintes chaque année en moyenne dans le monde. La typhoïde se manifeste par une fièvre continue, accompagnée de maux de tête, d'anorexie, d'abattement (« tuphos », torpeur en grec) et de douleursdouleurs abdominales avec diarrhéediarrhée ou constipationconstipation, de une à trois semaines après contaminationcontamination. Il peut alors se produire des hémorragies et des perforations des intestins.


    Bill Gates sur les défis des épidémies. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © TED

    La typhoïde se propage avec les effluents et l'eau non potable

    Celle-ci survient lorsque de la nourriture a été contaminée par des personnes malades de la typhoïde et aussi en buvant de l'eau provenant d'un milieu contaminé. La bactérie étant notamment présente dans les selles et l'urine des personnes infectées, c'est donc surtout dans les zones du monde où les infrastructures et les conditions de vie ne permettent pas un traitement adéquat de l'eau, auxquelles s'ajoute le manque d'hygiène, que les épidémiesépidémies de typhoïde se déclarent. En cause, l'élimination inadéquate des effluents et les inondationsinondations.

    Les pays en développement en Asie, en Afrique ou en Amérique latine sont donc les plus frappés alors que dans les pays industrialisés, la chloration de l'eau notamment et un bon assainissementassainissement ont permis de faire reculer cette maladie dès le début du XXe siècle.

    Au Pakistan donc, les médecins sont confrontés depuis peu à une nouvelle souche de typhoïde résistante à la plupart des antibiotiques, nommée XDR pour « extensively drug resistant », ne peut être traitée qu'avec un antibiotique de dernier recours, l'azithromycine. Il existe bien d'autres options mais elles sont très coûteuses car elles nécessitent notamment des traitements en intraveineuse à l'hôpital, ce qui n'est évidemment pas facile au Pakistan. Or, les experts ne doutent pas que XDR finira par devenir résistante à l'azithromycine.

    On compte cette année près de 2.000 cas dans les six derniers mois, principalement à Hyderabad, à l'est de Karachi. Toujours selon les experts, le risque est grand que XDR se propage dans d'autres pays autour du Pakistan où les conditions d'hygiène sont tout aussi problématiques et une véritable épidémie catastrophique est à craindre. Ce ne sera pas le cas dans les pays industrialisés si la bactérie les atteignait. Les voyageurs peuvent bénéficier d'un vaccin avant de se rendre dans les régions infectées.

    Une campagne de vaccinationvaccination avec un tout nouveau vaccin efficace pour les enfants est en cours au Pakistan, aidée financièrement par la fondation Bill & Melinda Gates. Mais les médecins sont inquiets car la moussonmousson est proche et avec elle les eaux contaminées vont se répandre.


    Résistance aux antibiotiques : vers un scénario apocalyptique ?

    Article de Janlou Chaput publié le 29/01/2013

    Sally Davies, principale conseillère sur les questions de santé au Royaume-Uni, a annoncé devant un parterre de médecins que si rien n'est fait pour contrer la résistance aux antibiotiques, nous nous dirigeons droit vers un scénario catastrophe. Elle compare les conséquences à une attaque terroriste majeure ou à une épidémie meurtrière de grippegrippe.

    Apocalypse : un mot lourd de sens. Pourtant, il est sorti de la bouche de Dame Sally Davies, une experte des questions sanitaires au Royaume-Uni, puisque principale conseillère au sein du département de la Santé, agence gouvernementale sous la direction du ministère de la Santé. Devant un ensemble de médecins réunis lors d'un comité de science et de technologie, elle a décrit ce qui pourrait toucher son pays (et le monde entier) si rien n'est fait pour lutter contre la résistance croissante aux antibiotiques.

    Le problème est quasiment aussi ancien que les traitements antimicrobiens eux-mêmes. La sélection naturelle permet aux bactéries tolérantes de survivre malgré les médicaments et de se reproduire au point de devenir dominantes dans les populations. Pendant longtemps, ce soucisouci n'a inquiété personne, de nouveaux composés étant régulièrement commercialisés.

    Des bactéries résistantes à tous les antibiotiques… ou presque

    Mais ça, c'était avant. Les raisons en sont multiples, mais désormais, les firmes pharmaceutiques engagent davantage de moyens pour traiter les maladies chroniques, celles qui durent plusieurs années voire toute la vie, car elles représentent une manne financière importante. Ainsi, on commence à être à court de nouveautés en ce qui concerne les antibiotiques. Que fera-t-on quand ils ne seront plus du tout efficaces ?

    Les problèmes sont d'ores et déjà concrets. Le staphylocoque doréstaphylocoque doré multirésistant cause actuellement des infections nosocomiales et la tuberculosetuberculose, bien connue pour sa mortalité par le passé, se traite de plus en plus difficilement. La bactérie Klebsiella pneumoniaeKlebsiella pneumoniae, à l'origine de troubles pulmonaires, en est peut-être l'exemple ultime. Face à certaines souches, il n'existe plus qu'un seul traitement efficace, et encore, seulement la moitié du temps...

    La bactérie <em>Klebsiella pneumoniae</em> cause régulièrement des maladies nosocomiales en infectant les poumons ou le tractus urinaire. Elle devient de plus en plus difficile à traiter. © Janice Haney Carr, CDC, DP

    La bactérie Klebsiella pneumoniae cause régulièrement des maladies nosocomiales en infectant les poumons ou le tractus urinaire. Elle devient de plus en plus difficile à traiter. © Janice Haney Carr, CDC, DP

    Un danger comparable à une attaque terroriste

    Face à de tels constats, la Britannique n'hésite pas à employer des mots forts pour réagir. Pour elle, il faudrait inscrire cette menace dans le registre national des urgences civiles, une liste créée en 2008 dans laquelle on note les principales menaces pour la sécurité du pays dans les cinq prochaines années.

    Toujours selon ses déclarations, un tel problème pourrait s'avérer aussi dramatique qu'une attaque terroriste, qu'une épidémie majeure de grippe ou que des inondations phénoménales, comme celles qu'a connues le pays en 1953, dernière fois que l'état d'urgence a été décrété. « Il y a peu de problèmes de santé potentiellement plus importants pour la société que la résistance aux antibiotiques, dit-elle dans The GuardianCela signifie que le risque de développer des maladies qui ne peuvent être traitées augmente, alors que la résistance peut être contrôlée. »

    Dans 20 ans, un patient au cours d'une banale opération pourrait présenter le risque de déclarer une infection dangereuse alors qu'elle serait sans conséquences aujourd'hui. Pour éviter cela, Sally Davies annonce que le département de la Santé prévoit une collaboration avec l'OMSOMS afin de proposer le plus tôt possible des solutions alternatives.

    L’apocalypse… peut-être pour plus tard

    La médecine moderne est peut-être également à revoir, car elle pourrait exacerber le problème, selon Alan Johnson, de l'Health Protection Agency britannique. Certains traitements, comme certains utilisés contre le cancer, affaiblissent le système immunitairesystème immunitaire, rendant les patients plus sensibles aux infections. Les antimicrobiens deviennent donc la thérapiethérapie principale à la moindre maladie bactérienne.

    « Nous devenons de plus en plus dépendants aux antibiotiques dans de nombreux domaines de la médecine, précise-t-il dans les mêmes pages du GuardianSi nous ne trouvons pas de nouveaux antibiotiques pour gérer ce problème, nous allons droit vers de graves déconvenues. »

    Un pessimisme généralisé ? Pas tout à fait. Même si les spécialistes s'inquiètent de ce phénomène de résistance, l'apocalypse n'est pas pour demain. Ces propos alarmistes semblent plutôt avoir vocation à sensibiliser les médecins et la population au problème afin de les pousser à agir raisonnablement. On capte beaucoup mieux l'audience lorsqu'on utilise des mots qui font peur...