L’Organisation mondiale de la santé tente d’alerter le monde entier des dangers de la résistance des pathogènes aux antimicrobiens. Selon sa directrice générale, Margaret Chan, une angine ou une infection consécutive à un genou écorché pourraient même redevenir mortelles. La situation est-elle si mal engagée ?

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    Les antibiomicrobiens ont une gamme d'action plus large que les antibiotiques, qui ne s'attaquent qu'aux bactéries. Ces premiers en revanche peuvent détruire également des champignons, des virus ou des parasites. © Matt Browne, Flickr, cc by nd 2.0

    Les antibiomicrobiens ont une gamme d'action plus large que les antibiotiques, qui ne s'attaquent qu'aux bactéries. Ces premiers en revanche peuvent détruire également des champignons, des virus ou des parasites. © Matt Browne, Flickr, cc by nd 2.0

    Les mots font peur. Mais pour Margaret Chan, directrice générale de l'Organisation mondiale de la santéOrganisation mondiale de la santé (OMS), il faut à tout prix agir. Agir contre la résistancerésistance microbienne aux médicaments, ce qui pourrait nous obliger à nous pousser vers « la fin de la médecine moderne telle que nous la connaissons ».

    Lors d'une conférence donnée à Copenhague face à des experts de l'Union européenne, elle a tenu à rappeler les enjeux de ce fléau. Les antimicrobiens courants deviennent de moins en moins utiles, les thérapies de remplacement sont plus onéreuses et nécessitent des périodes de traitements plus longues pour aboutir à un effet identique.

    Pour insister sur l'urgence de la situation, Margaret Chan prévient que « des événements aussi anodins qu'une infection à streptocoque ou un enfant qui s'égratigne le genou pourraient redevenir mortels », étant donné le vide thérapeutique auquel nous risquons d'être confrontés.

    Margareth Chan est directrice générale de l'OMS depuis 2006. Elle a été réélue à la tête de l'instance sanitaire mondiale pour un second mandat en janvier 2012. © Fabio Pozzebom/ABr, Wikipédia, cc by 3.0

    Margareth Chan est directrice générale de l'OMS depuis 2006. Elle a été réélue à la tête de l'instance sanitaire mondiale pour un second mandat en janvier 2012. © Fabio Pozzebom/ABr, Wikipédia, cc by 3.0

    Du mésusage des antibiotiques

    D'où provient cette résistance ? Il existe trois conditions nécessaires pour expliquer comment des bactéries pourraient de nouveau nous submerger. D'abord, une utilisation inappropriée des antibiotiques. Ils ne sont pas toujours prescrits correctement et utilisés trop fréquemment et trop longtemps. Ainsi, les populations bactériennes deviennent résistantes consécutivement à des mutations. Peu nombreuses, elles deviennent insensibles et prolifèrent malgré le médicament. Elles se sont adaptées aux contraintes environnementales. Si cela concerne les Hommes, il en va de même pour les animaux d'élevage, chez qui on injecte également de nombreux antibiotiques.

    Si l'on conjugue à cela toutes les migrations humaines et la distribution de la nourriture, alors ces pathogènes se répandent sur la surface de toute la planète. Malheureusement, l'industrie pharmaceutique n'investit plus beaucoup dans la mise au point de nouvelles moléculesmolécules antibactériennes, et l'absence de solutions inédites inquiète au plus haut point l'OMS.

    Le staphylocoque doré <em>Staphylococcus aureus</em>, ici vu au microscope électronique à balayage, constitue l'une des menaces de bactéries résistantes les plus importantes, devenant de moins en moins sensible aux antibiotiques. © CDC/Matthew J. Arduino/DRPS, Wikipédia, DP

    Le staphylocoque doré Staphylococcus aureus, ici vu au microscope électronique à balayage, constitue l'une des menaces de bactéries résistantes les plus importantes, devenant de moins en moins sensible aux antibiotiques. © CDC/Matthew J. Arduino/DRPS, Wikipédia, DP

    Bactéries multirésistantes : 650.000 cas de tuberculose

    Pour Margaret Chan, il est temps de passer à « l'ère postantibiotique », car selon elle, la résistance pourrait bien concerner toutes sortes d'infections bactériennes. Elle prend en exemple le cas de la tuberculose et rappelle qu'en 2010, 650.000 nouveaux cas ont été causés par des souches multirésistantes. Même avec les meilleurs soins, seule la moitié des patients survit.

    L'instance sanitaire mondiale appelle donc à une médication plus raisonnée. Par l'intermédiaire d'un livre, intitulé La menace de l'évolution à la résistance antimicrobienne - Des options pour l'action, l'OMS invite aussi les nations du monde à une action plus forte et mieux coordonnée pour « éviter une situation qui nous plongerait de plus en plus vers un fardeau sanitaire et économique ». Il appelle également l'industrie à investir davantage pour mettre au point de nouveaux médicaments ou d'autres solutions pour enrayer le problème.

    Sommes-nous vraiment au bord du gouffregouffre ? À court terme, la situation n'est pas encore si alarmante et les bactéries les plus communes risquent peu de devenir des tueurs en série d'individus sains. Mais à long terme, les épidémies d'autrefois pourraient retrouver de leur vigueur et sans nouvelle thérapie adaptée, qui sait ce qui pourra nous arriver ?