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Cinquante scientifiques français et italiens réunis dans un consortium, une dizaine de laboratoires, cinq années de labeur : c'est un travail énorme qui a dû être mené à bien pour séquencer le génome de la truffe noire du Périgord, Tuber melanosporum de son nom latin. La lecture complète d'une truffe (récupérée en Provence) a été obtenue en 2007 au Genoscope, le Centre national de séquençage, initialement créé pour l'étude du génome humain. Il a ensuite fallu deux années de plus pour extraire de ces données brutes une analyse fonctionnelle détaillée.
Parmi les 125 millions de paires de base du génome de ce champignonchampignon (celui d'Homo sapiensHomo sapiens en contient trois milliards), 58% sont répétées. Les biologistes y ont repéré 7.500 gènes codant pour des protéines, dont 6.000 sont communs avec les autres champignons. Sur les 1.500 restants, les scientifiques s'intéressent particulièrement à ceux que l'on ne trouve que chez cette espèceespèce et qui lui donnent ses caractéristiques organoleptiques, celles qu'apprécient les gastronomes.
Les résultats de ce travail de longue haleine, dirigé par l'Inra (Institut national de la recherche agronomique), viennent d'être publiés dans la revue Nature et seront sans nul doute précieux pour le monde des éleveurs de truffes. On sait depuis des lustres que le goût de ce tuberculetubercule si prisé varient fortement d'un terroir à l'autre et qu'il existe des souches.
Bientôt un certificat d'origine pour les truffes ?
L'Inra et les laboratoires impliqués sont actuellement lancés dans l'étude de milliers de gènes qui constitueraient des marqueurs génétiquesgénétiques, permettant de déterminer l'origine géographique d'une truffe. On pourrait ainsi réaliser des outils de certificationcertification, actuellement inexistants alors qu'ils seraient utiles. Sur le commerce lucratif du diamant noir, la fraude la plus courante consiste en effet à vendre pour de la truffe noire d'autres espèces, moins coûteuses et moins goûteuses, comme la truffe brumale (Tuber brumale) ou de Chine (TT. indicum).
Sur le plan scientifique aussi, l'analyse de l'ADNADN de la truffe noire est une avancée. Ce champignon est dit symbiotique car il vit grâce à une symbiose - collaboration - étroite avec la plante (un arbrearbre) sur laquelle il vit. Les filaments du champignon, le mycélium, s'enchevêtrent avec de minuscules ramifications des racines de l'arbre, formant ce que l'on appelle un mycorhize.
La plupart des plantes, d'ailleurs, forment de tels organes communs avec des champignons symbiotiques et y trouvent de multiples intérêts, qui sont encore l'objet d'études. Le champignon y fabrique des spores emmagasinées dans un sporophore (ou carpophore), partie visible sortant du sol ou souterraine, comme la truffe, laquelle est donc une fructification.
Même si elle est commune, cette collaboration reste mal connue et les biologistes soulignent la complexité et la variété des interactions entre champignons et hôtes, décrites comme un dialogue en langage chimique. Pour les plantes, une telle association est souvent vitale ou au moins précieuse, améliorant la croissance et la résistancerésistance aux maladies ou donnant un avantage face à des concurrents. Ce copinage entre végétaux et champignons (qui ne sont pas des végétaux) date de 200 millions d'années et a pris de multiples de formes. Biologistes et agriculteurs ont encore beaucoup à apprendre de ces symbioses...