Imaginez que toutes les personnes que vous voyez ressemblent à un portrait de Picasso. C’est le curieux symptôme que présente un homme de 59 ans, atteint d’un rare trouble nommé hémi-prosopométamorphopsie.

Un jour, un homme de 59 ans surnommé A.D, remarque soudainement qu'à la télévision tous les visages apparaissent déformés sur leur partie droite. Il se regarde alors dans un miroirmiroir et constate avec stupeur que son propre visage montre la même distorsion : l'œilœil, le neznez et le coin de la bouche à droite semblent « pendre » comme s'ils étaient en train de fondre. Encore plus étrange, cette distorsion ne concerne que les visages vus de face, et reste présente même lorsque le visage est montré à l'envers (la déformation apparaissant alors à gauche). Aucune autre partie du corps ni aucun objet ne sont sujets à une quelconque déformation.

L’hémi-prosopométamorphopsie ou la corruption de notre système de reconnaissance faciale

Cette rare affection, appelée hémi-prosopométamorphopsie (prosopo égale visage), est liée à une lésion dans le splénium, la partie postérieure du corps calleux qui comporte un très grand nombre de fibres qui relient les deux hémisphères du cerveaucerveau. Or, « chaque fois que nous voyons un visage, le cerveau ajuste notre représentation de ce visage afin que sa taille, son point de vue et son orientation correspondent à ceux stockés dans sa mémoire, tout comme les systèmes de reconnaissance faciale par ordinateur tels que ceux utilisés par Facebook et Google », explique Brad Duchaine, professeur de sciences psychologiques et cérébrales au Dartmouth College et coauteur de l'étude de cas, publiée dans la revue Current Biology. Alors que la « base de données » est intacte, ce qui permet au patient de s'apercevoir que le visage est anormal, le cerveau n'arrive plus à faire correspondre le visage avec ceux déjà enregistrés.

L’hémi-prosopométamorphopsie, qui entraîne un dysmorphisme des visages, est liée à un déficit de communication entre les deux hémisphères du cerveau. © Brad Duchaine et al, <em>Current Biology,</em> 2020
L’hémi-prosopométamorphopsie, qui entraîne un dysmorphisme des visages, est liée à un déficit de communication entre les deux hémisphères du cerveau. © Brad Duchaine et al, Current Biology, 2020

Des visages qui se transforment en dragon

La prosopométamorphopsie peut prendre diverses formes. Une patiente dont le cas est décrit dans la revue Neurology raconte ainsi voir les visages déformés « comme ceux d'un monstre », avec l'œil gauche allongé vers l'oreille, tandis que le nez semble être plié vers la joue gauche et la bouche vers le menton. Un autre patient décrit une paupière gauche enflée « comme si elle avait subi une chirurgie esthétique ratée ».

Reconstitution d’un visage d’après la description d’une patiente sud-coréenne de 52 ans. © Chang-Min Lee, <em><a href="https://synapse.koreamed.org/articles/1120337" target="_blank">Dement Neurocognitive Disord</a>,</em> 2015
Reconstitution d’un visage d’après la description d’une patiente sud-coréenne de 52 ans. © Chang-Min Lee, Dement Neurocognitive Disord, 2015

En 2014, The Lancet rapportait le cas d'une femme de 52 ans atteinte d'hallucinationshallucinations visuelles qui voyait les visages se transformer en dragon. « Après plusieurs minutes, les visages deviennent noirs, avec de longues oreilles pointues et un museau saillant, une peau reptiloïde et d'énormes yeux jaune vif, verts, bleus ou rouges », décrivaient les auteurs. Dans ce cas, les médecins ont attribué le trouble à une activité électrophysiologique anormale dans les régions adjacentes du cerveau spécialisée dans la perception des visages et de la couleurcouleur. Un AVCAVC, un infarctus, une tumeurtumeur au cerveau ou encore l'épilepsieépilepsie, la migraine ou les maladies oculairesoculaires sont également susceptibles de provoquer la maladie.

La dyslexie de négligence

Si la prosopométamorphopsie ne répond qu'au stimulus facial, d'autres maladies impliquent des stimuli différents. Certains cas de dyslexiedyslexie par négligence concernent par exemple des cadres de référence centrés sur les mots et le traitement du texte. Les patients « oublient » ou substituent des parties d'un mot (généralement le début ou la fin), que celui-ci soit écrit horizontalement, verticalement ou oblique.