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    Le corailcorail rouge est récolté depuis des millénaires. L'image que l'on a actuellement des populations de corail est donc très faussée par les effets de cette exploitation qui élimine les grandes tailles. Ceci est un phénomène très général, qui touche toutes les espècesespèces marines exploitées qui ont une croissance lente.

     Le corail rouge a toujours été recherché par les Hommes, mais ses stocks diminuent. Ici, dans la réserve marine de Carry-le-Rouet. © J.-G. Harmelin, tous droits réservés, reproduction et utilisation interdites
    Le corail rouge a toujours été recherché par les Hommes, mais ses stocks diminuent. Ici, dans la réserve marine de Carry-le-Rouet. © J.-G. Harmelin, tous droits réservés, reproduction et utilisation interdites

    Le corail rouge, une ressource très particulière

    L'exploitation du corail rouge est souvent du même type que celle d'une mine : on recherche et on découvre un site corallifère, on l'exploite, avec parfois une ruée vers cet or rouge, puis le gisementgisement s'épuise et on abandonne le site. Dans certains cas, on oublie même sa localisation, comme pour les gisements des îles du Cap Vert ou de l'Algarve. (Fig. 13a)

    Figure 13a : barque coralline récoltant du corail avec des croix de saint André. © Reproduction et utilisation interdites
    Figure 13a : barque coralline récoltant du corail avec des croix de saint André. © Reproduction et utilisation interdites

    Toutefois, le corail rouge est une ressource vivante, donc renouvelable... très lentement étant donné son taux de croissance très faible. Une bonne gestion doit tenir compte de cette particularité, donc limiter l'effort de pêcheeffort de pêche (nombre de licences, quotas, taille minimale) et instituer un système de jachère. Il faudrait aussi avoir une bonne évaluation de la ressource disponible, ce qui est très difficile étant donné le mode de vie du corail rouge et sa répartition en taches.

    L'Algérie a ainsi envisagé l'évaluation des stocks présents devant ses côtes selon un programme ambitieux. En Corse, les pêcheurs corailleurs regroupés en une association ont décidé avec l'Administration régionale des affaires maritimes de limiter leur nombre, de ne pas récolter au-dessus de 50 mètres de profondeur et de mettre en place un système de jachères.

    Figure 13 : une croix de saint André en action sous une roche. © Illustration de L. F. Marsigli (1725), reproduction et utilisation interdites
    Figure 13 : une croix de saint André en action sous une roche. © Illustration de L. F. Marsigli (1725), reproduction et utilisation interdites

    Modes de pêche du corail rouge

    On pense que les premières récoltes volontaires de corail ont été faites en plongée libre, là où il n'était pas trop profond. Mais des radasses (ou fauberts), c'est-à-dire de vieux filets accrochés à un poids amarré à un bout manipulé d'une embarcation pour arracher des colonies, ont aussi été utilisées dans l'Antiquité.

    Cet engin de pêche a été ensuite perfectionné en attachant les fauberts à deux poutrespoutres fixées en croix à un gros poids central : c'est la « croix de saint André » ou « ingegno » dont la première description date du Xe siècle par un auteur arabe de Ceuta (fig. 13). D'autres engins, comme le salabre ou la gratte, étaient dotés d'une couronne dentée en fer pour pouvoir arracher des branches de corail dans les cavités. Les croix pouvaient être très grandes, jusqu'à 5 mètres d'envergure, et nécessitaient alors un équipage nombreux pour la manipulation et pour manœuvrer la barque « coralline » à la rame et à voiles.

    La version moderne de l'ingegno est une grosse barre de fer traînant des chaînes avec des fauberts qui est tractée par un chalutier : c'est la « barre italienne ». Les effets de tels engins sont désastreux pour l'habitat du corail : rochers rabotés, cassés, retournés, ou recouverts de vase. De plus, beaucoup de branches cassées restent au fond. La croix est interdite en France et dans la plupart des pays. Les derniers bateaux à l'utiliser en Corse ont abandonné cette pratique après 1983, mais des incursions plus récentes de pêcheurs sardes ont suscité des conflits.

    Figure 14 : corailleur au travail, à Cassis, 16 m. © J.-G. Harmelin, tous droits réservés, reproduction et utilisation interdites
    Figure 14 : corailleur au travail, à Cassis, 16 m. © J.-G. Harmelin, tous droits réservés, reproduction et utilisation interdites

    Le développement de la plongée autonome depuis les années 1950 a changé radicalement la manière d'exploiter le corail rouge en Méditerranée (fig. 14). Les corailleurs plongent seuls à l'air jusqu'à 80 et même 100 mètres de profondeur, et plus bas en utilisant des mélanges gazeux et même des recycleurs à circuit semi-fermé. C'est donc une profession à hauts risques. Les mélanges trimix à base d'hélium réduisent la toxicitétoxicité de l'oxygène sous pression et la narcose, et permettent de travailler au-delà de 100 mètres de profondeur.

    Une plongée typique de corailleur profond est précédée par une recherche d'un site corallifère et son balisage. Ce travail est facilité maintenant par l'utilisation de sondeurs très performants et de GPSGPS. Certains corailleurs utilisent une caméra téléguidée (ROV) pour vérifier la présence de corail avant de plonger. Il y a ensuite une préparation minutieuse du matériel par le corailleur et son marin. Le travail au fond dure environ 20 minutes et la remontée très lente se fait par paliers dont la duréedurée dépasse souvent trois heures en respirant de l'air, puis de l'oxygène dans un narguilé envoyé par le marin. Les derniers paliers, les plus longs, sont souvent effectués sur le bateau dans un caisson de décompression (fig. 15). Mais il faut alors que le corailleur se déséquipe en moins de trois minutes.

    Figure 15 : bateau de corailleur avec deux caissons de décompression, à Tabarka, en Tunisie. © J.-G. Harmelin, tous droits réservés, reproduction et utilisation interdites
    Figure 15 : bateau de corailleur avec deux caissons de décompression, à Tabarka, en Tunisie. © J.-G. Harmelin, tous droits réservés, reproduction et utilisation interdites

    L'exploitation au moyen de sous-marinssous-marins munis de pinces est restée à l'état de projet en Méditerranée à la fois à cause des coûts d'une telle logistique et des dangers de surexploitation. Par rapport à la croix de saint André, la récolte en plongée a le grand avantage de pouvoir être sélective et de ne pas dégrader l'habitat.

    En France, la profession de corailleur est très encadrée. Un corailleur est un inscrit maritime qui doit avoir le certificatcertificat d'aptitude à l'hyperbarie classe II ou III mention B option pêche au corail. Il doit aussi obtenir une dérogation pour pêcher en scaphandre, ce qui est normalement interdit. Il doit remplir un carnet de pêche et être assisté en surface par un marin également certifié hyperbare. Le nombre d'autorisations de pêcher le corail accordé annuellement par les Directions régionales des affaires maritimes est décidé après consultation des représentants de la profession.

    Protection du corail rouge

    Le corail rouge n'est pas une espèce en danger, même si son exploitation tend à éliminer une part importante des stocks. Cette affirmation peut paraître paradoxale, mais s'explique par le fait que le corail rouge devient fertile dès qu'il atteint 2 à 3 centimètres de haut, une taille qui n'a aucune valeur commerciale. Ceci explique pourquoi on continue de voir du corail en abondance sous forme de petites branches à quelques mètres de profondeur dans la région marseillaise, où il est pêché depuis 2.500 ans et qui est très fréquentée par les plongeurs. Toutefois, il faut instituer des sanctuaires permanents sans aucune pression humaine pour que le corail rouge puisse se développer au fil des siècles jusqu'aux tailles maximales que l'espèce est capable d'atteindre. En France, il y a du corail rouge dans les réserves marines de Cerbère-Banyuls, de la Côte Bleue, et de Scandola en Corse. Le corail rouge est inscrit à l'annexe II de la convention de Berneconvention de Berne et à l'annexe III de la convention de Barceloneconvention de Barcelone, ce qui implique que les stocks doivent être gérés.

    Figure 15a : colonies juvéniles (flèches) et leurs parents dans une grotte artificielle de Monaco, 30 m. © J.-G. Harmelin, tous droits réservés, reproduction et utilisation interdites
    Figure 15a : colonies juvéniles (flèches) et leurs parents dans une grotte artificielle de Monaco, 30 m. © J.-G. Harmelin, tous droits réservés, reproduction et utilisation interdites

    Coralliculture

    Le corail rouge étant une denrée précieuse et peu accessible, il était tentant d'envisager sa mise en culture, comme on le fait avec succès avec les perles. C'est ce qu'a tenté l'Association monégasque pour la protection de la nature (AMPN) pour mieux connaître les capacités du corail rouge à croître dans un habitat artificiel. Plusieurs grottes artificielles en bétonbéton et en polyester ont ainsi été immergées en 1989 et 1993 avec des bouturesboutures fixées sur les parois avec du masticmastic. Ces boutures ont survécu et ont produit des colonies juvéniles (fig. 15a) autour d'elles. Mais leur croissance dans ces appartements monégasques n'a pas été plus forte que dans les grottes naturelles.