Je suis biologiste marin et c'est d'abord parce que j'étais passionné par la mer et l'observation de la vie marine que j'ai choisi cette voie.
Une passion qui ne m'a pas quitté au cours de ma carrière de chercheur au CNRS et qui anime encore mes activités de retraité. J'ai eu la chance de naître au bord de la mer et de ne jamais la quitter, en participant au développement de la plongée sous-marine depuis sa phase initiale. Après mes premières découvertes de la vie marine à travers la surface des flaques à marée basse, j'ai du attendre que le matériel de base, masque, tuba et palmes, apparaisse sur le marché pour faire de timides incursions sous-marines au tout début des années 50. Voir sous la mer est devenu maintenant tout à fait banal et des images sous-marines sont largement diffusées par les programmes de télévision. Pour l'adolescent que j'étais, cette vision nouvelle des algues et des poissons qui bougeaient dans les vagues de l'océan marocain me donnait le sentiment fort d'être un explorateur, ce qui a certainement marqué mes orientations ultérieures.
La possibilité de s'affranchir de la surface en utilisant un scaphandre autonome est venue rapidement, dès 1956, et la plongée associée à la photo sous-marine est devenue pour moi une passion, et aussi un outil de connaissance qui m'a accompagné tout au long de ma carrière de chercheur.
Le métier de biologiste marin est très divers et il a aussi beaucoup évolué. J'ai pu le vivre avec une liberté de choix et d'action qui est peu envisageable actuellement et qui a pu s'épanouir dans le terreau fertile de la Station Marine d'Endoume à Marseille grâce à la confiance du Pr J.M. Pérès.
L'image du chercheur plongeur partant faire des expéditions sous-marines peut fasciner les jeunes générations, mais elle ne doit pas faire illusion. J'ai eu l'immense privilège de participer à de telles campagnes, y compris sur ce bateau chargé d'aura qu'était la Calypso. Mais la grande majorité des biologistes marins ou des océanographes n'a pas besoin de mettre les pieds dans l'eau, ni même de quitter le laboratoire, pour recueillir des données. Ceci est encore plus vrai maintenant grâce au développement technologique.
Une grande partie du temps du chercheur, quelle que soit sa spécialité, est consacrée à la rédaction de projets générateurs de crédits, à la justification de leur poursuite, et à la présentation des résultats sous forme de rapports, de communications dans des congrès et de publications dans des revues internationales.
Le travail sur le terrain, en mer, dure bien peu en général par rapport au travail au laboratoire. Une journée de récoltes veut souvent dire des mois de travail pour exploiter le matériel. Ainsi, cela fait plus d'un an que je travaille à l'identification des bryozoaires d'une collection qui n'a demandé que quelques heures de plongées au Liban. Mais chaque fragment de roche prélevé recèle des espèces énigmatiques, probablement passées en Méditerranée par le canal de Suez. L'exploration se fait donc maintenant avec une loupe binoculaire pendant des journées entières ou avec cet outil merveilleux qu'est un microscope électronique à balayage. Et c'est tout aussi passionnant !
Cet attrait pour la découverte de choses nouvelles, initié avec mon premier masque de plongée, j'ai pu l'assouvir dans des travaux de taxonomie, c'est-à-dire identifier les organismes grâce à certains critères et les décrire. Il reste des milliers d'espèces à décrire sous la mer ! Les bryozoaires ont été mon groupe favori et pouvoir associer observations sous-marines et étude au microscope a été d'un grand secours pour comprendre certains problèmes. Les grottes sous-marines, nombreuses autour de Marseille, sont pleines de bryozoaires qui m'ont beaucoup occupé, et à l'entrée des grottes, on trouve du corail rouge, une autre passion !