Lors de son Congrès mondial, l'UICN a publié un « top 100 » des espèces les plus menacées de la planète. On y retrouve notamment le caméléon de Tarzan, le bécasseau à spatule et le paresseux pygmée à trois doigts. Problème : veut-on vraiment les sauver puisqu’ils seraient « sans valeur » ?

au sommaire


    Il resterait moins de 1.000 singes-araignées laineux. Ces animaux sont victimes de la déforestation au Brésil. © Andew Young

    Il resterait moins de 1.000 singes-araignées laineux. Ces animaux sont victimes de la déforestation au Brésil. © Andew Young

    Pour la première fois, plus de 8.000 scientifiques appartenant à la Commission de sauvegardesauvegarde des espèces (CE) de l'UICN se sont rassemblés pour identifier 100 des espèces d'animaux, de plantes et de champignons les plus menacées de la planète. Cependant, les écologistes craignent qu'on ne fera rien pour empêcher leur extinction parce qu'aucune d'elles ne procure des avantages évidents à l'Humanité.

    « De plus en plus, la communauté des donateurs et le mouvementmouvement écologique ont tendance à épouser la thèse de "l'utilité de la nature pour les humains", selon laquelle les espèces et les habitats sauvages sont appréciés et hiérarchisés en fonction des services qu'ils peuvent rendre aux populations, déclare le professeur Jonathan Baillie, directeur de la conservation de la Zoological Society of London (ZSL). De ce fait, il est devenu toujours plus difficile pour les écologistes de protéger les espèces les plus menacées de la planète. Il nous incombe de prendre une décision morale et éthique importante : ces espèces ont-elles le droit de survivre, ou pouvons-nous nous permettre de les laisser aller jusqu'à l'extinction » ?

    Tel est le thème du rapport Priceless or Worthless (littéralement Sans prix ou Sans valeur ?) présenté aujourd'hui au Congrès mondial de la nature de l'UICNUICN, qui se tient actuellement en Corée. Cette publication vise à rehausser l'intérêt accordé à la protection de ces créatures « sans valeur » dans les programmes de conservation établis par l'ensemble des ONG actives dans ce domaine.

    Le caméléon de Tarzan <em>Calumma tarzan</em> fait partie des 100 espèces les plus menacées de la planète. Il vit sur un territoire de 10 km² à Madagascar. © Frank Gaw

    Le caméléon de Tarzan Calumma tarzan fait partie des 100 espèces les plus menacées de la planète. Il vit sur un territoire de 10 km² à Madagascar. © Frank Gaw

    Des extinctions d’espèces pouvant être évitées

    « Toutes les espèces figurant sur la liste sont uniques et irremplaçables. Si elles disparaissent, aucune somme d'argentargent ne les fera renaître, déclare Ellen Butcher de la ZSL, co-auteur du rapport. Cependant, si nous prenons des mesures immédiates, nous pouvons leur donner de bonnes chances de survie. Mais pour cela, nous avons besoin d'une société qui souscrive à la position éthique voulant que toutes les espèces ont le droit inhérent d'exister. »

    Leur déclin a pour l'essentiel été causé par les humains, mais dans presque tous les cas, la communauté scientifique estime que leur extinction peut encore être évitée si on leur consacre des efforts de conservation bien ciblés. Les actions de conservation ont produit des résultats dans le cas de nombreuses espèces, telles que le cheval de Przewalski (Equus ferus) et la baleine à bosse (Megaptera novaeangliaeMegaptera novaeangliae), qui ont été sauvés de l'extinction.

    Ces 100 espèces se trouvant dans 48 pays seront les premières à disparaître complètement si rien n'est fait pour les protéger. Le paresseux pygmée à trois doigts (Bradypus pygmaeus) est au nombre des animaux qui sont voués à un sombre avenir. L'île d'Escudo, à 17 km au large du Panama, est le seul lieu au monde où l'on peut encore trouver ces minuscules paresseux. De moitié plus petits que leurs cousins vivant sur le continent sud-américain, ces animaux ont à peu près le poids d'un bébé nouveau-né. Ils sont les paresseux les plus petits et les plus lents du monde, et ils restent en situation de danger critique.

    De même, le saola (Pseudoryx nghetinhensis) est l'un des mammifères les plus gravement menacés du sud-est de l'Asie. La population de ces antilopes connues sous le nom d'unicorne asiatique ne s'élève probablement plus qu'à quelques dizaines d'individus aujourd'hui. Au Royaume-Uni, une petite région du Pays de GallesGalles est l'unique endroit au monde où l'on trouve encore la galle colorée du saule (Cryptomyces maximus). La population des champignons émetteurs de spores est actuellement en déclin, et il suffirait d'un seul événement catastrophique pour entraîner sa destruction totale.

    Chassé pour ses cornes, le rhinocéros de Sumatra serait en voie d'extinction. Il n'existerait plus que 250 individus adultes. © <em>Save the Rhino International</em>

    Chassé pour ses cornes, le rhinocéros de Sumatra serait en voie d'extinction. Il n'existerait plus que 250 individus adultes. © Save the Rhino International

    Toutes les espèces ont une valeur

    « Si nous considérons que ces espèces n'ont pas de prix, il est temps que la communauté écologique, le gouvernement et l'industrie agissent en conséquence et montrent aux générations de demain que nous attachons de la valeur à toute vie », ajoute le professeur Baillie.

    Bien que la monétisation de la nature demeure une nécessité valable pour les écologistes, il ne faut pas pour autant négliger la grande valeur des espèces qui se trouvent au bord de l'extinction, déclare le rapport.

    « Toutes les espèces ont une valeur pour la nature et, partant, pour les humains, déclare Simon Stuart, président de la Commission de sauvegarde des espèces. Même si la valeur de certaines espèces pourrait ne pas paraître évidente à première vue, toutes les espèces contribuent en fait, à leurs façons respectives, au fonctionnement sain de la planète. »

    Save Our Species (SOS) est un partenariat mondial animé par les principales organisations de la conservation en vue de mobiliser de nouvelles sources de financement pour protéger des espèces menacées, leurs habitats et les populations qui en dépendent. En adhérant à SOS, des gouvernements, des fondations, des entreprises et des particuliers fortunés peuvent unir leurs forces et faire en sorte que les espèces mentionnées dans cet ouvrage puissent prospérer à nouveau.