Les biologistes de la conservation pourraient se tromper lourdement sur l’efficacité des objectifs proposés pour la conservation des espèces en danger, et qui ne sont pas atteints. Ils auraient oublié un zéro dans leurs calculs... Lochran Traill explique cette fâcheuse erreur de comptabilité.

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    La gazelle Dama (Gazella dama) est passer du statut « En danger » en 1996 à  « En danger critique d'extinction » en 2006. © Domaine public

    La gazelle Dama (Gazella dama) est passer du statut « En danger » en 1996 à « En danger critique d'extinction » en 2006. © Domaine public

    Pour déterminer si une espèce est menacée d'extinction, les scientifiques analysent sa biologie (taux de mortalité, duréedurée de vie, âge de maturité sexuelle, taux de reproduction, etc.) et estiment le nombre minimal d'individus pour que la population soit viable sur le long terme. C'est la taille minimale de viabilité des populations (MVP). Au-dessous de ce seuil, une population est incapable de survivre aux aléas environnementaux. Maladies, désordres génétiquesgénétiques ou accidentsaccidents la condamnent à l'extinction.

    Le problème, selon Lochran Traill, de l'Université d'Adelaïde, (Australie), est que les scientifiques sous-estiment gravement cette taille minimale. Le « 50/500 » a la vie dure. Beaucoup de conservateurs pensent encore que 50 adultes suffisent pour éviter les risques de consanguinitéconsanguinité et qu'au-dessus de 500 individus, une population peut s'adapter avec succès aux changements environnementaux.

    Cliquer sur l'image pour l'agrandir. Les probabilités de survie d'une espèce diminuent lorsque que les forces d'extinction (horloge moléculaire, destruction des habitats, chasse...) augmentent. En conséquence, la taille minimale de viabilité de l'espèce est d'autant plus importante que ces forces sont grandes. © Grégoire Macqueron/Futura-Sciences

    Cliquer sur l'image pour l'agrandir. Les probabilités de survie d'une espèce diminuent lorsque que les forces d'extinction (horloge moléculaire, destruction des habitats, chasse...) augmentent. En conséquence, la taille minimale de viabilité de l'espèce est d'autant plus importante que ces forces sont grandes. © Grégoire Macqueron/Futura-Sciences

    Gérer pour échouer ou être à la hauteur de ses ambitions ?

    « Nos recherches suggèrent que la règle des 50/500 est trop faible d'au moins une puissance de dix pour conjurer l'extinction [d'une espèce], explique-t-il. Cela ne veut pas nécessairement impliquer que les populations inférieures à 5.000 sont condamnées. Mais cela met en lumièrelumière le défi des petites populations pour s'adapter à un monde en rapide changement. »

    Les conservateurs qui se battent un peu partout dans le monde devraient donc mettre la barre bien plus haut, d'autant plus que les objectifs de lutte contre l'érosion de la biodiversité ne seront pas atteints en 2010. Et la biodiversité va mal... D'après Traill, « nous ne devons pas nécessairement abandonner les espèces gravement en danger qui n'existent plus qu'en petit nombre dans la nature. Si l'on veut arrêter de "gérer pour échouer", il faut que les décideurs soient plus explicites sur ce qu’ils ambitionnent, sur ce qu'ils sont prêts à dépenser lorsqu'ils attribuent les budgets pour la conservation ».

    « De toute façon, explique Jean-Christophe Vié de l'IUCN, cela vaut toujours le coup d'investir dans la protection des espèces très rares, puisque cela peut avoir un large champ de conséquences positives sur l'ensemble des écosystèmes, même si la survie des espèces est incertaine ». Chaque espèce est importante et la disparition d’une d’entre elles peut avoir des conséquences sur tout un écosystème et sur les activités humaines.