Les transports en commun abritent des dizaines de milliers de virus et bactéries, dont 97 % sont spécifiques à chaque ville. Un microbiome invisible d’une incroyable biodiversité.


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    « Donne-moi tes chaussures et je te dirai à 90 % de la ville dont tu viens », sourit Christopher Mason. Ce chercheur de l'ETH Zürich et ses collègues ont créé la plus vaste base de donnéesbase de données de virus et bactériesbactéries présents dans les transports en commun de 60 villes à travers le monde, dont Marseille, Londres, New York, Sydney ou encore Hong Kong. Ils ont prélevé 4.728 échantillons durant trois années et identifié près de 14.000 espèces de microbesmicrobes. « La plupart des gens pensent que la forêt tropicale est le meilleur endroit pour la biodiversité. Mais notre étude montre qu'un banc de métro peut être tout aussi riche en microbes ! », atteste Christopher Mason.

    80 % de virus inconnus

    Encore plus étonnant : chaque ville dispose de son propre microbiomemicrobiome, qui représente en quelque sorte sa « signature moléculaire », explique Christopher Mason. S'il existe un « cœur » de 31 microbes commun à 97 % des villes, la plupart des espèces sont spécifiques à un seul lieu. Tellement spécifiques que sur ces 14.000 espèces, seulement 4.246 avaient déjà été recensées. Pas moins de 10.928 virus et 748 espèces de bactéries étaient en revanche totalement inconnus, et ne figuraient dans aucune base de données !

    <i>Micrococcus luteus</i>, une bactérie responsable des odeurs corporelles, fait partie d’une des 31 espèces présentes dans presque toutes les villes du monde. © Kateryna_Kon, Adobe Stock
    Micrococcus luteus, une bactérie responsable des odeurs corporelles, fait partie d’une des 31 espèces présentes dans presque toutes les villes du monde. © Kateryna_Kon, Adobe Stock

    N'allez pas croire pour autant que vous courez un grand danger en arpentant les couloirs du métro : la plupart de ces microbes sont sans danger pour l'être humain. « La quasi-totalité des virus sont des bactériophagesbactériophages, c'est-à-dire qu'ils s'attaquent aux bactéries », témoigne dans le New York Times David Danko, l'un des coauteurs de l'article publié dans la revue Cell. « Nous sommes en contact permanent avec tous ces microbes et ils font partie de l'écosystème dans lequel nous vivons », assure le chercheur. Le corps humain abriterait d'ailleurs lui-même près de 38.000 milliards de bactéries dans son intestin, ses cheveux ou sa peau, soit plus que le nombre de cellules humaines !

    Des bactéries pour la plupart humaines

    C'est donc assez logiquement que parmi les microbes présents dans l'airair et sur les surfaces des villes, on retrouve en majorité des bactéries vivant chez l'être humain, et spécialement celles de la peau. Cela inclut par exemple Cutibacterium acnes, qui se nourrit du sébum, ou Micrococcus luteus, responsable des odeurs corporelles. Les chercheurs ont également retrouvé des bactéries vivant dans le sol, et plus surprenant, des bactéries présentes habituellement dans l'océan. La plupart de ces microbes de villes partagent en fait un haut niveau de résistancerésistance. « Un rail de métro en acieracier n'est probablement pas un endroit plaisant pour vivre, mais ces espèces se sont adaptées pour vivre dans ces environnements inhospitaliers », explique Christopher Mason.

    Les chercheurs ont créé une base de données baptisée MetaSUB qui permet de cartographier quels germes sont présents dans chaque ville. © MetaSub
    Les chercheurs ont créé une base de données baptisée MetaSUB qui permet de cartographier quels germes sont présents dans chaque ville. © MetaSub

    Une « signature microbienne » unique à chaque ville

    Les chercheurs ont en revanche plus de mal à expliquer les énormes différences entre les villes. Le climat et la géographie jouent certainement un rôle important, mais cela dépend surtout de la population qui y vit. De précédentes études ont montré que chaque individu possède un microbiome unique, dépendant de l'âge ou de de l'alimentation. La « signature microbienne » d'une ville serait ainsi un mélange dépendant de multiples facteurs, comme la nourriture qu'on y trouve, les usines présentes, la nature du sol aux alentours, ou même les pratiques en matièrematière d'hygiène.

    Ces 14.000 microbes ne sont pourtant qu'un début. Après les métros, les chercheurs ont entrepris de prélever des échantillons dans les hôpitaux, les eaux uséeseaux usées et les espaces publics. « Ce travail va non seulement aider à détecter de futurs agents pathogènespathogènes, mais pourra aussi contribuer à mettre au point de futures moléculesmolécules thérapeutiques », atteste Christopher Mason.