Le phénomène climatique El Nino, réchauffement périodique des eaux de l'océan Pacifique qui affecte les conditions météorologiques, a commencé il y a environ 6.000 ans, selon des recherches menées sur des arêtes de poisson millénaires. Lors de sa dernière apparition en 1997-98, ce phénomène a provoqué des tempêtes, des vagues de chaleur, des inondations, des gels et des sécheresses qui ont causé des milliers de morts.

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    L'étude publiée vendredi dernier par le magazine ''Science'' s'est penchée sur les ordures ménagères des anciens habitants du Pérou, notamment sur les arêtes des poissons-chats qu'ils mangeaient. Elles montrent que les eaux de l'océan dans lesquelles ils évoluaient étaient six à sept degrés plus chaudes qu'aujourd'hui et que leur température variait peu.

    Actuellement, El NinoEl Nino, qui dure environ une année, se produit tous les deux à sept ans. Si le phénomène était intervenu à la même fréquence il y a des milliers d'années, alors les arêtes de poisson auraient reflété ces changements de température, explique C. Fred T. Andrus de l'université de Georgie, l'un des auteurs des recherches. ''Or ce n'est pas ce que nous constatons'', note M. Andrus. ''Nos données renforcent la thèse selon laquelle El Nino a commencé assez récemment, il y a environ 6.000 ans''.

    De précédentes recherches, reposant sur l'analyse d'éléments chimiqueséléments chimiques conservés dans les coquilles de mollusques, étaient parvenues à la même conclusion: El Nino n'existait pas il y a plusieurs milliers d'années. Mais elles n'avaient pas convaincu l'ensemble de la communauté scientifique. M. Andrus souligne que son étude vient étayer cette théorie.

    En temps normal, c'est-à-dire en dehors des années El Nino, les eaux profondes et froides du Pacifique remontent à la surface au large des côtes sud-américaines, transportant des nutrimentsnutriments et rafraîchissant la surface. Le mouvementmouvement vertical d'eau froide est moindre et la surface se réchauffe, ce qui affecte les conditions météorologiques dans toutes les régions du monde. Selon M. Andrus, le climat était beaucoup plus stable il y a 6.000 ans: il ne subissait pas les changements brusques engendrés par El Nino.

    Pour leurs recherches, M. Andrus et ses collègues ont analysé les dépôts d'oxygène-18 dans les otolithesotolithes des poissons-chats qui nageaient au large du Pérou il y a des milliers d'années. Les otolithes, ou ''pierres d'oreilles'', sont des concrétions calcairescalcaires présentes dans la tête de certains poissons. Elles grandissent un peu chaque année, laissant des traces semblables aux anneaux qui permettent de déterminer l'âge des arbresarbres.

    La concentration d'oxygène-18 dans un otolithe reflète directement la température de l'eau dans laquelle le poisson évoluait durant sa croissance: plus l'eau est chaude, plus cette concentration est élevée.

    L'équipe de M. Andrus a capturé des poissons-chats contemporains et montré que leurs ''pierres d'oreilles'' portaient la trace chimique du phénomène El Nino de 1997-1998. Ils ont ensuite analysé 12 otolithes extraits des déchetsdéchets des anciens habitants de la côte péruvienne, amateurs de poissons-chats. La décharge où les arêtes ont été récupérées remonte à 6.200 à 6.400 ans.

    Seulement deux otolithes sur ces 12 suggèrent un réchauffement passager des eaux du Pacifique. Or les poissons-chats ont une espérance de vieespérance de vie de huit ans. Pour M. Andrus, si le phénomène El Nino avait été aussi fréquent à l'époque étudiée que de nos jours, les 12 otolithes auraient dû porter la marque d'un changement thermique.