Les derechos, ces lignes d'orages extrêmement violents, capables de provoquer des intempéries sur une distance de 1 000 kilomètres, se multiplient et s'aggravent en France à cause de l'augmentation de la chaleur humide dans l'air. Une équipe du CNRS vient de livrer ses conclusions sur l'évolution des orages les plus destructeurs connus en France.


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    Les orages restent l'un des phénomènes les plus difficiles à prévoir dans le domaine des prévisions météorologiques. Et s'il n'y a plus aucun doute que le changement climatique aggrave certains phénomènes comme les canicules, l'éventuel impact sur les orages fait encore débat.

    La foudre ne tombe-t-elle vraiment jamais deux fois au même endroit ? La réponse est dans cet épisode de Science ou Fiction. © Futura

    L'un des plus violents orages survenus ces dernières années est celui qui a touché la Corse le 18 août 2022 : une dégradation orageuse exceptionnelle avait provoqué des vents jusqu'à 225 km/h à Marignana, un record absolu. Douze personnes ont perdu la vie, dont cinq en Corse et plus de 100 autres personnes ont été blessées. Il ne s'agissait pas d'un orage isolé, mais d'un derecho étendu sur 800 kilomètres entre la Corse, l'Italie, l'Autriche, la Slovénie et la Tchéquie.    

    Le derecho signifie « tout droit » en espagnol, justement parce qu'il s'agit d'une ligne orageuse qui avance tout droit sur des centaines de kilomètres en quelques heures. Les derechos sont peu fréquents en Europe et se produisent en général à la fin de l'été. À l'image de celui qui a traversé la Corse en 2022, ils sont difficilement prévisibles.

    Le réchauffement climatique et la variabilité naturelle vont mener à davantage d'orages extrêmes

    Une nouvelle étude du CNRS publiée dans Weather and Climate Dynamics menée par le chercheur Lucas Fery s'est penchée sur l'occurrence des derechos en France. Le climatologueclimatologue Davide Faranda, qui a participé à l'étude, a recensé 38 événements de ce type entre 2000 et 2022. « Avec une moyenne de 1,7 événement par an, soit près de cinq événements tous les trois ans. Bien que ces orages touchent presque tout le territoire français, leur fréquence est particulièrement élevée dans le nord-est et l'est du pays, et affecte souvent la Suisse, le Benelux et l'Allemagne », explique le scientifique. 

    La formation d'un derecho dépend fortement de deux paramètres : la chaleurchaleur et l'humidité, deux éléments qui vont continuer à s'accentuer en France avec le réchauffement climatique. Une augmentation de la Cape (Convective Available Potential Energy) a été constatée ces dernières années : il s'agit de l'énergie potentielleénergie potentielle de convectionconvection, soit la quantité de « carburant » disponible pour un orage en développement.

    Image du site Futura Sciences

    À gauche, les trajectoires observées des derechos en France entre 2000 et 2022, et à droite, les zones les plus touchées, en particulier le nord-est avec un à deux phénomènes par an. © Weather and Climate Dynamics

    « Nous avons observé une augmentation de l'instabilité atmosphérique ces dernières années, pouvant intensifier ces tempêtes. Cette tendance est attribuée à deux facteurs principaux : d'une part, l'augmentation de la chaleur et de l'humidité dans les couches inférieures de l'atmosphèreatmosphère, due aux émissionsémissions anthropiques de gaz à effet de serregaz à effet de serre mais également à la variabilité naturelle ; d'autre part, des changements dans les vents, principalement influencés par la variabilité climatique naturelle », précise le chercheur Davide Faranda.

    La variabilité naturelle comprend de grands phénomènes climatiques comme le cycle Enso (El NiñoEl Niño et La NiñaLa Niña) et l'oscillation atlantique multidécennale (AMO, Atlantic multidecadal oscillation). Ces deux phénomènes sont liés à des variations de la température de surface des océans, qui influencent ensuite la météométéo dans la majeure partie du monde. 

    Les auteurs précisent qu'il est difficile de savoir qui, du réchauffement climatiqueréchauffement climatique ou de la variabilité naturelle, joue le plus grand rôle dans l'augmentation de l'énergie disponible pour les violents orages. Mais les prévisions montrent que ce « carburant » pour les orages extrêmes, comme les derechos, n'a fait qu'augmenter ces dernières années.