Les scientifiques pensaient que seuls les humains avaient accès à un apprentissage social avancé. Mais deux études montrent aujourd’hui que d’autres animaux sont capables de se transmettre les clés de problèmes complexes. Nos proches cousins les chimpanzés et, sans doute plus étonnant encore : les bourdons !


au sommaire


    L'histoire se passe au cœur d'un orphelinat pour la faune sauvage en Zambie, le Chimfunshi Wildlife Orphanage. Des chercheurs de l'université d'Utrecht (Pays-Bas) racontent, dans la revue Nature, comment ils ont travaillé avec un groupe de chimpanzés semi-sauvages pour comprendre comment ils apprennent à résoudre des problèmes.

    Suivez les traces de Jane Goodall à la rencontre des chimpanzés, dans cet épisode de Bêtes de Science ! Appuyez sur le bouton Play et laissez-vous porter. © Futura

    Pendant trois mois, ils ont attendu que lesdits chimpanzés trouvent d'eux-mêmes la solution à un jeu. Ils espéraient que les singes comprennent qu'il leur fallait récupérer une boule en bois puis tenir un tiroir ouvert avant d'y insérer la boule et d'enfin le fermer pour libérer une récompense. Mais les chimpanzés ont échoué à cette tâche, il faut bien le reconnaître, plutôt complexe.

    Les chimpanzés apprennent des tâches complexes

    Les chercheurs ont alors adopté une technique différente. Ils ont formé deux singes « démonstrateursdémonstrateurs ». Et en seulement deux mois, 14 chimpanzés « naïfs » ont alors appris à résoudre le problème. Une preuve, selon les scientifiques, que ces singes ont accès à un niveau élevé d'apprentissage social. Puisqu'ils semblent pouvoir partager et acquérir des comportements qui dépassent leurs capacités cognitives individuelles.

    Même si le chimpanzé est considéré comme l'un de nos plus proches cousins, la découverte demeure surprenante. Car les scientifiques envisageaient, jusqu'ici, cette aptitude comme une base de la culture humaine. Une capacité qu'ils nous avaient exclusivement réservée.

    Les bourdons capables d’apprentissages sociaux avancés

    Et l'expérience menée par des chercheurs de l'université Queen Mary de Londres (Royaume-Uni) vient peut-être semer un peu plus le trouble à ce sujet. Toujours dans la revue Nature, ils rapportent les observations qu'ils ont faites sur... des bourdons.

    Les chercheurs ont, eux aussi, placé leurs animaux cobayes face à un problème complexe. Deux tâches à accomplir successivement pour accéder à une gourmandise. Et, comme pour les chimpanzés, la tâche s'est avérée insurmontable pour les bourdons. Sauf... s'ils étaient autorisés, en amont, à observer un bourdon « démonstrateur ». À observation identique, conclusion identique. Pour les chercheurs, les bourdons possèdent, eux aussi, un niveau élevé d'apprentissage social. D'autant plus pour des invertébrés.

    La culture cumulative dans le règne animal

    Ces travaux -- qui doivent tout de même encore être confirmés sur un nombre plus important d'individus -- pourraient finalement aider les chercheurs à comprendre l'émergence même de ce qu'ils appellent la culture cumulative dans le règne animal. Comprenez, la capacité d'accumulation progressive de connaissances et de compétences au fil des générations. Une capacité qui permet le développement de comportements de plus en plus complexes. Et que les scientifiques désignent comme celle qui a permis aux humains d'assoir leur domination sur le monde.

    En parallèle, ces travaux suggèrent également une possibilité fascinante : les réalisations les plus remarquables des insectes sociaux -- comme les architectures de nidification des abeilles ou les habitudes agricoles des fourmisfourmis qui cultivent des puceronspucerons et des champignonschampignons -- pourraient avoir initialement été le fait de quelques individus plus intelligents que les autres, puis s'être propagées par apprentissage avant d'intégrer les répertoires comportementaux spécifiques à l'espèceespèce.