Par Grégoire Macqueron, Futura
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La Journée mondiale des espèces menacées se célèbre tous les ans le 11 mai. L'occasion cette année, de faire un petit point de la situation. Dans la fameuse Liste rouge de l'UICN, sortie en septembre 2016, quatre grands singes - sur six ! - étaient classés dans la catégorie « En danger critique d'extinction ». Chimpanzés et bonobos sont mieux lotis : ils ne sont « qu'en danger »... Dix espèces emblématiques ont ainsi changé de statut, venant s'ajouter à celles que l'UICN avait présentées lors du sommet de Copenhague, en 2009, comme victimes du réchauffement climatique.
Jeune gorille âgé de 6 mois Ce jeune âgé de 6 mois environ est un joli symbole de la vitalité actuelle de la population de gorilles de montagne. Dian Fossey est l’une des premières a les avoir mis en lumière et les efforts continus de conservation depuis son assassinat en 1985 ont permis à la population de passer d’environ 250 à un peu plus de 1000 au dernier recensement (2018). C’est un réel succès et c’est actuellement la seule population de grand singe en augmentation. Même si les défis demeurent nombreux, ils sont le symbole qu’une forte mobilisation, à condition que l’on s’en donne les moyens, peut payer.
Le regard est un vecteur important chez le gorille Comme chez tous les primates la communication non-verbale est primordiale. A ce titre, le regard est un vecteur important. On dit souvent que regarder un gorille dans les yeux est signe de défiance : s’il faut nuancer le propos par le contexte, il demeure vrai que les gorilles évitent les regards trop directs en général mais dans certains moments de tranquillité, la curiosité peut l’emporter et transformer ces échanges visuels avec le visiteur en moments particulièrement intenses.
Notre parenté se révèle un peu au détour d’un instant suspendu Si l’on retient d’abord du gorille son imposante présence, les détails peuvent aussi être source d’émerveillement lorsque l’on prend le temps de s’y attarder. Et notre parenté se révèle un peu plus parfois au détour d’un instant suspendu.
Chimanuka mâle adulte gorille de Grauer « Chimanuka » est un mâle adulte gorille de Grauer. Entre 1996 et 2003 la région du Sud-Kivu en République Démocratique du Congo à connu deux guerres civiles. Hommes et animaux ont payé un lourd tribut durant cette période. Quand la situation a permis la reprise du travail des équipes de suivi des animaux, le constat fut terrible. La presque totalité des groupes de gorilles habitués avait été décimée. Toutefois, dans ce chaos, Chimanuka avait non seulement survécu mais il avait aussi réussi à former une famille.
Gorille dos argenté numéro deux de la hiérarchie Il existe en tout 4 sous-espèces de gorilles, toutes fonctionnant sur le même modèle de plusieurs femelles rassemblées autour d’un mâle dominant. Toutefois le gorille de montagne fait un peu exception puisque c’est le seul cas ou l’on peut trouver plusieurs mâles adultes par groupe. Même s’ils sont généralement apparentés, l’entente demeure parfois difficile et ici ce dos argenté qui est le numéro deux dans la hiérarchie s’est un peu éloigné en périphérie. Cela lui permet de relâcher la pression et offre aussi au groupe une surveillance plus étendue.
Les gorilles de Grauer sont les plus gros primates au monde Les gorilles de Grauer sont les plus gros primates au monde. Ils dépassent sensiblement en taille et poids les gorilles de montagne. Vivant à plus basse altitude leur environnement diffère sensiblement ce qui explique une alimentation un peu plus mixte composée de bambou, végétaux divers mais aussi de fruits en saison.
Gorille de l'est Les gorilles de l’Est sont divisés en deux familles : les célèbres gorilles de montagne (Gorilla beringei beringei) dont la situation s’est stabilisée pour le moment grâce à d’intenses efforts de conservation, et les gorilles de Grauer (Gorilla beringei graueri). La situation de ces derniers est bien plus critique, leurs effectifs ont fondu de 80% en 20 ans et on estime qu’il reste moins de 4000 individus. La principale cause de leur disparition étant liée à l’insécurité et au désordre générés par l’exploitation illégale de mines (terres rares, or…) sur leur aire de répartition.
Femelle gorille perdue dans ses pensées Que peut-il bien se passer dans la tête de cette femelle gorille ? Ces grands singes sont réputés pour être dotés de très grandes capacités cognitives. Comptant parmi les rares espèces à se reconnaître dans le miroir, ils recourent à certaines plantes pour se débarrasser des parasites intestinaux et disposent d’un langage gestuel complexe. Une étude de 2009, menée par Émilie Genty et Richard Byrne (université de St Andrews, Écosse), semble même indiquer qu’il existe 102 gestes universellement utilisés par les différentes espèces de gorilles. © Sébastien Meys
Gorille pensif Ce gros plan n’est pas sans rappeler la plus célèbre des sculptures de Rodin. Ce géant, jugé menaçant et agressif, se révèle en réalité doux et timide. Brassens se trompait lorsqu’il chantait Gare au gorille car nous n'avons pas à nous méfier de lui. C'est plutôt à lui de nous craindre puisqu'il est menacé d’extinction. © Sébastien Meys
Gros plan sur le visage d’un gorille Ce gorille, qui nous regarde presque les yeux dans les yeux, ne peut nous laisser indifférents. Tout simplement parce qu’il fait partie de notre grande famille des anthropoïdes et que ses cellules contiennent plus de 98 % d’ADN en commun avec les nôtres. © Sébastien Meys
Gorille en pleine communication vocale Les gorilles communiquent par le geste mais aussi par la voix. Ils disposent d’un répertoire vocal qui leur permet de dialoguer avec les autres membres du groupe (par exemple pour les avertir d’un danger). Parfois, ils peuvent aussi échanger avec un autre groupe qui rôde à proximité, de manière à l'intimider. Le gorille est connu pour se taper sur le torse. Les scientifiques ont d’abord pensé que ce comportement était réservé au mâle dominant, pour exprimer sa force. Il semble en réalité que tous les membres de la troupe effectuent ce geste qui pourrait être un signe de bienvenue. © Sébastien Meys
Maman gorille tenant son bébé dans les bras Une femelle gorille reste toujours près de son bébé et veille sur lui. Observation intéressante : les adultes adaptent leur langage à celui de leurs petits, tout comme nous le faisons au sein de notre espèce. Ce comportement, démontré chez les gorilles, n’a pas été souvent observé dans le reste du monde animal. © Sébastien Meys
Mâle dominant aussi appelé dos argenté chez les gorilles Un groupe de gorilles est placé sous la protection et la domination d’un mâle dont le pelage du dos prend une teinte gris argenté. D’autres mâles adultes, au dos noir, sont parfois tolérés, mais il leur est interdit de se reproduire, ce privilège étant réservé au chef de tribu. De toute manière, contrairement à l’image véhiculée par des œuvres telles que King Kong, cet animal, symbole de virilité, n’est pas vraiment porté sur la chose... © Sébastien Meys
« Gorilles, portraits intimes » Ce livre, dont sont tirés tous ces clichés, cache encore bien d’autres portraits de gorilles, plus beaux les uns que les autres. Il est signé Florence Perroux, responsable de la conservation et de la pédagogie au zoo de La Palmyre (Charente-Maritime), et Sébastien Meys, photographe animalier spécialisé dans les primates, et plus particulièrement les grands singes. © Sébastien Meys
Article paru le 08/09/2016
Sur les 82.954 espèces, animales et végétales, suivies par l'UICN (Union internationale pour la conservation de la nature), 23.928 sont, en septembre 2016, « menacées d'extinction », selon la terminologie de la fameuse Liste rouge, un suivi réalisé depuis 1964. Soit 29 %. C'est le constat de la dernière édition, parue le 4 septembre 2016.
Comme le montrait une étude de 2015, les grands herbivores terrestres sont en mauvaise posture. Alors que l'UICN tient à Hawaï son congrès mondial 2016, c'est la situation des grands singes qui est désignée comme préoccupante, avec quatre espèces dont les effectifs se sont considérablement réduits.
Gorilla beringei, jusque-là « En danger », est désormais inscrit dans la catégorie « En danger critique d'extinction ». En 20 ans, affirme l'UICN, la population a diminué de plus de 70 %, pour se réduire aujourd'hui à moins de 5.000 individus. Une sous-espèce, le Gorille de Grauer, ou Gorille des plaines orientales (G. b. graueri), ne serait plus représentée que par 3.800 individus (en 2015), contre 16.900 recensés en 1994. C'est la réduction de leurs territoires qui affecte ces grands singes, mais aussi le braconnage. Mieux protégée, le Gorille de montagne, une autre sous-espèce (G. b. beringei), a, elle, vu ses effectifs augmenter mais la population connue n'est que de 880 individus.
Installées à l'ouest de l'Afrique centrale, les populations de Gorille de l'ouest (Gorilla gorilla) sont en décroissance. L'espèce est désormais « au bord de l'extinction », selon l'UICN, et pour les mêmes raisons que le Gorille de l'est. L'Orang-outan de Bornéo et l'Orang-outan de Sumatra le sont également. Dans l'édition du 4 septembre 2016 de la Liste rouge de l'UICN, ces deux grands primates asiatiques sont classés « En danger critique d'extinction ». À Bornéo et à Sumatra, la réduction drastique des surfaces de forêts où ils vivent est la première cause de la raréfaction des orangs-outans.
Longtemps, les grands troupeaux de zèbres (Equus quagga) ont abondé en Afrique mais les populations ont régressé de 24 % en 14 ans, de 660.000 à 500.000 individus. L'UICN, qui classait ce grand mammifère dans la catégorie « Préoccupation mineure », le considère désormais comme « Quasi menacé », constatant la diminution dans 10 des 17 pays de son aire de répartition. « Le Zèbre des plaines est menacé par la chasse, pour la viande de brousse et les peaux, en particulier quand les animaux sortent des aires protégées » explique l'UICN.
Comme les zèbres des plaines, trois espèces d'antilopes africaines, le Céphalophe à bande dorsale (Cephalophus dorsalis), le Céphalophe à ventre blanc (Cephalophus leucogaster) et le Céphalophe à dos jaune (Cephalophus silvicultor) en restaient jusque-là au statut « Préoccupation mineure ». Mais, en dehors des régions protégées, la chasse illégale et la réduction de leurs territoires en font des espèces « Quasi menacées ».
Les dix espèces suivantes sont, elles, directement affectées par le changement climatique - lequel est d'origine anthropique -, comme le démontrait le rapport de l’UICN présenté à l'occasion du sommet sur le climat de Copenhague, en 2009. Sans surprise, ce sont les écosystèmes polaires qui soufrent le plus, mais les milieux tropicaux sont eux aussi touchés.
Sans action décisive face au changement climatique, ces espèces qui font partie du patrimoine de notre société à travers les paysages, l'iconographie, les statues, les films, les logos d'entreprise ou encore les contes, risquent de disparaître.
Habitué des régions arctiques, le renard polaire (Vulpes lagopus) est adapté au froid. Le réchauffement de ce milieu, plus important et plus rapide qu'aux basses latitudes, affecte la survie de la faune.
Symbole de l'Australie avec le kangourou, le koala cendré (Phascolarctos cinereus) est menacé par l'évolution du climat et la réduction de son biotope.
Comme le renard polaire, le manchot empereur (Aptenodytes forsteri) voit son milieu, sur la côte de l'Antarctique, changé au fil des années.
L'amphiprion, ou poisson-clown (alias Nemo), vit sur les récifs coralliens. Tout ce qui affecte les coraux a donc une influence directe sur la vie des populations de cette espèce. Les activités humaines et le réchauffement des eaux superficielles de l'océan constituent pour lui une menace.
Ces grands cétacés blancs, qui affectionnent l'océan Arctique et ne descendent jamais à moins de 50° de latitude, préfèrent les eaux froides et sont donc sensibles au réchauffement des eaux superficielles. Ils souffrent, directement, des activités humaines, comme la pollution sur la côte atlantique du Canada.
La huitaine d'espèces que les humains appellent saumons sont presque toutes en régression, avec des causes diverses et mal estimées. La surpêche, le réchauffement des eaux et la pollution des rivières par les pesticides sont des facteurs fortement soupçonnés.
Bien connu en baie de Somme, le phoque marbré (ou annelé) est malmené par les modifications du climat dans les régions arctiques.
Avec des effectifs en baisse, la tortue luth (Dermochelys coriacea) est considérée par l'UICN comme une espèce « vulnérable ». Ces reptiles sont piégés (et meurent noyés) dans les grands filets de pêche et voient se raréfier les endroits de la côte où elles peuvent pondre sereinement. L'espèce, cependant, est protégée.
Acropora est le corail le plus abondant dans les récifs de la planète. Son état de santé global est donc celui des récifs : déclinant. Les causes (activités humaines sur le littoral et réchauffement des eaux superficielles) sont bien documentées.
Cet aloès de Namibie, encore appelé arbre carquois (Aloe dichotoma de son nom scientifique), supporte mal l'élévation des températures de sa région. Depuis plusieurs années, il opère une migration vers le nord, à la lente vitesse dont sont capables les populations de végétaux.
Voici les conseils de l'UICN :