A Copenhague, les discussions deviennent vives. La vedette du jour est en coulisse : c'est une rumeur, confirmée par un quotidien britannique, que le gouvernement danois a déjà préparé... l'accord final. Vivez avec nous les événements de ce festival off, qui témoignent que le sommet de Copenhague est bien un lieu où l'on discute ferme et n'a plus rien d'une réunion policée entre gouvernants.

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    Après deux jours de négociations seulement, les esprits s'échauffent à Copenhague. Finies les belles paroles de la journée d'ouverture, chargée en émotions. Tactiques et stratégies politico-diplomatiques ont pris le dessus à la mi-journée, mardi 8 décembre. L'étincelle vient du journal britannique The Guardian qui s'est procuré un projet de texte danois dont la teneur a fait bondir le G77 (Groupe des pays en développement) et la Chine.

    La rumeur courait depuis fin novembre. Le Premier ministre danois, Loekke Rasmussen, aurait en sa possession le brouillon d'un texte qui ressemblerait de près au futur accord de Copenhague de lutte contre le réchauffement climatique. En salle de presse, au Bella Center, c'était à celui qui le trouverait le premier. A ce jeu, c'est The Guardian qui a gagné. A la mi-journée, le quotidien britannique a semé la panique en publiant dans ses colonnes le désormais fameux « texte danois », un document daté du 27 novembre dernier. Ce texte prend effectivement la forme d'un accord final avec des parties laissées en blanc et des chiffres écrits entre crochets.

    Que dit le texte ?

    • Limiter le réchauffement climatique à maximum 2 degrés Celsiusdegrés Celsius d'ici à 2050.
    • Les pays en développement devront aussi baisser leurs émissionsémissions de gaz à effet de serre (GES).
    • Diviser les pays pauvres en créant une nouvelle catégorie, celle des « plus vulnérables ».
    • Confier le financement de l'aide à un organisme qui pourrait dépendre de la Banque Mondiale. Cette aide des pays riches pourrait être immédiate et s'élever à 10 milliards de dollars par an d'ici à 2012.

    Que ne dit-il pas ?

    • Ce qu'il advient du protocole de Kyoto, unique texte contraignant aujourd'hui mais qui n'oblige que les nations industrialisées à réduire leurs émissions de GES.
    • Riches et pauvres seraient donc contraints aux mêmes mécanismes et aux mêmes objectifs de lutte contre le réchauffement climatique.

    Dès le début du Sommet, Connie Hedegaard a tenté de calmer la rumeur. Lors de la conférence de presse d'ouverture des négociations, la très charismatique présidente danoise de la Cop15 tentait de convaincre les journalistes qu'il n'existait pas de texte déjà rédigé.

    Connie Hedegaard est finalement contredite dès le lendemain par cet article du Guardian. Le plus inquiétant est que le document provient de son propre gouvernement. Le journal britannique cite un diplomate. Le document serait « très dangereux pour les pays en développement. Il retravaille fondamentalement les obligations équilibrées de l'ONU. Il se superpose aux pourparlers et cela sans aucune discussion ».

    La publication du texte a tout d'abord fait réagir les ONG présentes à Copenhague. Cité par le Guardian, Antonio Hill, conseiller de la politique climatique de OxfamOxfam international, considère « qu'il ne s'agit que d'un projet, mais il souligne le risque que lorsque les grands pays se rassembleront, les petits seront blessés. Les limitations des émissions doivent être échelonnées pour chacun. Il y a beaucoup trop de lacunes et il ne suggère absolument pas de réduire de 40% les émissions comme le préconise la science ».

    Egalement des représentants des pays africains ont appelé leurs négociateurs, invectives à l'appui, à ne pas se laisser diviser par les propositions danoises. Leurs cris « 2 degrees is suicide » (2 degrés, c'est du suicide) et leurs appels à l'unité africaine ont attiré la foule des journalistes dans le hall principal du Bella Center, à proximité de la salle plénière Tycho Brahe, où se déroulent les négociations.


    Des délégués africains prennent la parole au sommet de Copenhague. Voir la traduction dans le texte suit.

    « Mesdames et messieurs, alors que nous nous tenons debout devant vous, c'est le deuxième jour [...] et nos espoirs sont réduits à néant. Nos espoirs sont réduits à néant à cause de motivations malhonnêtes. Oui, nous sommes attristés parce que les négociations sont menacées par des intérêts politiques. Nous sommes ici à Copenhague pour dire aux leaders que tout ceci n'est pas suffisant pour un accord légalement contraignant. »

    « Nous sommes ici parce que nous ne laisserons pas l'Afrique se diviser comme elle a été divisée dans le passé. L'Afrique est le continent dont les pays sont les plus divisés. Parce qu'il n'a pas été divisé en Afrique, mais bien ici dans l'Ouest, par les organisateurs de cette conférence, et nous ne nous laisserons pas faire. Des gens souffrent et leurs vies n'ont pas de prix. Nous ne mourrons pas en silence. 10 milliards ! 10 milliards, ce n'est pas suffisant pour racheter ce que vous avez causé. Nous disons donc : 1 degré est ce que l'Afrique demande. 2 degrés, c'est du suicide. Mesdames et messieurs, nos négociateurs doivent rester fermes. Nous les soutenons pour qu'ils préservent les intérêts des peuples pauvres d'Afrique. »