Les cacatoès ont récemment rejoint la liste très restreinte d'animaux non humains qui utilisent une palette parfaitement choisie d'outils et savent précisément quels seront leurs besoins à l'avance. Cette utilisation n'avait auparavant été observée que chez les chimpanzés, mais un autre comportement nouvellement décrit élargit encore le champ de nos connaissances sur l'intelligence animale.


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    L'utilisation de trousse à outils par les animaux non humains est pour le moment restreinte aux chimpanzés et aux cacatoès de Goffin qui viennent de rejoindre cette liste récemment. Cette similarité est un exemple de convergence évolutive comportementale entre deux lignées pourtant très éloignées. Mais qu'est-ce donc que cette « trousse à outils », et qu'a-t-elle de si particulier ?

    Un cacatoès sauvage temporairement capturé utilise un outil de sa fabrication pour atteindre les graines contenues dans un fruit de <em>Cerbera manghas</em> (faux manguier). © O’Hara <em>et al</em>. (2021)
    Un cacatoès sauvage temporairement capturé utilise un outil de sa fabrication pour atteindre les graines contenues dans un fruit de Cerbera manghas (faux manguier). © O’Hara et al. (2021)

    Des oiseaux malins comme des singes…

    Ce que les biologistes du comportement appellent « trousse à outils » (toolset en anglais) est un ensemble d'outils qui permettront, utilisés les uns à la suite des autres, de mener à bien une même tâche. Cela semble relativement simple, et pourtant il ne suffit pas d'utiliser plusieurs outils pour démontrer sa capacité à réaliser cet effort cognitif. Se constituer une trousse revient à anticiper et prévoir quels types d'action il sera nécessaire d'accomplir pour atteindre un objectif.

    Cela a d'abord été reconnu en 2013 chez les chimpanzés que l'on retrouve dans le parc de Nouabalé-Ndoki en République du Congo, lorsqu'il est devenu évident que ceux-ci s'armaient de deux bâtons, de fonction bien distincte, avant même de partir à la pêche aux termites. Le premier épais et solidesolide est utilisé pour perforer l'enveloppe extérieure de la termitière, tandis que le second long et flexible permet de récolter les insectes. Les auteurs d'une étude parue le 10 février dans Current Biology ont mis en place un protocoleprotocole inspiré du comportement sauvage de ces primates pour apporter la preuve finale que d'autres animaux bien différents en étaient également capables.

    Le cacatoès doit d'abord se familiariser avec le dispositif de l'étude où il faut percer une membrane pour pouvoir atteindre la délicieuse noix de cajou au fond de la boîte. Pour cela, on lui fournit un petit bâton pointu et une paille coupée en deux sur la longueur. © Osuna-Mascaró <em>et al</em>. (2023)
    Le cacatoès doit d'abord se familiariser avec le dispositif de l'étude où il faut percer une membrane pour pouvoir atteindre la délicieuse noix de cajou au fond de la boîte. Pour cela, on lui fournit un petit bâton pointu et une paille coupée en deux sur la longueur. © Osuna-Mascaró et al. (2023)

    … Dotés d’un sens de l’organisation évident

    Le cacatoès de Goffin (Cacatua goffiniana) est un petit oiseau endémiqueendémique des îles de l'archipelarchipel de Tanimbar, en Indonésie. Il est capable d'utiliser des outils de manière complexe et innovante, et il a récemment été démontré qu'il sait aussi se fabriquer tout un lot d'outils spécialisés. Pour déterminer si ceux-ci représentent bien une véritable trousse, les chercheurs ont mis en place un dispositif où les oiseaux ont d'abord dû percer une membrane translucidetranslucide -- avec un bâton pointu -- puis atteindre une noixnoix tenue à distance -- avec une longue baguette flexible. La subtilité que porteporte l'étude vient du fait que les volatiles étaient mis face à une boîte comprenant ou non la membrane, ce qui nécessitait donc les deux outils ou seulement celui qui est long. Une petite distance séparait les outils de la boîte contenant la noix convoitée, et comme les cacatoès rechignaient à faire des allers-retours, ils ont dû décider à l'avance d'apporter un ou deux outils. 

    Le fait de porter plusieurs objets à la fois est très rare chez les oiseaux, et la pêche à la noix n'est pas un comportement que l'on rencontre à l'état sauvage, il n'est donc pas inné et les cacatoès ont dû s'adapter à cette situation nouvelle. L'étude démontre que leur sélection ou non du second outil n'est pas simplement une réaction face au résultat de l'utilisation du premier outil, mais qu'elle implique bel et bien la reconnaissance du besoin d'utiliser les deux outils l'un après l'autre, avant même de commencer la tâche ! L'ingéniosité du monde animal et la diversité des intelligencesintelligences n'ont toujours pas fini de nous étonner.