Pour les 20 ans de Futura, Gilles Babinet, entrepreneur et coprésident du Conseil national du Numérique, s'associe à la rédaction pour vous proposer tout au long de cette journée particulière, des sujets qui agitent la communauté numérique. Les articles que vous découvrirez aujourd'hui ont pour ambition de faire un pas de côté, de susciter des interrogations différentes et de proposer une rencontre entre science et société sur des sujets inéluctables autour du numérique. Dans cet article, nous aborderons les liens entre l'innovation et l'apprentissage. Apprendre est essentiel pour innover mais tout apprentissage ne mène pas à l'innovation.


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    Le terme « innovation » est devenu un « buzz word » pour dirigeants en recherche de renouvellement de leurs produits, de leurs marchés, de leur stratégie, mais aussi de leur management. L'innovation fait référence à la capacité d'appliquer des solutions créatives aux problèmes et aux opportunités pour améliorer la vie des gens ou faire évoluer la société. Notre capacité à innover est ainsi une compétence clé pour le renouvellement organisationnel et la montée en compétences.

    D’un « buzz word » à une nécessité qui nous concerne tous

    L'innovation nous pousse à sortir de notre zone de confort, nous amène à chercher des connaissances plus éloignées, qui appartiennent à des disciplines différentes. En effet, l'innovation de rupture est souvent fondée sur les liens nouveaux entre des connaissances éloignées. Certaines approches nous aident d'ailleurs à chercher des connaissances éloignées. Par exemple, le biomimétismebiomimétisme représente une opportunité inédite d'innovation : s'inspirer du vivant et tirer parti des solutions et inventions qui y sont produites afin de créer des biens et des services de manière durable et rendre les sociétés humaines compatibles avec la biosphère.

    Le « bras-pieuvre » est composé de deux modules identiques connectés entre eux. Les modules sont divisés en 3 chambres cylindriques que l’on peut diriger séparément. © photobank.kiev.ua, shutterstock.com 
    Le « bras-pieuvre » est composé de deux modules identiques connectés entre eux. Les modules sont divisés en 3 chambres cylindriques que l’on peut diriger séparément. © photobank.kiev.ua, shutterstock.com 

    Festo est, par exemple, une entreprise qui s'est fait connaître par ses robots inspirés des animaux : Festo BionicKangaroo permet de reproduire le mouvementmouvement très particulier du kangouroukangourou et de récupérer l'énergieénergie au bond, l'emmagasiner et la réutiliser efficacement au prochain bond. Une étude réalisée par Susanne Dambeck montre que de nombreux lauréats du prix Nobel innovent juste en dehors de leur discipline. C'est, entre autres, le cas de Hartmut Michel, Johann Deisenhöfer et Robert Huber qui ont reçu ensemble le prix Nobel de chimiechimie 1988 pour leurs travaux sur la structure tridimensionnelle d'un complexe protéique membranaire bactérien à l'aide de la cristallographiecristallographie aux rayons Xrayons X.

    L’innovation a souvent lieu au croisement de différentes disciplines et nous pousse à apprendre en dehors de notre expertise, à naviguer dans l'incertitude

    Si le champ de référence est la chimie, les disciplines convoquées et les applicationsapplications sont en fait multiples : la question de recherche est venue de la biologie, la méthode de la physiquephysique du solidesolide et les applications futures sont larges, en médecine et ailleurs.

    Donc l'innovation a souvent lieu au croisement de différentes disciplines et nous pousse à apprendre en dehors de notre expertise, à naviguer dans l'incertitude. Cela implique ainsi d'être capable de convoquer des méthodes, réflexes et idées différentes, d'être réceptifs à autre chose. Mais en quoi est-ce notre sujet aujourd'hui ?

    L'innovation est devenue l'affaire de tous !

    Auparavant, l'innovation a été vue comme la mission et le fruit des experts, matérialisée, organisée dans des centres de Recherche et Développement, permise dans des domaines pointus. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. La raison principale de cette ouverture est bien la démocratisation des connaissances, rendue possible grâce aux technologies émergentes et la nécessité d'innover plus rapidement. L'innovation est aujourd'hui beaucoup plus rapide et les barrières à l'entrée ont disparu. Le professeur des Mines, Armand Hatchuel, nomme ce mouvement « l'ère de l'innovation intensive ».

    Il dit ainsi : « Nous entrons dans l'ère de l'innovation intensive. Une ère dans laquelle les compétiteurs innovants débarquent de façon surprenante. L'innovation intensive rend fausses les lois de l'économie standard. Elle permet de sortir des normes de marché et de surprendre avec des propositions de valeur inattendues. »

    Armand Hatchuel, professeur des Mines. © Jeleveque, <em>Wikimedia Commons</em>, CC 4.0 
    Armand Hatchuel, professeur des Mines. © Jeleveque, Wikimedia Commons, CC 4.0 

    Cette ère de l'innovation intensive met la recherche et l'apprentissage -- au sens de l'acquisition de compétences --  au cœur de l'exploration. Les entreprises doivent développer la capacité à soutenir un rythme élevé de mise sur le marché d'innovations tout en apportant de nouvelles fonctions, de nouvelles valeurs d'usage aux clients. Cela induit ainsi l'importance d'innover, de renouveler l'identité des objets plus rapidement en créant des communautés de savoir vertueuses, qui permettent le partage des connaissances et stimulent la création. Les entreprises ne peuvent plus simplement améliorer leurs offres actuelles mais doivent innover en permanence. Elles doivent imaginer, anticiper les organisations à mettre en place et donc apprendre en permanence à s'adapter et à se renouveler.

    Apprendre pour innover

    Ce besoin d'apprendre et de réapprendre ne concerne pas juste les entreprises. Il est crucial pour les individus et la société en général. Certains se mobilisent pour faire de l'innovation, de la créativité et de l'entrepreneuriat des compétences indispensables au XXIe siècle. Elles ont été constamment -- et de plus en plus -- identifiées comme essentielles pour les individus et les organisations. Pourquoi ? Pour comprendre et enclencher les changements nécessaires et prospérer dans un environnement incertain. Par exemple, le rythme très élevé de la transformation numérique a mis en évidence l'importance de l'apprentissage tout au long de la vie via notamment l'utilisation de nouveaux outils. Il a également mis en lumièrelumière la nécessité d'une adaptation continue des infrastructures éducatives et de pédagogie associées.

    Pour y parvenir, de nouveaux types de pédagogies innovantes doivent être envisagés pour aider notre système éducatif à passer de parcours d'apprentissage linéaires à des parcours d'apprentissage itératifs qui facilitent le jeu, l'expérimentation et l'exploration, vecteurs d'innovation. Pour être prêts pour l'avenir, les apprenants doivent être capables d'échanger, de co-construire, et d'équilibrer entre l'objectif et le subjectif, le pratique et le théorique, l'imaginaire et le critique tout au long de leur apprentissage.

    L'ére du numérique. © Geralt, Pixabay, DP
    L'ére du numérique. © Geralt, Pixabay, DP

    L’innovation et l’apprentissage à l'ère du numérique

    L'innovation et l'apprentissage sont étroitement liés. L'apprentissage ne fait pas seulement partie de l'activité d'innovation, mais l'innovation est également nécessaire pour trouver de nouvelles façons d'apprendre et de naviguer dans les massesmasses d'informations de manière significative. Les outils numériques, par leur omniprésence et leur rapide évolution, forçaient quelque part cette réflexion. Évidemment, il ne s'agit pas de substituer le numérique aux acquis traditionnels, mais d'envisager une complémentarité des processus d'apprentissage afin de valoriser leurs aspects positifs.

    Bien utilisés, ils sont des atouts pour favoriser l'apprentissage en créant des communautés d'échanges et de co-constructionconstruction indispensables à la créativité et à l'innovation en entreprise autant qu'à l'école. C'est cela qui nous permettra de sortir d'un asservissement et d'émerger face à la surabondance d'informations grâce à la co-construction et le partage des savoirs. Rôle de l'école, évolution de nos pratiques d'apprentissage individuel et collectif, développement d'une culture numérique, encouragement de la recherche ou encore association des citoyens à la conception des dispositifs technologiques, les premiers travaux que nous avons menés au Conseil national du Numérique portent ainsi sur la place du numérique dans la construction des savoirs.

    Travaux associés 

    CNNUM : Pour un numérique au service des savoirs 

    Projet Vision financé par l'Union européenne (Erasmus+ Knowledge alliance programme : Project Number: 612537-EPP-1-2019-1-SI-EPPKA2-KA Project Duration: January 2020 - December 2021 https://www.vision-project.org

    Tous les articles de la journée spéciale :

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    La playlist de Gilles Babinet

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    L’édito de Gilles Babinet

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    Les intelligences artificielles peuvent-elles aider à résoudre la crise climatique ?, par Dorian De Shaepmeester

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    De l’intelligence artificielle à l’intelligence collective, par Anne Alombert

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    Le développement des mathématiques, une clé du développement de l'IA ?, par Laurent Sacco

    Futura a 20 ans


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