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    Qu'il y ait un ou des oiseaux d'espèceespèce indéter­minée, leur association répétée avec la scène de mise basmise bas est indiscutable : ils sont représentés dans le prolongement direct du boudin sortant du corps de l'animal.

    Il est vrai que cela ne corres­pond pas à une observation éthologique. Cela fut objecté à l'interprétation d'une scène d'accouche­ment: «Bandi a prétendu (1988) que les animaux ne sont pas en train de déféquer mais de mettre bas ; mais il est incapable d'expliquer la présence de ce qu'il admet être des oiseaux» (Bahn et Vertut, 1997, p. 217).

    À l'évidence, la même objection s'appliquerait à l'hypothèse d'une défé­cation, les oiseaux n'ayant pas davantage l'habitu­de de picorer les boulettes de déjection des bou­quetins et des isardsisards lors de la défécationdéfécation que leur sac embryonnaire au moment de l'accouchementaccouchement. Dans les deux hypothèses, c'est par conséquent d'un concept bizarre, non naturaliste, qu'il s'agit.

    Sa bizarrerie a suscité une double réaction à son égard, parfois d'ailleurs chez les mêmes auteurs. Romain Robert (1953, p. 18) les a fort bien résumées. Ce seraient «des représentations "gratuites" où s'épanouissent l'observation aiguë du rude chasseur, la tendresse, la verve, disons même l'humour, mêlés à ce que plus tard nous appellerons gauloiserie, toutes choses qui sont le propre de l'Homme».

    La recherche gratuite de la beauté et le senti­ment de tendresse devant une créature gracile, pleine de vie et aux formes harmonieuses, comp­teraient donc parmi les motifs majeurs ayant ins­piré les artistes. Péquart évoque les faons de Blanche-Neige et Bambi (1963, p. 299), compa­raison reprise depuis (Camps, 1984, p. 260-261, Bahn et Vertut, 1997, p. 96)

    L'autre motif serait l'humour, le rire, la gauloi­serie. Péquart parle de «tableau cocasse» (1963, p. 296), «d'un réalisme si cocasse» (p. 303), «de franche gaillardise» (p. 303) ; «l'inventeur a voulu faire une chose amusante et n'a cédé en la créant qu'au plaisir de se divertir lui-même, d'égayer l'heureux destinataire de l'objet et d'in­citer la galerie à s'en "esbaudir" » (p. 303) ; il insiste donc sur le «goût déjà rabelaisien de la plaisanterie un peu grasse» des Magdaléniens (p. 303).

    L'on sait que, si le rire est le propre de l'hom­me, il s'exerce de façon extrêmement différente d'une culture à une autre et que ses objets varient avec le temps, les lieux et les circonstances. En conséquence, il n'est pas licite de tenir pour évi­dent que ce qui amusait certains de nos contem­porains du xxe siècle devait nécessairement avoir le même effet et le même but quinze millénaires plus tôt.

    En outre, s'il s'agit d'une mise bas et non d'une défécation, comme tout l'indique, le côté scatologique, «scabreux» (Dei porteporte, 1990, p. 152), ou «gaulois» (Camps, 1984, p. 261) de la scène disparaît, et cette hypothèse sur les motiva­tions ne tient plus.

    Enfin, ces prises de position prêtent aux Magdaléniens un attendrissement devant certaines espèces animales que l'on consta­te abondamment, certes, dans les sociétés cita­dines coupées de la nature, mais qui est beaucoup moins fréquent chez celles pour lesquelles les animaux sont une réalité quotidienne triviale.

    À ce point de notre analyse, nous constatons donc :

    • que la scène est très certainement celle d'une mise bas par un capriné ou un rupicapriné
    • que son personnage principal est un animal très jeune, fait qui peut paraître contradictoire moins avec l'observation précédente
    • que la présence du ou des oiseauoiseau(x) ne correspond pas non plus à une réalité éthologique
    • que les interprétations faisant appel à la gratuité du thème, à l'attendrissement ou à l'humour, ne sauraient convenir
    • que ces objets, peut être non utilitaireutilitaire, se trouvaient pour certains en des lieux privilégiés
    • enfin, que ce thème a été reproduit à diverses reprises, avec quelques variantes, mais avec aussi une répétitivité étonnante dans le détail (cf; par exemple, les stries sur l'oiseau)