Les chercheurs du CNRS et du CEA, en collaboration avec leurs collègues étrangers, allemands et anglais en majorité, ont annoncé dans le journal Nature la détection, avec les télescopes H.E.S.S., de rayons gamma de très haute énergie en provenance de nuages de gaz géants, particulièrement nombreux au centre de notre Galaxie. L'émission gamma, produite par collision des rayons cosmiques (des particules ultra-relativistes emplissant toute la Galaxie) avec ces nuages était prédite et attendue. Ce que H.E.S.S. vient d'apporter, c'est la mesure précise de son intensité et de sa répartition énergétique. Celle-ci montre que les rayons cosmiques sont bien plus nombreux et plus énergétiques au centre de la Voie Lactée qu'au voisinage de la Terre. Deux hypothèses sont avancées pour expliquer cette découverte : l'excès mesuré pourrait être dû à une accélération massive de rayons cosmiques il y a quelques milliers d'années, ayant pour origine un sursaut d'activité du trou noir supermassif situé au centre de la Voie Lactée ou l'explosion d'une supernova proche de celui-ci.

La découverte
Dans une publication récente du journal Nature, la collaboration internationale H.E.S.S. (qui réunit notamment des laboratoires du CNRS - IN2P3 et INSU - et du CEA - Dapnia) a annoncé la découverte d'une émission gamma de très haute énergie en provenance d'un ensemble de nuages de gaz proches du centre de la Voie Lactée. Ces nuages d'hydrogène gazeux sont des nuages géants, atteignant une masse 50 millions de fois supérieure à celle du soleil. C'est la très grande sensibilité des télescopes H.E.S.S. qui a permis de découvrir pour la première fois que ces nuages émettent un rayonnement gamma de très haute énergie, dont on a pu mesurer le flux et la distribution en énergie.
La problématique

Un moyen pour comprendre l'origine et la nature des rayons cosmiques consiste à déterminer leur répartition spatiale. Diffusent-ils uniformément dans toute la Galaxie ? Au contraire, leur flux et leur spectre en énergie varient-ils d'un endroit à un autre (par exemple au voisinage d'un accélérateur de rayons cosmiques) ? Les mesures directes des rayons cosmiques, ne pouvant être effectuées qu'à l'intérieur du système solaire situé à 25000 années-lumière du centre de la Voie Lactée, ne permettent pas de répondre à ces questions. Les astrophysiciens parviennent cependant à étudier les rayons cosmiques dans toute la Galaxie en observant les rayons gamma émis lorsque les rayons cosmiques entrent en collision avec les molécules des nuages de gaz interstellaires.
Rayons gamma, rayons cosmiques et centre galactique
Le centre de notre Galaxie est une région extrêmement riche en objets astrophysiques exotiques. Il contient en particulier un trou noir supermassif, des restes de supernovae, des étoiles très massives et des nuages de gaz géants dont la masse représente 50 millions de fois celle du soleil. Si des rayons gamma sont détectés en provenance des nuages, leur flux et leur distribution en énergie permettent aux astrophysiciens d'en déduire la densité et le spectre en énergie des rayons cosmiques à l'intérieur de ces nuages.
Cette technique a été utilisée par le satellite EGRET afin de «voir» les rayons cosmiques de basse énergie (de l'ordre de 0,0001 milliardième de joule) dans notre galaxie. Cependant, aucun instrument n'était jusqu'à présent assez sensible pour détecter les nuages interstellaires émettant des rayons gamma de très haute énergie (de l'ordre de 0,1 millionième de joule).
La surprise
Les données des télescopes H.E.S.S. permettent aux astrophysiciens de conclure que les rayons cosmiques au centre de la Voie Lactée sont plus énergétiques que dans le système solaire. Par ailleurs, l'intensité du rayonnement gamma observé indique que la densité de rayons cosmiques en centre de notre Galaxie dépasse significatevement la densité mesurée localement. Ces deux observations suggèrent qu'il existe une source 'jeune' de rayons cosmiques à proximité du coeur de notre galaxie. C'est ainsi la première fois qu'on assiste en direct à l'accélération des rayons cosmiques. L'accélérateur des rayons cosmiques pourrait être une gigantesque explosion d'étoile ou le trou noir supermassif central par exemple. Bien sûr, les observations du centre galactique avec H.E.S.S. continuent afin de rechercher activement le site d'accélération de ces particules.
La collaboration H.E.S.S.
L'équipe H.E.S.S. (High Energy Stereoscopic System, système stéreoscopique de haute énergie) est composée de scientifiques venant d'Allemagne, France, Grande-Bretagne, République Tchèque, Irlande, Arménie, Afrique du Sud et Namibie.
Le détecteur
Les résultats ont été obtenus avec les télescopes H.E.S.S. (High Energy Stereoscopic System, système stéréoscopique de haute énergie) situés en Namibie, dans le sud-ouest de l'Afrique. Ce système de quatre télescopes de 13 m de diamètre est actuellement le détecteur de gamma de très haute énergie le plus sensible au monde. Les rayons gamma qui pénètrent dans l'atmosphère génèrent une cascade de particules. Ces particules émettent un flash de lumière bleue peu intense, appelée lumière Tcherenkov et ne durant que quelques milliardièmes de seconde. Cette lumière est réfléchie par les miroirs de 107 m2 puis enregistrée par des caméras ultra-sensibles. Chaque image donne la position dans le ciel d'un photon gamma, et son énergie. Les objets célestes émettant un rayonnement gamma sont cartographiés avec H.E.S.S. à partir des directions d'arrivée dans le ciel de chaque photon gamma.
Les télescopes H.E.S.S. sont le résultat de plusieurs années d'efforts par une collaboration internationale de plus de 100 scientifiques et ingénieurs en provenance d'Allemagne, France, Grande-Bretagne, Irlande, République Tchèque, Arménie, Afrique du Sud et du pays hôte, la Namibie. L'instrument a été inauguré en septembre 2004 par le Premier Ministre de Namibie, Theo-Ben Gurirab, et les premières observations ont déjà permis de nombreuses découvertes importantes, dont la première image astronomique résolue d'un reste de supernova en rayons gamma de hautes énergies (Nature 432, p75). La France participe à leur financement à hauteur d'un tiers.
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