L’événement date de 2022 mais rappelle à quel point les orbites peuvent être surveillées. La Chine envoie de plus en plus de satellites espions dans l’espace, cherchant à montrer aux États-Unis qu’ils ne sont pas les seuls maîtres là-haut.

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C'est un étrange numéro que jouent la Chine et les États-Unis en orbite géostationnaire. Espionnage ou intimidation ? Ce qui est sûr, c'est que ce genre d'incident avec la Chine (tout comme avec la Russie) est de plus en plus fréquent. Sur le plan de la sémantique, il est difficile de qualifier ces événements autrement que comme des incidents, plutôt que comme des actes de guerre. Car les intentions restent encore trop confuses.

La puce à l'oreille

Le 23 décembre 2021, une fuséefusée Long March 7A décolle du Wenchang Space Center et dépose les deux satellites Shiyan-12 01 & 02 en orbite de transfert géostationnaire. Ces satellites du gouvernement chinois ont un but classifié, ils sont référencés comme des démonstrateursdémonstrateurs de manœuvres en orbite haute.

Dans les premiers mois de 2022, les deux satellites atteignent leur position en orbite géostationnaire. Leur arrivée met la puce à l'oreille aux États-Unis. Le gouvernement américain décide d'envoyer un de leurs satellites espions à proximité des Shiyan-12. Le Pentagone dispose de plusieurs satellites de surveillance du trafic spatial en orbite géostationnaire. Sa constellation GSSAP a été déclassifiée et dévoilée au public en 2014. Au début 2022, deux nouvelles unités rejoignaient l'orbite géostationnaire.

Le ballet entre les satellites USA 270 et les Shiyan-12. © Comspoc

Manœuvres et contre-manœuvres

Peu après leur arrivée, le satellite espion américain USA 270 change sa position pour se rapprocher des Shiyan-12 afin de voir à qui on a affaire. À son approche, les satellites chinois se sont alors déplacés de part et d'autre d'USA 270. Shiyan-12 02 s'est alors placé entre USA 270 et le SoleilSoleil. Cette position lui permettait de voir la face éclairée du satellite espion américain. Avec le Soleil dans les yeuxyeux, USA 270 avait du mal à traquer Shiyan-12 02.

Les États-Unis savent désormais à qui ils ont affaire. Ils ne sont plus les seuls à pouvoir inspecter d'autres satellites en orbite géostationnaire. Avec la paire Shiyan-12, la Chine le peut aussi. Ce genre d'événement est de plus en plus fréquent, et de plus en plus traqué.

Tracé du ballet d'USA 270 et des Shiyan-12 01 & 02. Ce dernier se place à la fin entre le Soleil et USA 270, position idéale. © Comspoc
Tracé du ballet d'USA 270 et des Shiyan-12 01 & 02. Ce dernier se place à la fin entre le Soleil et USA 270, position idéale. © Comspoc

La Chine teste ses capacités en orbite haute

L'image de l'orbite géostationnaire change peu à peu. On connaît bien son utilité pour accueillir les gros satellites de télécommunication. Mais de plus en plus d'entre eux servent essentiellement de support aux communications des forces armées en opération au sol, comme c'est le cas avec les satellites français Syracuse.

Certaines manœuvres auprès de ces éléments stratégiques peuvent mettre en difficulté les opérations au sol. En 2018, l'ancienne ministre de la Défense Florence Parly avait révélé que les communications du satellite franco-italien en orbite géostationnaire Athena-Fidus avaient été interceptées par un satellite russe, et avait qualifié cet incident « d'acte d'espionnage ».

Le satellite Athena-Fidus en salle anéchoïde. L'interception de ses communications par le satellite espion russe Louch-Olymp a notamment servi de prétexte à la France pour disposer d'un commandement de l'espace. © Thales Alenia Space
Le satellite Athena-Fidus en salle anéchoïde. L'interception de ses communications par le satellite espion russe Louch-Olymp a notamment servi de prétexte à la France pour disposer d'un commandement de l'espace. © Thales Alenia Space

La Chine a même montré sa capacité à capturer un satellite en orbite géostationnaire. En janvier 2022 également, le satellite de nettoyage d'orbite Shijian-21 capture un satellite du réseau GPSGPS chinois Beidou et le transporte vers une orbite cimetière, 3 000 kilomètres plus haut, pour libérer l'espace, puis redescend à sa place. Les Américains avaient réussi ces manœuvres de rendez-vous avec les véhicules d’extension de mission MEV de Northrop Grumman.

Trajectoire de Shijian-21 et du satellite défunt Beidou-2 G2. © Comspoc

Une intensité inédite du trafic

Si le problème de surpopulation en orbite basse est bien connu, l'orbite géostationnaire est de plus en plus peuplée elle aussi. Contre 480 satellites opérationnels en 2017, il y en a désormais près de 600 aujourd'hui ! La surveillance du trafic à cette altitude s'est également accrue et est plus transparente. Grâce à des structures comme Comspoc, les manœuvres de la Chine longtemps restées secrètes sont désormais connues du grand public.