C’est le plus grand projet d’infrastructure spatiale militaire jamais imaginé dans le monde. Dans les prochaines années, le Pentagone se prépare à piloter et utiliser une constellation de plusieurs centaines de satellites, dédiée au soutien des efforts de guerre au sol. Et le déploiement a déjà commencé.


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    C'est un projet géant qui se compte en plusieurs milliards de dollars, bénéficiant de ressources inégalées dans le monde. Pour information, le budget annuel dédié au spatial militaire américain est de près de 30 milliards de dollars, soit une huitaine de milliards de plus que la Nasa ! Avec de tels budgets, le Pentagone compte s'offrir son propre réseau de satellites de communication en orbite basse, représentant une pièce d'un grand projet d'unification des réseaux des armées américaines (projet JADC2).

    Connecter le combattant partout sur Terre

    L’US Space Force a chargé son agence de développement spatial (Space Development Agency - SDASDA) de mettre en place cette grande constellation qui comptera plusieurs centaines de satellites. Son nom actuel est « Proliferated Warfighter Space Architecture », alias PSWA, et a en réalité plusieurs fonctionnalités :

    • transport : service de communication et de relais de données entre les nombreuses bases militaires, opérations en extérieur, et les combattants peu importe où ils se trouvent à la surface de la planète. C'est le service de base d'une constellation comme StarlinkStarlink ;
    • tracking : service de suivi de cibles se trouvant au-delà du champ de vision des infrastructures des armées sur Terre, et assurant aussi le repérage de départ de missile.

    Le Pentagone a franchi un pas en souhaitant disposer d'une mégaconstellation de satellites au lieu de seulement quelques-uns spécifiques en orbite géostationnaire. Les jeux d’intimidation entre satellites espions américains et chinois dans cette orbite ont démontré qu'un seul satellite est désormais trop vulnérable en cas de guerre spatiale, et trop complexe à remplacer en urgence. Il est bien plus difficile de neutraliser un réseau de plusieurs centaines de satellites. Et déjà, le Pentagone cherche à disposer de lanceurslanceurs capables de remplacer un satellite en orbite basse en moins de 60 heures.

    Un déploiement par tranche : de la démonstration à une connexion directe avec les missiles

    Le déploiement de PWSA a déjà débuté, avec une première « tranche » de 28 satellites, nécessitant plusieurs lancements. Deux vols sur trois ont eu lieu, l'un en avril dernier, l'autre le 2 septembre. Cette Tranche 0 est une « génération de démonstration ». Les satellites ont d'ailleurs été développés par plusieurs constructeurs, dont SpaceXSpaceX qui en a construit quelques-uns à partir d'un modèle dérivé des Starlink. Les tranches 1 et 2 sont bien plus concrètes, et seront déployées à partir de 2024.

    Les tranches 1 et 2 représentent 5 milliards de dollars. La première tranche comptera 173 satellites et la tranche 2 en comptera près de 300. Cette dernière embarquera des charges utiles inédites car elles seront les toutes premières à être directement connectées à des armements.

    Une partie des satellites de la Tranche 0 en salle blanche. © Lockheed Martin
    Une partie des satellites de la Tranche 0 en salle blanche. © Lockheed Martin

    Avec la mégaconstellation Starlink de SpaceX de plus de 4 000 satellites en orbite à ce jour, les États-Unis comptent déjà la plus grande structure de relais spatial de données au monde. Mais, pour le Pentagone, pas question de l'utiliser : « chaque fois que vous utilisez un réseau ouvert [comme Starlink, NDLRNDLR], il est toujours moins sécurisé », précise Chris Winslett, directeur du programme Transport chez Lockheed Martin, un des principaux maîtres d'œuvremaîtres d'œuvre.

    L'US Space Force compte garder la maîtrise sur la disponibilité et la qualité du service, ce qui n'est pas garanti en étant un utilisateur parmi d'autres d'un réseau commercial tel que Starlink ou Kuiper. En bref, en plus d'une question de sécurité, il est aussi question de souveraineté sur le programme. Le Pentagone reste toutefois plus ou moins indirectement client de Starlink, en finançant son utilisation par les forces armées ukrainiennes. Avec le programme JWCC, le Pentagone est également client du Cloud Azure de Microsoft, utilisant notamment le réseau Starlink pour transférer ses données.