L'archéologue française Sonia Harmand, qui codirige le West Turkana Archaeological Project (WTAP), a fait savoir lors d'une réunion de la Paleoanthropology Society, à San Francisco, que les plus vieux outils attribuables à ce jour à des hominines (la lignée humaine) avaient été trouvés non loin du lac Turkana, au Kenya. Âgés de 3,3 millions d'années, ils repoussent spectaculairement de 700.000 ans dans le passé les débuts de l'industrie lithique.

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    Le moins que l'on puisse dire, c'est que la recherche sur les origines de l'Homme avance à grands pas depuis quelque temps. Il y a environ un mois, la découverte récente d'un fossilefossile d'hominine en Éthiopie a en effet été annoncée, conduisant les paléoanthropologues à vieillir d'au moins 400.000 ans la date de l'apparition du genre Homo.

    Aujourd'hui, l'archéologue Sonia Harmand, de l'université de Stony Brook (États-Unis), également membre du CNRS et en poste à la maison Archéologie Éthnologie de Nanterre, vient d'annoncer qu'il fallait repousser d'au moins 700.000 ans la fabrication des premiers outils par des hominines. La chercheuse française, qui codirige le West Turkana Archaeological Project (WTAP), a profité de la réunion annuelleannuelle de la Paleoanthropology Society pour révéler que des outils âgés de 3,3 millions d'années avaient été découverts à l'ouest du lac Turkana, au Kenya.

    L'archéologue Sonia Harmand fait cours à des étudiants sur le site de Lokalalei 2C dans le cadre d'un stage de terrain organisé par le <em>Turkana Basin Institute</em>. Ce site a livré des objets issus d'une industrie lithique datée de près de 2,3 millions d'années. Il constitue un des plus vieux gisements préhistoriques connus actuellement en Afrique de l'Est. ©<em>Turkana Basin Institute</em>

    L'archéologue Sonia Harmand fait cours à des étudiants sur le site de Lokalalei 2C dans le cadre d'un stage de terrain organisé par le Turkana Basin Institute. Ce site a livré des objets issus d'une industrie lithique datée de près de 2,3 millions d'années. Il constitue un des plus vieux gisements préhistoriques connus actuellement en Afrique de l'Est. ©Turkana Basin Institute

    Une industrie lithique datée grâce au paléomagnétisme

    Une vingtaine de nucléus, d'éclats et d'enclumes ont été datés dans les sédimentssédiments du site de Lomekwi 3 en utilisant la science du paléomagnétismepaléomagnétisme. Les enclumes ont servi dans le processus de fabrication des éclats, eux-mêmes issus des nucléus. Rappelons que le terme nucléus désigne un bloc de matière qui a été taillé afin d'en détacher des éclats au sens large (éclats, lames ou lamelles). Ces éclats sont donc les outils obtenus par débitage de nucléus dans le cadre de l'industrie lithique.

    À ce jour, les plus anciens outils connus avaient été trouvés sur le site de Gona, en Éthiopie. Fabriqués il y a environ 2,6 millions d'années, ils étaient caractéristiques de l'Oldowayen, une période de l'industrie lithique du Paléolithique inférieur. Celle-ci avait été initialement définie par les célèbres archéologues Louis et Mary Leakey à partir des outils peu élaborés découverts dans les sites archéologiques et fossilifères des gorges d'Olduvai, en Tanzanie, en Afrique de l'Est, datant d'entre 1,8 et 1,6 million d'années.


    La vallée du grand rift est un espace privilégié pour les recherches archéologiques et paléoanthropologiques sur les origines de l'Homme. La « Mission Préhistorique » au Kenya, un projet franco-kenyan, a mené des fouilles sur la rive ouest du lac Turkana. En 1997, elle y fait une découverte majeure en mettant au jour les plus anciens outils taillés au Kenya. © Albert Leminbach, YouTube

    Des prédécesseurs d'Homo

    Les outils trouvés à Lomekwi 3 sont trop âgés pour avoir été taillés par Homo mais ils peuvent être attribués à des australopithèques qui vivaient à cette époque. De fait, et bien que la découverte ait rapidement été sujette à controverses, l'équipe de l'anthropologue Zeresenay Alemseged, de l'académie des Sciences de Californie, avait annoncé en 2010 la découverte de deux os intrigants au nord-est de l'Éthiopie, sur le site de Dikika. Âgés de 3,24 à 3,4 millions d'années, ils portaient pourtant des marques semblant avoir été réalisées à l'aide d'un outil tranchant par des hominines.

    La trouvaille de l'équipe de Sonia Harmand conforte donc cette hypothèse et, à défaut, elle nous livre les plus anciens outils d'hominines connus à ce jour. Peut-être ont-ils joué un rôle dans l'apparition du genre HomoHomo.