Les mouvements et les énergies des électrons sont des clés fondamentales de la compréhension des réactions chimiques et des propriétés des solides comme les semi-conducteurs des ordinateurs, les supraconducteurs ou l'action des molécules contre les cellules cancéreuses pour ne citer que quelques exemples. Les prix Nobel de physique 2023 ont posé les bases des moyens permettant de « filmer » les mouvements des électrons avec des flashs de lumière laser de l'ordre du milliardième du milliardième de seconde, des lasers attosecondes donc.


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    En 1905, EinsteinEinstein publie deux articles dont l'un introduit le concept des quanta de lumière, qui seront appelés des photons en 1926 par le chimiste et physicienphysicien états-unien Gilbert Lewis, et un autre qui donne la description théorique du mouvement brownien. En 1908, le Français Jean Perrin se sert de ce dernier travail d'Einstein pour démontrer l'existence des atomes. En 1917, en se basant sur sa théorie des photons et l'atome quantique de Niels BohrNiels Bohr, Einstein est conduit à postuler les principes sur lesquels reposent les lasers, dont le premier fonctionnant dans le visible verra le jour le 16 mai 1960.

    Tout le monde connaît les lasers aujourd'hui mais ce qui est sans doute moins connu, c'est que depuis le début des années 2000, les physiciens sont entrés dans un domaine de recherche où des impulsions laser ultra-courtes ont ouvert la possibilité de photographier les mouvements des électronsélectrons dans les atomes et dans les moléculesmolécules, notamment lorsqu'il se produit des réactions chimiquesréactions chimiques, ce qui rend possible une meilleure compréhension de ces réactions et peut donc déboucher sur des applicationsapplications pratiques nouvelles, voire révolutionnaires.


    Alain Aspect, prix Nobel de physique 2022, a pris connaissance des noms des lauréats du prix Nobel de physique 2023, à savoir Pierre Agostini, Ferenc Krausz et Anne L'Huillier, lors de la conférence « Des clefs pour comprendre : une nouvelle révolution quantique ? » organisée par l'Académie des sciences sous la coupole de l'Institut de France, mardi 3 octobre 2023. © Académie des sciences

    Des processus si rapides qu’ils étaient auparavant impossibles à suivre

    L'Académie royale des sciences de Suède ne s'y est pas trompée en attribuant donc le prix Nobel de physiquephysique 2023 aux pionniers de ce que l'on appelle aussi les lasers attosecondesattosecondes (10-18 seconde), en l'occurrence il s'agit des deux chercheurs Français Anne L'Huillier et Pierre Agostini ainsi qu'à leur collègue le physicien austro-hongrois Ferenc Krausz.

    Le communiqué de l'Académie royale des sciences de Suède, qu'accompagnent des liens à un article grand public et un autre à destination d'un public plus averti exposant plus précisément la nature des travaux des chercheurs, explique que l'attribution du prix Nobel s'est donc faite « pour les méthodes expérimentales qui génèrent des impulsions lumineuses attosecondes pour l'étude de la dynamique électronique dans la matièrematière ». Le communiqué se poursuit en expliquant que :

    « Les contributions des lauréats ont permis d'investiguer des processus si rapides qu'ils étaient auparavant impossibles à suivre. "Nous pouvons désormais ouvrir la porteporte du monde des électrons. La physique attoseconde nous donne l'opportunité de comprendre les mécanismes régis par les électrons. La prochaine étape consistera à les utiliser", déclare Eva Olsson, présidente du Comité Nobel de physique.

    Il existe des applications potentielles dans de nombreux domaines différents. En électronique, par exemple, il est important de comprendre et de contrôler le comportement des électrons dans un matériaumatériau. Les impulsions attosecondes peuvent également être utilisées pour identifier différentes molécules, par exemple dans les diagnosticsdiagnostics médicaux. »


    Déjà, en 2011, la Française Anne l'Huillier, Professeur de Physique atomique, Université de Lund (Suède) avait reçu le prix L'Oréal-UNESCO pour ses travaux sur le développement d'un appareil photo d'une extrême rapidité pouvant enregistrer les mouvements des électrons en une attoseconde (un milliardième de milliardième de seconde). © unescoFrench

    La cinquième femme prix Nobel de physique

    En ce qui concerne les lauréats, Anne L'Huillier est née en 1958 à Paris et après avoir décroché l'agrégation de mathématique en sortant de l'École normale supérieure de Fontenay-aux-Roses, elle a passé un Doctorat en physique en 1986 à ce qui était l'Université Pierre-et-Marie-Curie à Paris, Doctorat débuté dans le cadre du Service des Photons Atomes et Molécules (SPAMSPAM) au centre CEA de Saclay. Elle est Professeur à l'Université de Lund, en Suède, et lauréate depuis des années de nombreux prix dont le prix Wolf de physique en 2022. C'est un secret de polichinelle que le prix Wolf est souvent l'antichambre du prix Nobel.

    Anne L'Huillier devient ainsi la cinquième femme prix Nobel de physique après Marie Curie, Maria Goeppert-Mayer, Donna Strickland et Andrea Ghez.

    Son compatriote et colauréat Pierre Agostini a lui passé son Doctorat en 1968 à l'Université d'Aix-Marseille avant de poursuivre ses recherches en optique quantique jusqu'en 2002 au CEA Saclay. Il est Professeur à l'Ohio State University, ColumbusColumbus, aux États-Unis.


    Anne L'Huillier, physicienne et professeure de physique atomique à l'Université de Lund, et Pierre Agostini, physicien et professeur de physique à l'Université d'État de l'Ohio, ont mené des travaux pionniers. Pour en savoir plus sur leurs travaux initiés au CEA, écoutez l’interview vidéo de Pascal Salières, coordinateur d’Attolab. Pour la première fois, le Nobel est attribué à des chercheurs pour leurs travaux au CEA, soulignant ainsi l’excellence scientifique de notre organisme. © CEA

    On peut donc dire qu'aussi bien Anne L'Huillier que Pierre Agostini ont reçu leur prix Nobel à partir de travaux initiés et poursuivis au CEA, qui le rappelle avec les déclarations suivantes : « Leurs travaux pionniers ont porté sur la génération et la caractérisation d'impulsions laser attosecondes (10-18 s) qui permettent de sonder de manière ultime la dynamique des électrons dans la matière. Ces travaux sont aujourd'hui indispensables pour comprendre de nombreux phénomènes de physique, chimiechimie et biologie. Ils se poursuivent au sein de la plateforme Attolab, coordonnée par le CEA sur son centre de Saclay ».

    Enfin, Ferenc Krausz est lui né en 1962 à Mór (Hongrie). Il a étudié l'électrotechnique à l'Université Polytechnique de Budapest et la physique théorique à l'Université Eötvös-Loránd de Budapest. En 1991, il a obtenu son doctorat en électronique quantique à l'Université technologique de Vienne. Il est le Directeur de l'Institut Max-PlanckPlanck d'optique quantique à Garching et professeur à la Ludwig-Maximilians-Universität München, en Allemagne.


    Ferenc Krausz est l'un des fondateurs du domaine de la physique attoseconde. Au plus profond du microcosme, les dimensions temporelles sont extrêmement courtes. Les électrons des atomes et des molécules se déplacent en quelques attosecondes seulement, soit des milliardièmes de milliardième de seconde. Afin de voir et d'étudier ces mouvements, Ferenc Krausz et son groupe créent des éclairs de lumière ultracourts qui ne durent également que quelques attosecondes. Avec ces impulsions attosecondes ultracourtes, leur objectif est de développer une électronique toujours plus rapide, un million de fois plus rapide qu'aujourd'hui, ou de nouveaux outils médicaux pour le diagnostic et le traitement précoces du cancer. L'entretien et la visite du laboratoire avec Ferenc Krausz ont été enregistrés en novembre 2021 à l'Institut Max-Planck d'optique quantique. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Max Planck Institute of Quantum Optics

    La lumière laser est omniprésente dans notre univers quotidien : elle permet de lire les DVD et les codes-barres, transporte des informations dans des fibres optiques, soigne les malades, mesure les distances, vaporise les roches de Mars, perce, découpe ou soude. Les chercheurs s’en servent pour voir les mouvements des électrons autour des atomes, veulent l’utiliser pour construire des accélérateurs des particules, et un jour peut-être, pour produire de l’énergie avec la fusion nucléaire. Découvrez ce que sont les lasers et leurs applications les plus extrêmes. Lasers extrêmes est une production de la Direction de la recherche fondamentale du CEA. Ce film a été réalisé avec le concours de l'Institut Rayonnement-Matière du CEA-Saclay. © CEA/DRF, avril 2016.

    Conférence de Anne L'Huillier intitulée « Interférences quantiques et Impulsions attosecondes ».  © Académie des sciences