Pour apprendre aux futurs lanceurs réutilisables de l'Europe à voler et contrôler leur attitude, le Cnes a initié le programme Frog qui propose une plateforme d’apprentissage et de développement pour tester en vol des algorithmes GNC (guidage, navigation et contrôle). Les explications de Jérémie Hassin, chef du projet Frog au Cnes.


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    Aujourd'hui, il ne fait plus guère de doute que le lanceur européen qui succédera à Ariane 6Ariane 6 sera au moins partiellement réutilisable. Sous l'impulsion de la France et de son agence spatiale, le Cnes, l'Europe y travaille, et aujourd'hui plusieurs projets sont en cours.

    On citera en exemple les projets Callisto et Themis dont les développements vont servir à acquérir les premières briques technologiques nécessaires à la réutilisation afin de préparer les évolutions futures d'Ariane. Tandis que CallistoCallisto est un démonstrateurdémonstrateur de premier étage réutilisableétage réutilisable de taille moyenne qui volera en 2023, Themis, un programme d'ArianeGroup développé au travers de l'accélérateur d'Innovarion ArianeWorks, sera quant à lui représentatif d'un étage de lanceur réutilisable de la gamme Ariane et effectuera ses vols de 2022 à 2025. Themis utilisera le moteur Prometheus (programme d'ArianeGroup), dans des configurations à un et trois moteurs.

    Et puis, il y a aussi des « petits » programmes d'apparence anodine mais qui permettent de maturer des technologies, de défricher le terrain, de réaliser des avancées ou simplement de « dérisquer » des technologies en cours de développement.

    C'est le cas de Frog, acronyme récursif qui signifie « a Rocket for GNC demonstration », un « projet collaboratif et innovant sur la réutilisation », nous explique Jérémie Hassin, le chef du projet au Cnes. Le but est de « développer, implémenterimplémenter et valider à faibles coûts des algorithmes GNC (guidage, navigation et contrôle) de lanceurs réutilisables ». À proprement parler, Frog n'est pas un prototype de lanceur réutilisable mais plutôt une sorte de « banc de test volant permettant de tester une grande variété de GNC afin d'apprendre sur la réutilisation ». Ces algorithmes de Frog sont notamment développés avec l'aide de Stéphane Querry de la PME Polyvionics, spécialisée dans l'avionique, l'automatique appliquée et l'intelligence artificielleintelligence artificielle.

    Le démonstrateur Frog lors d'un vol de test au centre d’essais en vol de Brétigny-sur-Orge. © Cnes, YouTube

    Tout l'intérêt de Frog est « l'apprentissage par l'expérimentation : on développe, on fabrique, on teste, on corrige. C'est une approche itérative poussée à l'extrême sur des démonstrateurs de très petite échelle ». Les premiers tests en vol ont mis en « évidence de nombreux problèmes mineurs qui n'auraient pas pu être identifiés autrement ». Avec Frog, certaines parties du GNC et du programme de vol de Themis et de Callisto pourront être testées en vol, de façon à réduire les risques de développement.

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    Ce banc de test s'apparente tout de même à un lanceur. Il se présente sous la forme d'un « véhicule de 2,5 m de haut et de 30 cm de diamètre avec des longerons et des viroles et l'ensemble équipé d'une tuyère orientable par cardan, d'un système de contrôle de roulis à turbines électriques et de quatre pieds en carbone ». Il est propulsé par un petit turboréacteur fonctionnant au kérosènekérosène et capable de pousser 40 kgkg à la verticale. Il a « déjà effectué plusieurs vols captifs, relié à un portiqueportique, pour réaliser les premières phases de validation des algorithmes GNC », puis, en septembre 2020, des vols libres jusqu'à une cinquantaine de mètres de haut au centre d'essais en vol de Brétigny-sur-OrgeOrge. « Ces essais ont permis de valider l'ensemble des systèmes composant cette fuséefusée miniature, sa capacité à voler de manière stable et à atterrir de manière automatique ».

    Un deuxième prototype à plus grande échelle, Frog-H, est en cours de développement. Il sera propulsé par un moteur de fusée monoergol fonctionnant au peroxyde d'hydrogèneperoxyde d'hydrogène (H2O2), développé avec l'institut polonais Lukasiewicz. Les objectifs sont similaires « mais avec un prototype plus représentatif d'un lanceur car le turboréacteur du premier prototype a un fonctionnement très différent de celui d'un moteur de fusée ». Le projet Frog-H étant devenu une collaboration européenne, l'ESAESA a naturellement rejoint le projet. « Les premiers essais statiques sont prévus en 2021 et le premier vol dès 2022. »

    Un petit écosystème de personnes motivées autour de la réutilisation

    Frog a pour particularité d'être un projet collaboratif qui réunit une grande diversité d'acteurs. Parmi ces acteurs, l'association d'éducation populaire aux sciences et techniques Planète Sciences, l'IUT de Cachan via son FabLab et incubateur Innovlab, et les entreprises innovantes Polyvionics, Drones-Center et Sonatronic. Ce projet encadré par le Cnes peut également compter sur des « contributeurs bénévoles de tous horizons, ingénieurs, chercheurs, étudiants et membres d'associations qui ne sont pas tous issus du secteur spatial ».

    La diversité de l'écosystèmeécosystème de Frog fait la « force du projet, car chacun apporte ses connaissances et son savoir-faire propre à son secteur d'activité (industrie spatiale, drones, open sourceopen source et DIY...), ce qui dans un cadre sécurisé est extrêmement fécond et permet de réaliser des développements technologiques plus rapidement et différemment ». Cette approche de développement qui s'apparente à de l'open innovation est une « manière efficace pour faire mûrir des projets tout en suscitant des vocations ».

    « Au terme des campagnes d'essais, ce programme de démonstration sera achevé. À sa petite échelle, éducative et associative, il aura contribué à notre apprentissage de la réutilisation et de la manipulation de peroxyde d'hydrogène », conclut Jérémie Hassin. Et, à ce titre, ses résultats pourront être utiles à la feuille de route de réutilisation du Cnes, notamment au travers des programmes Callisto et Themis préfigurant les lanceurs du futur.