Une nouvelle étude suggère qu'Homo sapiens aurait fait une pause de 30 000 ans dans la péninsule arabique lors de sa dispersion hors d'Afrique. Ce temps a permis à nos ancêtre de s'adapter au climat froid des terres septentrionales.

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S'il est à peu près établi que l'Homme moderne (Homo sapiens) est apparu en Afrique il y a plus de 200 000 ans, la façon dont il s'est essaimé à travers le monde contient encore de nombreuses zones d'ombre. Il est communément admis que cette dispersion s’est produite il y a environ 60 000 à 50 000 ans sur le continent eurasiatique. Cette grande histoire migratoire vers le nord semble cependant avoir été entrecoupée d'arrêts en cours de route.

Les différentes migrations hors d'Afrique. Celle d'<em>Homo sapiens</em> (l'Homme moderne) est en rouge. © NordNordWest, Wikimédia Commons, domaine public
Les différentes migrations hors d'Afrique. Celle d'Homo sapiens (l'Homme moderne) est en rouge. © NordNordWest, Wikimédia Commons, domaine public

Une nouvelle étude publiée dans PNAS révèle en effet que les communautés d'Homo sapiens n'auraient pas rejoint l'Eurasie directement. Au cours de leur migration, elles se seraient arrêtées au niveau de la péninsulepéninsule arabique pour une longue, très longue période de plus de 30 000 ans, avant de poursuivre leur colonisation des territoires situés plus au nord. Cette « pause » aurait permis à ces êtres humains de s'adapter graduellement à des conditions climatiques plus froides, leur donnant les capacités de survivre par la suite dans les régions plus septentrionales. Or, ces adaptations physiques sont toujours visibles dans notre héritage génétiquegénétique. C'est ce qu'ont découvert des chercheurs de l'Australian Center for Ancient DNA de l'université d'Adélaïde (Australie). La plupart de ces changements génétiques seraient d'ailleurs associés aujourd'hui à des maladies comme l'obésitéobésité, le diabètediabète et les désordres cardiovasculaires.

Une histoire inscrite dans notre génome

Il est intéressant de noter à quel point le premier séquençageséquençage complet du génomegénome humain en l'an 2000 a ouvert la voie à un nombre phénoménal d'études et d'avancées scientifiques, tant dans le domaine de la médecine que dans l'histoire de l'Humanité. Car les grandes étapes de notre passé peuvent se lire dans nos gènesgènes.

Le génome humain s'est modifié face à la pression de l'environnement. Certaines grandes étapes de l'Humanité sont ainsi inscrites dans nos gènes. © Byakkaya, Getty Images
Le génome humain s'est modifié face à la pression de l'environnement. Certaines grandes étapes de l'Humanité sont ainsi inscrites dans nos gènes. © Byakkaya, Getty Images

Comme tous les organismes sur Terre, l'être humain a en effet subi de nombreuses évolutions face aux contraintes imposées par son environnement de vie. Cette formidable capacité d'adaptation est d'ailleurs ce qui aurait permis à l'Homme moderne de coloniser l'ensemble du globe, en supplantant toutes les autres espècesespèces d'hominidéshominidés.

Certains événements du passé semblent ainsi avoir notablement influencé le génome humain par le biais d'une sélection naturellesélection naturelle drastique. Pourtant, il n'est pas évident aujourd'hui de retrouver les traces de ces changements, le mélange des populations, notamment, ayant tendance à effacer cette signature génétique.

Une halte dans la péninsule arabique

Les scientifiques ont cependant réussi à identifier 57 régions du génome correspondant à une évolution génétique ayant été bénéfique aux anciens groupes humains. L'étude révèle ainsi qu'une phase d'adaptation majeure est survenue avant le grand dispersement en Eurasie il y a 60 000 à 50 000 ans. Cette phase aurait duré pas moins de 30 000 ans. Surnommée la « pause arabe », elle est mise en évidence à la fois par des critères génétiques, mais également archéologiques et climatiques qui suggèrent que nos ancêtres se sont arrêtés dans leur montée vers le nord dans les alentours de la péninsule arabique, le temps de s'adapter à un climatclimat plus froid. Les adaptations génétiques gagnées durant cette période seraient ainsi reliées à la capacité de stockage de la graisse, au développement nerveux, à la physiologie de la peau et au développement de minuscules fibres (des « cilscils ») dans nos voies respiratoires. Ces changements auraient été conduits en réponse à un climat froid et sec régnant sur la péninsule arabique entre 80 000 et 50 000 ans.  

Il est intéressant de voir que dans notre monde moderne, largement modelé par nos soins, ces adaptations alors bénéfiques il y a 50 000 ans sont aujourd'hui sources de maladies !

En dehors du fait que ces résultats permettent de mieux comprendre l'histoire des migrations humaines, l'identification de ces changements génétiques pourrait permettre de développer de nouvelles approches thérapeutiques et préventives pour les populations actuelles.