Alors que le souci des organisateurs d'évènements avait toujours été de dégager au maximum les voies d'évacuation de la foule en cas d'urgence, une étude réalisée par des chercheurs de l'université de Monash (Australie) tend à démontrer que l'inverse serait souvent préférable.

au sommaire


    Déplacement d'une colonie de fourmis.

    Déplacement d'une colonie de fourmis.

    Tous les architectesarchitectes et planificateurs vous le diront : l'important en cas de panique, c'est de garder le contrôle de la foule afin d'éviter qu'elle se transforme en une masse impossible à diriger. Mais ce résultat est bien plus facile à imaginer qu'à réaliser, et un rassemblement d'individus en proie à une peur, inconsidérée ou non, devient vite impossible à contrôler.

    Nous sommes malheureusement habitués à ces scènes d'évacuation où des spectateurs de manifestations soumis à la panique ont fini par former des agglomérats de corps entremêlés, provoquant piétinements, blessures et même victimes, et cela même en terrain dégagé. Par contre, on reste surpris du calme avec lequel certaines foules se sont engagées dans des espaces d'évacuation pourtant accidentés et exigus, comme les escaliersescaliers de secours des Tours Jumelles lors des attentats du 11 septembre 2001 à New York, parvenant sans trop de mal à s'en extraire. Du moins pour ceux qui en ont eu le temps.

    L'exemple des fourmis

    Pour comprendre cette énigme, l'équipe de scientifiques s'est penchée sur le comportement de... fourmisfourmis tropicales, dont on connaît aussi la propension à se déplacer en groupes de plusieurs milliers, voire millions d'individus dans les forêts équatoriales. Et notamment de la Linepithema humile, originaire d'Argentine, mais en voie d'envahir le territoire européen au gré des déplacements des hommes, qui ne manquent pas d'en emporter involontairement dans leurs bagages.

    "Marche sur une fourmi et mille autres t'attaqueront", dit un proverbe africain. C'est là confirmer le degré de sociabilité de ces insectesinsectes, mais leur instinct de groupe va bien au-delà de cet aspect belliqueux. Car selon les chercheurs, ces fourmis semblent maîtriser complètement l'art du déplacement en groupe, et leur comportement devrait inspirer les architectes lors de la conception d'espaces à haute concentration humaine.

    Ainsi, comme il a été maintes fois observé, un évènement imprévu au sein d'un rassemblement de fourmis en cours de déplacement ne sème pas la panique parmi ses membres, qui ne se mettent pas à s'égailler en tous sens comme le feraient des poulets... ou des humains. Au contraire, ces hyménoptères adoptent aussitôt un comportement de groupe organisé, allant jusqu'à ralentir leur marche en se mettant à suivre physiquement plusieurs voies parallèles.

    Cette organisation spontanée limite ainsi toute interférence entre individus et évite qu'un seul obstacle puisse entraver le déplacement de l'ensemble. Bien sûr il serait vain d'imposer un tel comportement à une foule paniquée, mais selon Martin Burd, spécialisé en écologieécologie et évolution et membre de l'équipe, il serait possible de se servir de l'exemple de Linepithema humile pour sécuriser les dispositifs actuels d'évacuation en cas d'urgence.

    Une exiguïté parfois mortelle

    Selon une autre étude, effectuée pour le compte du bureau de la protection des infrastructures essentielles et de la protection civile du canada, le risque de panique est directement proportionnel à la densité des individus composant une foule. Alors qu'une surface disponible de 2,3 m² par personne est nécessaire pour assurer un déplacement sans heurt, la marche devient incommode à partir de 0,9 m². A 0,5 m² la capacité maximale est atteinte et en deçà seuls les mouvements d'ensemble sont encore possibles, générant incontrôlabilité et panique.

    Aussi, Burd suggère de ralentir, et surtout disperser la foule dès le début de l'évacuation, par exemple en disposant des obstacles sans toutefois entraver sa marche. Cela pourrait facilement se réaliser en installant des rails ou des séparationsséparations dans les couloirs afin de canaliser le déplacement, à la manière de ce que font naturellement les fourmis. De même, un pilier placé juste derrière une issue de secours pourrait avoir un effet salvateur en ralentissant le mouvement et augmentant l'espace entre les individus.

    Bien entendu, ces recherches doivent encore être approfondies mais nul doute qu'il s'agit là d'un aspect extrêmement intéressant de la psychologie des foules, et qu'il y a là matière à de nombreuses améliorations dans la conception de certains lieux publics.