Les hypothèses de travail pour expliquer le crash de Schiaparelli sur Mars en octobre 2016 étaient les bonnes. C'est ce qui ressort du rapport de la commission d’enquête indépendante mise en place par l’ESA. Elle émet également une série de recommandations afin de préparer au mieux l'atterrissage du rover ExoMars 2020 dont la mission sera réalisée en coopération avec l'agence spatiale russe Roscosmos.

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    Sept mois après le crash de l'atterrisseur Schiaparelli, l'agence spatiale européenneagence spatiale européenne rend public le rapport de la commission d'enquête indépendante, mise en place par le directeur général de l'ESA Jan Woerner. Elle confirme ce qui était une hypothèse forte en novembre 2016. Les conclusions très préliminaires de l'enquête s'orientaient en effet déjà vers l'idée que la mesure d'un capteurcapteur avait « peut-être fait croire à l'engin qu'il se trouvait à une altitude plus basse qu'il ne l'était en réalité » expliquait Andrea Accomazzo, directeur de la division des missions solaires et planétaires à l'ESA.

    Le rapport détaille la chaîne d'évènements à l'origine du crash de l'atterrisseur construit par Thales Alenia Space. Jusqu'à l'ouverture du parachuteparachute, la phase de rentrée, de descente et d'atterrissage est conforme aux attentes des contrôleurs au sol. C'est à l'ouverture du parachute que s'enclenche une série d'évènements amenant Schiaparelli à se comporter de manière imprévue.

    Des informations contradictoires avant l’atterrissage

    En se déployant, le parachute engendre des oscillations de Schiaparelli, ce qui était prévu. En revanche, leur amplitude avait été sous-estimée. Elle dépasse les capacités du gyroscopegyroscope de la centrale inertielle, l'instrument qui sert à mesurer le mouvement. Ses données sont donc mal interprétées. Le calcul de l'attitude de l'atterrisseur est faussé et, par ricochet, la position du module par rapport la surface de Mars l'est aussi. L'ordinateurordinateur de bord, qui reçoit également des mesures du radar Doppler, estime alors que Schiaparelli a atteint une altitude... négative.

    Il commande logiquement la séparationséparation du parachute et du bouclier arrière, et active les rétrofusées pendant seulement 3 secondes, au lieu de 30. Résultat, Schiaparelli entame une chute libre de 3,7 kilomètres et, 34 secondes plus tard, percute le sol à la vitesse de 540 km/h. Au total, la phase de rentrée de descente et d’atterrissage de Schiaparelli aura duré moins de 6 minutes. L'atterrisseur est entré dans l'atmosphèreatmosphère à 14 h 42 mn 22 s et a touché le sol à 14 h 48 mn 05 s.

    Bien qu'il ne soit pas posé comme il aurait dû, une grande partie des objectifs de démonstration ont été atteints. En tenant compte et en corrigeant ce qui n'a pas correctement fonctionné, le rover d'ExoMars 2020 a de bonnes chances d'atterrir. © ESA, ATG medialab

    Bien qu'il ne soit pas posé comme il aurait dû, une grande partie des objectifs de démonstration ont été atteints. En tenant compte et en corrigeant ce qui n'a pas correctement fonctionné, le rover d'ExoMars 2020 a de bonnes chances d'atterrir. © ESA, ATG medialab

    Le crash de Schiaparelli est une expérience utile

    Enfin, en vue d'ExoMars 2020, ce rapport pointe aussi des erreurs qui auraient pu être évitées et formule seize recommandations,  sur le plan technique, sur celui des essais au sol mais aussi de l'organisation industrielle. La question de la responsabilité n'est pas simple. L'organisation est particulièrement complexe, avec Lavochkin comme responsable du module de descente, et Thales Alenia Space Italie pour les systèmes impliqués dans l'échec de la mission. Le rapport recommande de créer une équipe qui chapotera le travail des deux industriels sur la partie ingénierie et vérification. Il recommande de demander conseil à la Nasa et au JPLJPL.

    Il faut retenir qu'une partie très importante des objectifs de démonstration a été réalisée. Cette expérience servira pour faire atterrir le rover ExoMars 2020 sur le sol martien, soit sur Oxia Planum, une vaste plaine datant de quatre milliards d'années, soit, à quelques centaines de kilomètres de là, dans Mawrth Vallis, un grand chenal d'écoulement, avec d'épaisses couches de sédimentssédiments sur les plateaux alentour. Le rapport énumère les étapes et les démonstrations qui ont été réalisées correctement et les points à traiter avant de débuter la constructionconstruction du module de descente d'ExoMars 2020. Il conclut que « le démonstrateurdémonstrateur Schiaparelli était très proche d'atterrir avec succès sur Mars à l'emplacement prévu ».


    Un bug informatique serait à l'origine du crash de Schiaparelli

    Article de Xavier DemeersmanXavier Demeersman publié le 24 novembre 2016

    Tout indique que le système de navigation de Schiaparelli a été trompé, le 19 octobre, alors qu'il s'apprêtait à se poser en douceur sur Mars. Telles sont les « conclusions très préliminaires » de l'enquête de l'ESA.

    Plus d'un mois après le crash du module de test Schiaparelli (mission ExoMars 2016ExoMars 2016 de l'ESA et Roscosmos) le 19 octobre, ingénieurs et techniciens y voient un peu plus clair dans le déroulement des évènements. La piste proposée par Andrea Accomazzo (voir article initial plus bas) d'une panne de logiciellogiciel, qui a « peut-être fait croire à l'engin qu'il se trouvait à une altitude plus basse qu'il ne l'était en réalité », apparaît comme la plus probable.

    D'après les données récupérées par l'ESA, tout allait très bien pour la capsule après son entrée dans l'atmosphère ténue de Mars. Le parachute s'est déployé comme prévu à 12 km d'altitude et une partie du bouclier thermique s'est séparée à 7,8 km du sol. Les problèmes ont commencé avec la saturation des mesures des vitesses de rotationvitesses de rotation du robotrobot par l'IMU (Inertial Measurement Unit), lesquelles ont duré une seconde, soit un peu plus longtemps que prévu par les simulations. Ensuite, une fois que les données erronées ont fusionné dans le système de navigation, ce dernier a conclu à une altitude négative. Il a alors déclenché les séparations du parachute et de la coquille arrière, allumé brièvement les rétropropulseurs et, enfin, mis en route les opérations au sol.

    « Alors que l'atterrisseur était encore à 3,7 km de la surface de Mars, un résultat de calcul lui donnait une altitude négative de -2 km, a expliqué à l'AFP, Thierry Blancquaert, en charge de Schiaparelli à l'ESA. Le système de navigation s'est dit "on a dû atterrir" ». Malheureusement en chute libre, le module s'est fracassé sur le sol à une vitesse de 540 km/h.

    Le site d’impact de Schiaparelli photographié en haute résolution par la sonde américaine MRO, le 1er novembre 2016. Il semblerait que l’atterrisseur européen se soit brisé, comme le suggèrent les taches claires autour du site, inhabituelles. En bas à gauche, on distingue le parachute et la coquille arrière du module de test ; à droite, le bouclier thermique. © Nasa, JPL-Caltech, University of Arizona

    Le site d’impact de Schiaparelli photographié en haute résolution par la sonde américaine MRO, le 1er novembre 2016. Il semblerait que l’atterrisseur européen se soit brisé, comme le suggèrent les taches claires autour du site, inhabituelles. En bas à gauche, on distingue le parachute et la coquille arrière du module de test ; à droite, le bouclier thermique. © Nasa, JPL-Caltech, University of Arizona

    « Nous aurons beaucoup appris de Schiaparelli »

    « Ce n'est encore qu'une conclusion très préliminaire de nos recherches techniques », a indiqué, mercredi 23 novembre, le directeur des vols spatiaux et de l'exploration robotisée de l'ESA, David Parker. En effet, une enquête externe indépendante commissionnée par l'Agence spatiale européenne devrait à son tour se prononcer début 2017.

    Quoi qu'il en soit, « nous aurons beaucoup appris de Schiaparelli et cela contribuera directement à la seconde mission ExoMars actuellement développée avec nos partenaires internationaux pour un lancement en 2020 », a-t-il conclu.

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    Les premiers éléments de l'ESA sur le crash de Schiaparelli

    Article initial de Marc ZaffagniMarc Zaffagni paru le 26/10/2016

    Les premiers éléments recueillis par l'ESA laissent envisager la possibilité d'un dysfonctionnement logiciel qui aurait fait croire au démonstrateur Schiaparelli qu'il se trouvait plus près du sol qu'il ne l'était en réalité. Une « intuition » qui demandera à être confirmée par des analyses plus poussées de la séquence d'atterrissage.

    Si l'ESA n'a pour le moment pas livré d'explication officielle et définitive sur le crash de Schiaparelli, une hypothèse semble émerger. Dans un article publié par Nature, Andrea Accomazzo, directeur de la division des missions solaires et planétaires à l'ESA, fait part de son « intuition ». Selon lui, un bugbug du logiciel de Schiaparelli ou un problème dans l'agrégation des données provenant des différents capteurs ont peut-être fait croire à l'engin qu'il se trouvait à une altitude plus basse qu'il ne l'était en réalité.

    Les rétrofusées de Schiaparelli n'ont fonctionné que 3 secondes

    Jorge Vago, un responsable scientifique de la mission ExoMars également cité dans l'article, indique que les données issues de la phase d'atterrissage montrent que le problème est survenu 4 minutes et 41 secondes après le début de la descente dans l'atmosphère, qui a duré presque 6 minutes. À cet instant, le bouclier thermique et le parachute se sont éjectés de façon prématurée. Les rétrofusées censées fonctionner durant 30 secondes ne sont restées allumées qu'environ 3 secondes car l'ordinateur de Schiaparelli pensait que le démonstrateur était posé. Les instruments de mesure ont même été activés.

    Las, Schiaparelli était encore loin du sol et il aurait fait une chute libre de 2 à 4 kilomètres pour finalement s'écraser à plus de 300 km/h à la surface de Mars. Si l'hypothèse du bug informatique demande à être confirmée, il s'agirait du scénario le moins problématique pour l'ESA. En effet, un dysfonctionnement logiciel sera plus facile à résoudre qu'un défaut de conception du matériel impliqué dans l'atterrissage. L'enquête va se poursuivre en reproduisant des simulations d'atterrissage afin d'apporter les modifications nécessaires dans la perspective de la mission ExoMars 2020 qui, comme Futura l'a déjà indiqué, n'est pas remise en cause.