Les sondes Voyager 1 et 2 sont des icônes de l'exploration du Système solaire pendant le dernier quart du XXe siècle. Au siècle suivant, Voyager 1 notamment est devenue une sonde du milieu interstellaire, complétant notre savoir. Toutefois, depuis novembre 2023, la sonde ne transmettait plus qu'un message incohérent à la Terre, laissant craindre que sa mission fût devenue impossible. Mais depuis le début du mois de mars 2024, l'espoir renaît.


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    Tous les membres de la génération X ont sans doute été marqués par les sondes Voyager qui ont commencé leur grand tour du Système solaire il y a presque 50 ans. Voyager 2Voyager 2 est partie la première en direction de JupiterJupiter le 20 août 1977 puis, le 5 septembre 1977, ce fut au tour de la sonde Voyager 1 de s'élancer vers les planètes du Système solaire.

    Voyager 1 et Voyager 2 nous ont fait découvrir les volcans de Io, la banquise d’Europe et les atmosphèresatmosphères turbulentes de Jupiter et SaturneSaturne et quelques aperçus de TitanTitan. Si Voyager 1 est ensuite partie en direction des limites du Système solaire, c'est Voyager 2 qui a été le premier visiteur de la noosphère à survoler UranusUranus et NeptuneNeptune.


    Une vidéo pour les 40 ans de la mission Voyager. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © NASA Jet Propulsion Laboratory

    Parmi les membres des missions Voyager se trouvaient le regretté André Brahic que les Français découvrent au cours des années 1980 mais aussi Carl Sagan qui avec Frank Drake fut à l'origine du célèbre disque d'or de Voyager (ou Voyager Golden Record) intitulé The Sounds of Earth (« Les sons de la Terre ») et dont deux versions sont embarquées dans les deux sondes. Contenant des images et des sons représentatifs de la Terre et de sa noosphère, ils servent de « bouteille à la mer interstellaire » destinée à d'éventuelles civilisations extraterrestres capables de détecter et de récupérer de telles bouteilles.

    Le saviez-vous ?

    Les disques d'or de Voyager avec leur contenu peuvent durer plusieurs milliards d’années selon leurs créateurs. Dans 40 000 ans, celui emporté par Voyager 1 sera à seulement 1,6 année-lumière de Gliese 445, une naine rouge de type M située aujourd'hui à 17,6 années-lumière du Soleil mais qui ne sera plus qu'à 3,45 années-lumière à ce moment-là du fait de ses mouvements et de ceux du Soleil dans la Voie lactée. Chacun de ces disques est en cuivre doré recouvert d’aluminium dans lequel ont été injectés des atomes d’uranium 238 radioactifs. C’est un isotope dont la demi-vie est d’environ 4,5 milliards d’années. Quelle que soit la civilisation E.T. dans la Voie lactée qui les découvrira peut-être un jour, avant que le Soleil ne devienne une géante rouge par exemple, elle pourra donc dater le disque et la sonde qui l’emporte.

    Le fameux <em>Golden Record</em> des sondes Voyager. « <em>Dans un milliard d'années, quand tout ne sera plus que poussière sur Terre, les enregistrements de Voyager parleront encore pour nous.</em> » (Carl Sagan). En bas à gauche du disque se trouvent codées les directions et les fréquences de plusieurs pulsars donnant la position du Soleil, au centre, par rapport à eux. © Nasa
    Le fameux Golden Record des sondes Voyager. « Dans un milliard d'années, quand tout ne sera plus que poussière sur Terre, les enregistrements de Voyager parleront encore pour nous. » (Carl Sagan). En bas à gauche du disque se trouvent codées les directions et les fréquences de plusieurs pulsars donnant la position du Soleil, au centre, par rapport à eux. © Nasa

    De sonde interplanétaire à sonde interstellaire

    Au cours des années 2010, la sonde Voyager 1 est devenue une sonde interstellaire en franchissant l'héliopause à 17 km/s, s'aventurant au-delà de la bulle de vent solaire qui enveloppe le Soleil.

    Rappelons que l'héliopause est définie comme la frontière où la pression du vent solaire équilibre celle du plasma du milieu interstellaire. Du moins pour beaucoup, car certains préfèrent considérer comme frontière du Système solaire le nuagenuage de comètescomètes de Oort, c'est-à-dire en gros les limites de l'influence gravitationnelle du Soleil par rapport aux autres étoilesétoiles.

    L'énergieénergie qui permet à la sonde Voyager 1 de faire des observations et de communiquer avec la Terre aussi loin du Soleil, ce qui rend des panneaux solaires inopérants, est fournie par trois générateursgénérateurs thermoélectriques à |8e1cfae0acc776dab4fc826de216060a|-isotopeisotope (RTG) basés sur la désintégration radioactive du plutoniumplutonium 238 produisant de la chaleurchaleur convertie en électricité. La sonde devait pouvoir encore fonctionner jusqu'en 2025 mais, l'année dernière, on a commencé à craindre que la mission Voyager 1 soit déjà terminée.

    On peut prendre la mesure de l'inquiétude de la NasaNasa à ce moment-là avec la déclaration de Suzanne Dodd (que l'on voit dans la vidéo ci-dessus), chef de projet de la mission Voyager, rapportée par la fille de Frank DrakeDrake, Nadia Drake, dans l'article de Scientific American qu'elle consacre à l'événement : « c'est le problème le plus grave que nous ayons rencontré depuis que je suis chef de projet, et c'est effrayant parce que vous perdez la communication avec le vaisseau spatial ».

    La résolutionrésolution de ce problème est compliquée déjà par le fait qu'il faut à un signal radio 22,5 heures pour atteindre Voyager 1 à 24 milliards de kilomètres de la Terre et que l'équipe d'ingénierie en charge doit attendre 45 heures pour obtenir une réponse de Voyager 1 et déterminer si une commande a eu le résultat escompté. Enfin, les ingénieurs qui ont commencé à travailler sur cette mission et qui la connaissent ainsi que la technologie de l'époque se font rares alors que ce sont eux qui ont le plus de chance de résoudre le problème. Comme l'explique un communiqué de la Nasa, cela implique souvent que « les ingénieurs modernes doivent consulter des documents originaux vieux de plusieurs décennies, rédigés par des ingénieurs qui n'ont pas anticipé les problèmes qui se posent aujourd'hui. Il faut du temps à l'équipe pour comprendre comment une nouvelle commande affectera les opérations du vaisseau spatial afin d'éviter des conséquences imprévues ».

    En l'occurrence, le problème a commencé à se manifester en novembre 2023 par le fait qu'au lieu de recevoir une série complexe de 0 et 1 contenant des informations codées en binairebinaire en provenance de Voyager 1, il n'y avait plus qu'une répétition vide de sens d'un groupe de 0 et de 1.

    Les ingénieurs sont arrivés tout de même à la conclusion que le problème se situe au niveau de l'un des trois ordinateursordinateurs de bord de Voyager 1, appelé système de données de vol (flight data system ou FDS en anglais). Il ne communique plus correctement avec l'un des sous-systèmes de la sonde chargé d'envoyer des données scientifiques ou techniques sur la santé et l'état de la sonde en direction de la Terre.

    Le 1er mars 2024, la Nasa a fait une tentative en envoyant une instruction à la sonde et le 3 mars elle a reçu un message qui n'était plus répétitif mais qui n'en restait pas moins incompréhensible jusqu'à ce qu'un ingénieur du Deep Space NetworkDeep Space Network de l'agence, qui exploite les antennes radio qui communiquent avec les Voyager et d'autres engins spatiaux voyageant vers la LuneLune et au-delà, ne trouve comment le décoder.

    Il s'est avéré que le message envoyé consistait en une lecture de l'intégralité de la mémoire du FDS, ce qui - comme l'explique un communiqué de la Nasa - comprend son code ou des instructions sur ce qu'il faut faire, ainsi que des variables ou des valeurs utilisées dans le code qui peuvent changer en fonction des commandes ou de l'état du vaisseau spatial. Il est possible que la mémoire électronique de Voyager 1 ait été affectée d'une manière ou d'une autre par un rayon cosmiquerayon cosmique énergétique au-delà de l'héliopause et qu'un ou plusieurs bits d'information aient été modifiés causant un bugbug.

    Pour le savoir et tester d'autres hypothèses, les ingénieurs de la Nasa ont entrepris de comparer le contenu de la mémoire avant et après ce bug. L'opération va prendre du temps et on ne peut que croiser les doigts en espérant qu'en sortira la solution au problème avant 2025.