Une exoplanète, 9 fois plus massive que Jupiter et 93 fois plus éloignée de son étoile que la Terre du Soleil, vient d'être découverte par imagerie directe. Cette géante encore en formation montre que certaines planètes géantes gazeuses peuvent se former par le mécanisme d'instabilité du disque plutôt que par le mécanisme « classique » d'accrétion de cœur.


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    Des exoplanètes, on en connaît environ 5.000, mais des exoplanètes directement imagées, on en connaît moins d'une centaine. Les images directes de protoplanètes qui sont encore dans le disque entourant leur jeune étoile-hôte sont des éléments précieux pour comprendre la formation des planètes géantes gazeusesplanètes géantes gazeuses telles que JupiterJupiter. Désormais, on en a une de plus : AB Aurigae b, à 531 années-lumière de nous.

    Un scénario inhabituel de formation planétaire

    Les exoplanètes détectées indirectement (notamment par transits ou vitesses radiales) sont presque toutes relativement proches de leur étoile, à moins de 30 unités astronomiquesunités astronomiques, c'est-à-dire la distance séparant NeptuneNeptune du SoleilSoleil (une unité astronomique correspond à la distance entre la Terre et le Soleil, soit 149,6 millions de kilomètres). Dans le scénario « classique » de formation planétaire, dit d'accrétionaccrétion de cœur, une planète géante se forme dans un disque protoplanétairedisque protoplanétaire à partir de petits corps, des grains de poussière aux rochers, qui entrent en collision et finissent par constituer un noyau de plusieurs massesmasses terrestres. Ce noyau accumule alors lentement le gazgaz du disque. Ce scénario explique bien les géantes gazeuses comme Jupiter, à 5,2 unités astronomiques du Soleil, et SaturneSaturne, à 9,5 unités astronomiques.

    À l'inverse, les exoplanètes directement imagées sont généralement loin de leur étoile (entre 50 et 300 unités astronomiques) et bien plus massives que Jupiter (souvent plus de cinq fois plus massives). L'accrétion de cœur peut difficilement expliquer la formation de nombre de ces planètes. Un modèle de formation plausible pour ces objets est l'instabilité du disque : lorsque le disque massif autour d'une étoile se refroidit, la gravitégravité provoque l'effondrementeffondrement rapide du disque en un ou plusieurs fragments de masse planétaire. Ce scénario semble mieux convenir à la formation de planètes géantes gazeuses supermassives vers 100 unités astronomiques.

    Les chercheurs ont pu directement imager l'exoplanète nouvellement formée AB Aurigae b sur une période de 13 ans à l'aide des instruments STIS et NICMOS de <em>Hubble</em>. En haut à droite, l'image NICMOS capturée en 2007 montre AB Aurigae b dans une position plein sud par rapport à son étoile hôte, qui est couverte par le coronographe de l'instrument. L'image capturée en 2021 par STIS montre que la protoplanète s'est déplacée dans le sens antihoraire au fil du temps. On peut noter que le disque entourant l'étoile AB Aurigae est vu presque de face depuis la Terre. © Science : Nasa, ESA, Thayne Currie (télescope <em>Subaru</em>, Eureka Scientific Inc.) ; traitement d'image : Thayne Currie (télescope <em>Subaru</em>, Eureka Scientific Inc.), Alyssa Pagan (STScI)
    Les chercheurs ont pu directement imager l'exoplanète nouvellement formée AB Aurigae b sur une période de 13 ans à l'aide des instruments STIS et NICMOS de Hubble. En haut à droite, l'image NICMOS capturée en 2007 montre AB Aurigae b dans une position plein sud par rapport à son étoile hôte, qui est couverte par le coronographe de l'instrument. L'image capturée en 2021 par STIS montre que la protoplanète s'est déplacée dans le sens antihoraire au fil du temps. On peut noter que le disque entourant l'étoile AB Aurigae est vu presque de face depuis la Terre. © Science : Nasa, ESA, Thayne Currie (télescope Subaru, Eureka Scientific Inc.) ; traitement d'image : Thayne Currie (télescope Subaru, Eureka Scientific Inc.), Alyssa Pagan (STScI)

    Un « super-Jupiter » loin de son étoile

    Le dernier ajout à cette liste, AB Aurigae b, a été découvert en utilisant l'instrument SCExAO du télescopetélescope Subaru, à Hawaï, et les instruments STIS et NICMOS du télescope spatial Hubble. Cette planète géante, probablement environ neuf fois plus massive que Jupiter, est encore en formation dans le disque protoplanétaire de poussières et de gaz tourbillonnant avec une structure en spirale distincte autour de la jeune étoile AB Aurigae, dont l'âge est estimé à environ 2 millions d'années. C'est à peu près l'âge qu'avait le Système solaireSystème solaire lorsque ses planètes se sont formées. À titre de comparaison, le Système solaire a actuellement 4,6 milliards d'années.

    Par rapport à son étoile, AB Aurigae b se trouve à une distance projetée d'environ 93 unités astronomiques, c'est-à-dire 13,9 milliards de kilomètres, environ trois fois plus loin que Neptune ne l'est du Soleil. À cette distance, il faudrait très longtemps pour qu'une planète de la taille de Jupiter se forme par accrétion de cœur, et encore. Cela amène les chercheurs à conclure que c'est vraisemblablement l'instabilité du disque qui a permis à cette planète de se former à une si grande distance.

    Thayne Currie, le chercheur principal de l'étude publiée dans le numéro du 4 avril de Nature Astronomy (en libre accès sur arXiv), souligne que la longévité de Hubble a joué un rôle particulier en aidant les chercheurs à mesurer l'orbiteorbite de la protoplanète. Il était à l'origine très sceptique quant au fait qu'AB Aurigae b était une planète. Les données d'archives de Hubble, combinées à l'imagerie de Subaru, se sont avérées cruciales dans son changement d'avis : « Nous ne pouvions pas détecter ce mouvementmouvement en un an ou deux. Hubble a fourni une base de temps, combiné aux données de Subaru, de 13 ans, ce qui fut suffisant pour pouvoir détecter un mouvement orbital. »